jueves, 26 de octubre de 2017
Injures automobiles
Ce n'est certes pas par hasard si l'automobilisme est devenu le champ d'expansion de l'injure, où fleurissent l'invective, le sarcasme, le défi, la goujaterie et souvent la haine qui va quelquefois jusqu'au meurtre. Innombrables sont les ennuis et les frustrations qu'elle nous ménage : encombrements, embouteillages, stationnements, feux rouges obstinés, limitations de vitesse, contraventions, pannes intempestives, réparations ruineuses, traites insolvables et l'essence dont le prix ne cesse d'augmenter. Toutes ces avanies sont la source d'un perpétuel conflit et affrontement avec l'Autre.
C'est l'autre automobile qui nous a fauché le parking, qui nous a fait une queue de poisson, qui nous a refusé la priorité ou le passage, qui nous double avec arrogance, etc., et le piéton ? Mais la vraie raison, la véritable source de toutes ces invectives c'est que l'automobile est plus qu'un objet : c'est à la fois un symbole social et une expansion démesurée de notre puissance. Sa taille, sa cylindrée, sa décoration, son origine sont la marque de notre propre puissance ; et, dans les pays sous-développés - que je ne nommerai pas - la possession d'une automobile, comme autrefois celle d'un cheval, constitue l'accès à une sorte de chevalerie qui vous met au-dessus de la piétaille qu'on écrase, qu'on éclabousse, qu'on intimide, qu'on affole en lui refusant toute priorité à moins d'un feu rouge impératif. C'est que l'automobile - comme le dit Mac Luhan - est une extension de notre corps. Grâce à elle nous allons plus vite, plus loin, nous transportons des charges plus lourdes, nous étendons les limites de nos pouvoirs et de nos libertés et cela en dépit de toutes nos faiblesses physiques, intellectuelles ou sociales. La conduite d'une automobile est donc une extension de notre volonté de puissance. Sa puissance est notre puissance et tout ce qui limite ou défie sa vitesse, sa liberté d'action, est un obstacle et un défi à notre
propre puissance qui déclenche en nous un réflexe d'hostilité. Les constructeurs exploitent largement ce symbole latent, qui nous conseillent de « mettre un tigre dans notre moteur». Les noms qu'ils donnent à leurs modèles - au moins en Amérique - sont à cet égard exemplaires. Ils sont de deux grands types selon qu'ils connotent le statut social ou l'agressivité du véhicule.
Dans la première catégorie on trouve des noms comme: Ambassade, Malibu (une plage chic de Los Angeles), Monte Carlo, etc. Dans la seconde : des noms d'animaux sauvages : Jaguar, Cougar, Barracuda, Mustang, etc., ou des noms d'armes : Dart, Javelin, Sabre, etc. Symboles d'agression dont la fonction évidente est de flatter l'agressivité du propriétaire. Ce n'est donc pas un hasard si l'automobile
polarise l'injure et constitue à la fois sa source la plus féconde et son champ d'expansion le plus actif.
Symbole de notre statut social et de notre volonté de puissance elle déclenche, chaque fois qu'elle est mise en question par l'Autre, un réflexe de dévalorisation et de dépréciation qui trouve son expression naturelle dans le gros mot et l'injure.
Quant à ces derniers - répétons-le pour conclure -, il faut se garder d'y voir un simple goût, plus ou moins dépravé ou une obsession plus ou moins puérile pour le sexe et l'ordure. Ces images constituent les formes sémiques élémentaires d'un système de conceptualisation et d'expression de la valeur. Système dont la « grossièreté» n'est qu'une partie et qui n'est lui-même qu'une partie d'une structure plus vaste, constituée par l' « image du corps» qui donne leur forme et leur nom à tous nos concepts.
Pierre Guiraud, Les Gros mots, PUF, « Que sais-je ? », 1975
martes, 24 de octubre de 2017
Céline répond au questionnaire de Proust
CÉLINE RÉPOND AU QUESTIONNAIRE DE PROUST
« Monsieur Céline, je voudrais d’abord vous poser quelques questions qui font partie du fameux questionnaire de Marcel Proust […]. Quel est pour vous le comble de la misère ?— Être en prison… en réclusion particulièrement.
— Où aimeriez-vous vivre ?
— Ici…
— Votre idéal du bonheur terrestre ?
— Crever sans douleur… sans s’en apercevoir… une agonie douce, quoi !…
— Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence?
— L’homme n’est qu’une faute… Il est loupé !… Faut en prendre son parti… le tolérer comme il est pas perfectible !…
— Quels sont les héros de roman que vous préférez ?
—Dans La Tempête… dans Shakespeare… Prospero… Don Quichotte…
— Quel est votre personnage historique favori ?
— Ouais… j’en ai pas beaucoup… peut-être Voltaire… dans une certaine mesure… pour son intelligence…
— Vos héroïnes favorites dans la vie réelle ?
— Cela dépend… pas besoin d’héroïnes !… Quand on est jeune, d’accord ! c’est variable avec l’âge… quand on est jeune c’est bien… une jolie femme… pour qu’on l’enfile…
— Vos héroïnes dans la fiction ?
— Quelques danseuses… quelques poétesses… Christine de Pisan… Louise Labbé… Les hommes : des affreux bipèdes… mon Dieu !…
— Votre peintre favori ?
— J’en ai pas… j’suis pas sensible à la peinture… nul !
