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martes, 15 de marzo de 2011

La nursery s`étend



La nursery s`étend

La carte proposait des choux gras aux gambas
Des joues de vieux melon aux senteurs d`épines douces
Des bouchées de passe-pierre sur leur riz de madras
Et des lapins farcis sur trilogie de mousses

Et la femme d`à côté à la table voisine
Criait que son dernier venait de faire caca
Que c`était bien la preuve de l`existence divine
Et les autres autour d`elle en faisaient très grand cas

Le restaurant prônait des crabes à l`estragon
Des anchois de Collioure et des râbles aux pignons
Des steaks au beurre d`herbes fraîches sur poêlées de marrons
Et des gratins de blettes avec des macarons

Et la garce infinie à sa table maudite
Gueulait que le petit barbotait dans sa merde
De plus en plus souvent que de baffes se perdent
Je l`aurais bien calmée avec des coups de bite

La serveuse conseillait des mouillettes de brioche
À la fleur d`oranger sur crême de mascarpone
Disdait que le sorbet non plus né tait pas moche
Ni le sauté de figues à l`huile de gascognne

Et la grognasse odieuse a sorti de son sac
Plusieurs couches en couleurs pour éponger les flaques
Assez de couches en somme pour repeindre le monde
Et distribuer partout son crottin à la ronde

Il y avait aussi tant de brochettes aux oeufs
Des tartines de chèvre avec du paprika
Du saumon sauce rouille sur liqueur de chartreux
Des jarrets de daurade à la fleur d`avocat

Et la radasse infâme nettoyait à grand seau
Ivre de son bon droit le cul de son marmot
Elle aurait bien couvert toute la terre de merde
Et le ciel et la mer pour que rien ne se perde

On suggérait encore une bouteille de cornas
Un côtes du ventoux ou bien un gigondas
Et pour finir peut-être un café expresso
Suivi de l`addition acquittable en euros

Et la gonzesse féroce achevait son turbin
Elle en jetait partout jusque dans nos assiettes
Et rendait grâce ainsi au culte de Layette
il n`y avait rien là qui lui parût malsain

Les femmes ne sont pas sorties du gynécée
Comme le disent encore trop d`illustres niais
C`est le monde lui-même qu`on y a fait rentrer
Comme dans une sombre et longue maternité

La nursery s`étend quand l`Histoire disparaît
La pouponnière croît quand la raison décline
La garderie triomphe de la lucidité
Douze coups ont sonné dans la nuit utérine

Le sens même des choses a été congédié
Les événements s`écroulent sous les gargouillements
L`homme se convertit au dieu de la Diarrhée
Tout se récapitule dans un vagissement


Philippe Muray



Retrouvez la voix de l`auteur interprétant son texte sur
http://www.myspace.com/philippemuray/music/songs/LA-NURSERY-SETEND-10765499

domingo, 13 de febrero de 2011

Tombeau pour une touriste innocente



Rien n´est jamais plus beau qu´une touriste blonde
QU´interviouwent des télés nippones ou bavaroises
Juste avant que sa tête dans la jungle ne tombe
Sous la hache d´un pirate aux façons trés courtoises

Elle était bête et triste et crédule et confiante
Elle n´avait du monde qu´une vision rassurante
Elle se figurait que dans toutes les régions
Règne le sacro-saint principe de précaution

Point de lieu á la ronde qui ne fût excursion
Rien ici ou lá-bas qui ne fût évasion
Pour elle les pays étaient terres de passion
Et de révélation et de consolation

Pour elle les pays étaient terres de loisirs
Pour elles les pays n´étaient que communion
On en avait banni les dernières séditions
Pour elle toutes les terres étaient terres de plaisir

Pour elle les nations étaient lieux d´élection
Pour elle les nations n´étaient que distraction
Pour elle les nations étaient bénédiction
D´un bout du monde á l´autre sans distinction

Toute petite elle disait avoir été violée
Par son oncle et son père et par un autre encore
Mais elle dut attendre ses trente et un balais
Pour revoir brusquement ce souvenir éclore

ELle avait terminé son second CDD
Mais elle envisageait d´autres solutions
Elle voulait travailler dans l´animation
Pour égayer ainsi nos fêtes de fin d´année

Elle cherchait á présent et pour un prix modique
A faire partout régner la convivialité
Comme disent les conseils en publicité
Elle se qualififait d´intervenante civique

Elle avait pris contact avec plusieurs agences
Et des professionnels de la chaude ambiance
Elle était depuis peu amie d´un vrai artiste
Musicien citoyen jongleur équilibriste

Grand organisateur de joyeuses sarabandes
Le mercredi midi et aussi le samedi
Pour la satisfaction des boutiques Godassland
Créateur d´escarpins cubistes et nabis

Elle aussi s´entraînait á des tours rigolos
En lançant dans les airs ses propres godillots
Baskets bi'matières á semelles crantées
Les messages passent mieux quand on s´est bien marré

Au ministère social des Instances drolatiques
Elle avait exercé à titre de stagiaire
L´emploi de boîte vocale précaire et temporaire
Elle en avait gardé un souvenir ´rotique

Elle avait également durant quelques semaines
Remplacçe une hôtese de chez Valeurs humaines
Filiale fondamentale de Commerce équitable
O´u l´on vend seulement des objets responsables

Elle avait découvert le marketing éthique
La joie de proposer des cadeaux atypiques
Fabriqués dans les règles de l´art humanitaire
Et selon les valeurs les plus égalitaires
(...)

Caffé labellisé bio'humanisé
Petits poulets de grain ayant accés au pré
Robes du Bangladesh jus d´orange allégé
Connotation manouche complétement décalée

Sans vouloir devenir une vraie thçeoricienne
Elle savait maintenant qu´on peut acheter plus juste
Et que l´on doit avoir une approche citoyenne
De tout ce qui se vend et surtout se déguste

Et qu´il faut exiger sans cesse et sans ambage
La transparence totale dedans l´étiquetage
Comme dans le tourisme une pointilleuse éthique
Transformant celui'ci en poème idyllique

À ce prix seulement loin des sentiers battus
Du vieux consum´risme passif et vermoulu
Sort'on de l´archaîque rôle de consommateur
Pour s´affirmer enfin vraiment consom`acteur

Elle faisait un peu de gnose le soir venu
Lorsqu`après le travail elle se mettait toute nue
Et qu´ayand commandé des sushis sur le Net
Elle les grignotait assise sur la moquette

Ou bien elle regardait un film sur Canal'Plus
Ou bien elle repensait á ses ancies amants
Ou bien elle s´asseyait droit devant son écran
Et envoyait des mails à des tas d´inconnus

Elle disait je t´embr@sse elle disait je t´enl@ce
Elle faisait grand usage de la touche arobase
Elle s´exprimait alors avec beaucoup d´audace
Elle se trouvait alors aux frontières de l´extase

Dans le métro souvent elle lisait Coelho
Ou bien encore pennac et puis Christine Angot
Elle les trouvait violents étranges et dérangeants
Brutalement provocants simplement émouvants

Elle aimait que les livres soient de la dynamite
QU´ils ruinent en se jouant jusqu´au dernier des mythes
Ou bien les reconstruisent avec un certain faste
Elle aimait les auteurs vraiment iconoclastes

Elle voulait trois bébés ou même peut'être quatre
Mais elle cherchait encore l´idéal géniteur
Elle n´avait jusqu ´ici connu que des farceurs
Des misogynes extrêmes ou bien d´odieux bellâtres

Des machistes ordinaires ou extraordinaires
Des sexistes populistes très salement vulgaires
Des cyniques égoïstes des libertins folâtres
Ou bien des arnaqueurs elle la trouvait saumâtre

Elle se voyait déjá mére d´élèves impliquée
Dans tous les collectifs éducatifs possibles
Et harcelant les maîtres les plus irréductibles
Conservateurs pourris salement encroûtés

QUi se cachent derrière leur prétendu savoir
Faute d´appréhender un monde en mutation
Qui sans doute a pour eux l´allure d´un repoussoir
Quand il offre á nos yeux tant de délectations

Come toutes les radasses et toutes les pétasses
Comme toutes les grognasses et toutes les bécasses
Elle adorait bien sûr Marguerite Durasse
De cette vieille carcasse elle n´était jamais lasse

Elle s´appelait Praline mais détestait son nom
Elle voulait qu´on l´appelle Eglantine ou Sabine
Ou bien encore Ondine ou même Victorine
Ou plutôt Proserpine elle trouvait ca mignon

Elle faisait un peu de voile et d´escalade
Elle y mettait l´ardeur qu´on mettait aux croisades
Elle se précipitait sous n´importe quelle cascade
Elle recherchait partout des buts de promenade

(...)

Elle disait qu´il fallait réinventer la vie
Que c´était le devoir d´un siècle commencant
Après toutes les horreurs du siècle finissant
Lá'dedans elle s´était déjá bien investie

(...)

Elle exigeait aussi une piste pour rollers
Deux ou trois restaurants á thème fédrateur
L´installation du câble et d´un Mur de l ´Amour
O´u l´on pourrait écire je t´aime sans détour

(...)
Le Jour de l Fierté du patrimoine français
Quand on ouvre les portes des antiques palais
Elle se chargait d´abord de bien vérifier
QU´il ne manquait nulle part d´accès handicapés

Qu´il ne manquait nulle part d´entrées Spécial Grossesse
Qu´il ne manquait nulle part d´entrées Spécial Tendresse
Qu´on avait bien prévu des zones anti-détresse
Qu´il y avait partout des hôtesses'gentillesse

Faute de se faire percer plus souvent la forêt
Elle avait fait piercer les bouts de ses deux seins
Par un très beau pierceur sans nul doute canadien
Qui des règles d´hygiène avait un grand respect

Avec lui aucun risque d´avoir l´hépatite B
Elle ne voulait pas laisser son corps en friche
Comme font trop souvent tant de gens qui s´en fichent
Elle pensait que nos corps doivent être désherbés

(...)

Elle avait parcouru l´Inde le Japon la Chine
La Grèce l´Argentine et puis la Palestine
Mais elle refusait de se rendre en Iran
Du moins tant que les femmes y seraient mises au ban

(...)

On lui avait parlé d´un weekend découverte
Sur l´emplacement même de l´antique Atlantide
On avait évoqué une semaine á Bizerte
Un pique'nique á Beyrouth ou encore en Floride

(...)

Elle est morte un matin sur l´île de Tralâlâ
Des mains d´un islamiste anciennement franciscain
Prétendu insurgé et supposé mutin
Qui la viola deux fois puis la décapita

C´était une touriste qui se voulait rebelle
Lui était terroriste et se rêvait touriste
Et tous les deux étaient des altermondialistes
Leurs différences mêmes n´étaient que virtuelles

P. Muray



Ecoutez Luchini lire le poème sur

http://www.dailymotion.com/video/xg1nju_luchini-lit-tombeau-pour-une-touriste-innocente-de-muray_news

sábado, 4 de diciembre de 2010

Les Gratteurs de Pourceaux



LES GRATTEURS DE POURCEAUX

Il y a quelques mois, dans le Valais, je fus témoin d'une scène devant laquelle-se serait pâmé d'aise le gros Courbet, le peintre réaliste et déboulonneur, auquel la France doit quelques mauvais tableaux de plus et une glorieuse colonne de moins.

C'était au bas d'une côte pelée, sur les bords d'une mare fangeuse; trois crétins goitreux, à tètes énormes, entouraient un porc obèse, couché tout près du chemin. Le plus ingambe de ces nains difformes et hébétés, descendu dans la mare, y puisait à pleines mains de la vase gluante et verdâtre, en remplissait son chapeau à larges bords et la passait ensuite à ses compagnons, dont l'un engluait le porc de cet
induit aussi repoussant à la vue qu'à l'odorat, tandis que l'autre, se servant de ses doigts crochus comme d'un peigne, grattait doucement l'épine dorsale du
stupide et sale animal.

«Le porc se laissait faire avec volupté, fermait complètement ses petits yeux enfoncés dans un épais bourrelet de graisse, et répondait par des grognements reconnaissants aux délicates attentions de ses bons amis.

« Quelle écoeurante occupation ! dis-je à mon camarade de voyage et excellent ami, le docteur Philosophus.

— Bah l fit celui-ci avec le sourire narquois qui lui est particulier, ce spectacle est-il donc si nouveau pour vous que vous n'y soyez pas encore habitué?

— Et où voulez-vous que je me sois habitué à voir des gratteurs de pourceaux ?

— Un peu partout, mon cher ami, mais surtout en France, où, par le temps qui court, ce métier est à la fois très-commun et très-lucratif.

— Cela, un métier commun?

— On ne peut pas plus commun.

— Vous voulez rire?

'— J'aurais, ma foi, plutôt envie de pleurer, je vous affirme. »
Et comme je continuais à ne pas comprendre : « Dites-moi, je vous prie, continua-t-il, avez-vous parcouru les derniers états de recensement de
la population de Paris? '

— Pas plus tard, que ce matin dans mon journal.

— Combien y a-t-il de libres-penseurs?

— Dix mille.

— Et des gens qui, ne pensant rien du tout, se font gloire de ne croire à rien, de n'avoir aucune religion?

—.Huit mille...

— Ce qui fait, n'est-il pas vrai, un total de dix- huit mille?

— Parfaitement.

— Donc, d'après les chiffres officiels, voici dix-huit-mille bipèdes qui, n'ayant aucune religion, n'obéissent à aucune loi morale, puisque sans Dieu il n'y a pas de morale, et ne s'occupent que de leur ventre.

— C'est encore vrai.

— Ces bipèdes n'apparaissent pas pour la première fois sur la terre : Horace, un poëte latin du siècle d'Auguste, connaissait leurs ancêtres et nous a fait connaître le nom qu'ils portaient à cette époque Epicuri de grege porci.

— Les porcs du troupeau d'Épicure.

— Vous voyez que le nom est. presque aussi ancien que la chose. Je pourrais m'arrêter là, mais je tiens à poursuivre mes interrogations.

— Pensez-vous que ces êtres dégradés, n`ayant ni religion ni morale, aient au moins une patrie?

— La Commune est là pour nous prouver qu'ils n'ont pas plus de patrie que de Dieu.

-^- Et de famille?

— Pas davantage, puisqu'ils s'en débarrassent le plus qu'ils peuvent, qu'ils réclament le divorce et prétendent que la légitimité des enfants est une in-
justice criante, contraire à ce code dégoûtant qu'ils appellent la loi naturelle.

— N'êtes-vous pas persuadé, et certes les preuves ne vous en ont pas manqué pendant cette sacrilège orgie qu'on appela la Commune, que la plupart de ces citoyens sont poussés par leur instinct vers l'ordure et que la fange a pour eux un attrait irrésistible?

— Je ne puis le nier.

— Enfin, ne voyez-vous pas fréquemment qu'après avoir vécu comme des animaux, ils se font gloire de mourir comme des animaux, et demandent en grâce d'être, après décès, enfouis dans un pourrissoir, n'importe où il se trouve, soit à Paris, soit à Lyon?

— C'est encore malheureusement vrai.

— Bien ; voici donc d'abord un beau troupeau de pourceaux tout trouvé. Et quand je dis pourceaux en parlant de ces êtres-là, franchement, ce n'est pas aux bipèdes que je crois manquer de respect, mais bien a l'animal auquel je les compare, et j'espère qu'il me pardonnera mon irrévérence. Reste maintenant à trouverles gratteurs. »

' — Ce sera plus difficile.

— Plus difficile 1 s'écria Philosophus, mais vous êtes donc aveugle

— Pas même borgne, comme... »
Il ne me laissa pas achever.

« Les gratteurs de pourceaux l mais vous en rencontrez à chaque pas, reprit-il; les gratteurs de pourceaux, ce sont les flatteurs du peuple.

— Vous êtes peu poli pour le peuple.

— Et voilà ce que c'est que de lire trop souvent les feuilles démocratiques qui n'appellent peuple que la canaille. Entendons-nous, personne plus que moi n'aime et ne respecte le vrai peuple, le peuple qui travaille et qui prie; ce peuple qui, courbé toute la semaine sur la charrue dans les campagnes, vient, le dimanche, austère et recueilli, s'agenouiller sur les dalles de pierre d'une église antique et prier Dieu de faire fructifier ses efforts ; ce peuple qui ensemence la terre et plante la vigne; ce peuple dont le labeur incessant permet à la France de payer une
rançon triplée par la lâcheté et l'ineptie de l'autre peuple, du peuple canaille. J'honore aussi le peuple ouvrier, qui use ses forces dans les ateliers, son intelligence dans l'industrie, pour nourrir et élever sa famille; qui n'ignore pas qu'au delà de la tombe il est une autre vie; qui, avec le peuple des campagnes, sait verser au profit de sa patrie ses sueurs et son sang.

« Ce peuple-là, les gratteurs de pourceaux le haïssent, et s'ils lui font des avances, c'est pour le ravaler à l'état d'abjection dans lequel ils tiennent la
canaille.

« Ils savent qu'il n'y a rien à faire avec des hommes dignes de ce nom; de là parfois leurs imprudentes colères, les insultes dont ils poursuivent les stupides
paysans, et ces soldats devant lesquels ils tremblent et contre lesquels ils vomissent de loin des insultes dignes de ceux qui les profèrent.

u Mais pour la canaille, au contraire, pour le peuple à eux, pour ce peuple qui ne croit pas, qui ne prie pas, qui ne travaille pas, qui ne se bat pas ; pour ce ramassis d'athées, d'ivrognes, de sales débauchés, de brutes immondes, qui furent la Commune, pour les voleurs et les repris de justice en rupture de ban, pour ces fainéants, ces aboyeurs d'insultes contre Dieu qui ne les punit pas sur l'heure, la religion qui leur pardonne et la force qui les méprise, pour tous ces candidats au bagne et à la déportation, quelles basses et continuelles flagorneries ; comme ils se prosternent devant eux, avec quel respect affecté ils leur brûlent sous les narines leur encens grossier l Écoutez-les : « Peuple, tu es grand, tu es sublime, tu es fort; nous sommes tes esclaves "

« Tu aimes l'ordure, peuple : tiens, avale ce roman, déguste cette tartine de haut goût, je te l'ai choisie bien faisandée avant de te l'offrir; j'y ai ajouté des épices dans cette colonne de mon journal; fais goûter à ta fille de ce feuilleton licencieux, cette lecture la rendra peu à peu digne de toi.

« Préfères-tu la boue, en voici une hottée ; c'est pour toi que j'ai ramassé ces scandales au coin des bornes, je te lès ai mâchés pour t'en rendre la trituration plus facile. Couche-toi, mon bijou, cuve ton vin à l'aise, laisse-moi te bien engluer, te boucher les yeux avec ces immondices : tu es si intelligent, si rusé, si fort, que tu n'as pas à craindre de surprise ; dors, et si je monte sur. ton corps pour m'élever, tiens-toi tranquille, c'est dans ton intérêt, pour voir de plus loin les dangers qui pourraient te menacer pendant ton sommeil.

« Qui donc t'a dit que tu as une âme? Quelque gredin de prêtre, conspirant contre ton repos. Dors paisible, j'écarterai de toi ces grosses mouches noires qui ne savent que t'importuner. Je ne suis pas le premier venu, et j'ai droit à ta confiance; je suis ouvrier comme toi, ouvrier de la pensée, il est vrai, mais je n'en suis pas moins un travailleur de la démocratie »

. « Voilà comment ils parlent dans leurs livres,dans leurs journaux, à la tribune, dans les clubs,dans les cabarets.
« Avocats sans cause, publicistes sans public, ambitieux sans talent et sans courage, immense volée de nullités, d'incapacités, de vanités inassouvies, d'orgueils démesurés, de cupidités besogneuses, de haines accumulées, représentants de tous les vices, auxquels il faut un esclave pour se hisser sur ses épaules.

a Et dans le seul but d'avoir cet esclave docile, ces gens-là brassent et pétrissent l'ordure afin d'obtenir les grognements approbatifs de leurs porcs jusqu'au jour où, une révolution éclatant, ils prendront le fouet pour éveiller leur immonde troupeau et le pousser à cet abattoir qu'on appelle les barricades.

« Que leur importe si le sang coule par torrent, puisque ce ne sera pas le leur?

« Mais en attendant ce jour funeste, eu peut-être ils trouveront encore quelque peu d'or à ramasser dans les décombres fumants et ensanglantés, ils se seront faits un nom et une position ; ils auront été chefs de parti ; ils auront acquis une notoriété qui leur permettra de gagner des centaines de mille francs en vendant des livres misérables écrits dans l'exil, ou des brochures infâmes colportées en contrebande; si leur peuple a la victoire, ils s'adjugeront ministères et préfectures, honneurs et grasses sinécures; et pour panser des blessures reçues à.
leur seul profit, ils lui jetteront, non plus quelques poignées de monnaie comme un souverain au jour de son sacre, mais quelques phrases creuses, telles que celle-ci, aumône faite à la populace par le grand Victor Hugo :
« Le Panthéon se demande comment il fera pour recevoir sous sa voûte ce peuple qui va avoir droit a son dôme! »
« Pauvre peuple, quelle poignée de glands!« Que la digestion t'en soit légère
Et voilà, mon cher ami, comment, avec un peu d'industrie, un bon gratteur de pourceaux peut se faire non pas dix, mais cent mille francs de rente. Dites, après cela, que ce métier ne vaut pas mieux que celui des éleveurs de lapins!»


A. de Lamothe

Merci à notre ami et complice Sebastien Hubier de nous signaler ce texte étonnant