— Votre qualité préférée chez l’homme ?
— Il n’y en a pas !… inutile… un singe… un “hominien”… L’homme ça n’existe pas… fiction d’homme !… c’est abominablement raté… aucune vertu… aucune qualité… nom de Dieu !… Homo faber… juste bon à fabriquer des trucs pour aller dans la Lune… le matérialisme, quoi… instinct maternel… la reproduction domine !… Ils prétendent être des hommes… ouais… espèce de singe malfaisant… lubrique… un “hominien”… oui, mon petit… un “hominien”… “Ecce homo”… j’t’en fous !… nihil homo… voilà !…
— Quel serait votre plus grand malheur ?
— Un cancer mal placé… précisément de la gorge… Ah ! ça alors… 35 ans de médecine… c’est moche… Merde alors !…
— Ce que vous voudriez être ?
— Inconnu et riche ! Ah ! zut… c’est tout… c’est brutal…
— À propos de votre art…
— Ah ! j’ai pas de facilités… Ah ! non… J’fais beaucoup de brouillons…
— Que pensez-vous de cette phrase de Julien Green : “Il m’importe ni d’écrire ni d’être lu, mais d’avoir quelque chose à écrire qui en valût la peine” ?
— C’est bien bafouilleur, bien prétentieux…
— Votre rêve de bonheur ?
— Que j’sois riche, que je publie plus, qu’on m’oublie… C’est chinois, ici.
— Votre principal défaut ?
— Je m’en vois pas… non… je ne m’occupe pas des gens… Boire ? jouer aux cartes ? j’ai pas tout ça !… Jamais de vacances… pas de péchés capitaux !…
— Le principal trait de votre caractère ?
— Autrefois le dévouement. Maintenant ?… qu’on me foute la paix !… retirement… me suis endetté pour des cochons, là !!! M’en fous… il faut que je besogne pour l’éditeur… Oui, merde… faut huit, neuf millions…
— Ce que vous appréciez le plus chez vos amis ?
— J’en ai pas !… en prison, en cellule, j’ai fait la preuve de l’amitié, moi !… des voleurs, des assassins… Quand César est mis hors la loi, il rencontre plus que des assassins !…
— Ce que vous détestez par-dessus tout ?
— Le bruit…
— Caractères historiques que vous méprisez le plus ?
— Pas plus les uns que les autres… les hommes… “hominiens”… Tous (très vite, avec une sorte de rage frénétique), hominiens… hominiens… hominiens !!!… C’est un cirque romain… quoi… de la vivisection… des combats de gladiateurs… L’homme est comme ça… a ça dans le trognon…
— Le fait militaire que vous admirez le plus ?
— Aucun…
— Comment aimeriez-vous mourir ?
— Le moins douloureusement possible… moi, 35 ans d’agonie… La bascule sans douleur…
— La couleur que vous préférez ?
— Le vert, c’est reposant…
— La fleur que vous aimez ?
— Toutes bien, ces petites…
— L’oiseau que vous préférez ?
— Le perroquet… Il est drôle… Il se donne du mal pour nous…
— Vos auteurs favoris en prose ?
— Ramuz, Morand, Rabelais, La Fontaine…
— Vos poètes préférés ?
— On n’ose pas les nommer… ils sont trop prostitués par la radio, la publicité, le commerce…
— Vos héros dans la vie réelle ?
— J’en ai pas… merde, merde, alors !… Schweitzer, un farceur… L’abbé Pierre… aussi !… c’est dégueulasse… de la prostitution, mon p’tit…
— Vos héroïnes dans l’histoire ?
— Des bêtises… des questions de gonzesse… L’art est rongé par la charlatanerie.
— Quelle est votre devise ?
— “Se taire” !… J’ai le regret d’avoir parlé… »
À ce moment, Louis-Ferdinand Céline se tait… Je sens qu’il en a eu assez de mes questions idiotes. Moi aussi, d’ailleurs…
Et alors, pathétiquement…
E. Brami, Céline à rebours
lunes, 10 de julio de 2017
Amarmylaidie Moon and soddieflays
Alec Speaking
He is putting it lithely when he says,
Quobble in the Grass,
Strab he down his soddieflays
Amo amat amass;
Amonk amink a minibus,
Amarmylaidie Moon,
Amikky mendip multiplus
Amighty midgey spoon.
And so I traddled onward
Careing not a care
Onward, Onward, Onward,
Onward, my friends to victory and glory for the thirtyninth
John Lennon, In his own write (1964)
domingo, 9 de julio de 2017
La Fin des livres (telle qu´annoncée en 1895)
Si par livres vous entendez parler de nos innombrables cahiers de papier imprimé, ployé, cousu, broché sous une couverture annonçant le titre de l’ouvrage, je vous avouerai franchement que je ne crois point – et que les progrès de l’électricité et de la mécanique moderne m’interdisent de croire – que l’invention de Gutenberg puisse ne pas tomber plus ou moins prochainement en désuétude comme interprète de nos productions intellectuelles.
L’imprimerie que Rivarol appelait si judicieusement « l’artillerie de la pensée » et dont Luther disait qu’elle est le dernier et le suprême don par lequel Dieu avance les choses de l’Évangile, l’imprimerie qui a changé le sort de l’Europe et qui, surtout depuis deux siècles, gouverne l’opinion, par le livre, la brochure et le journal ; l’imprimerie qui, à dater de 1436, régna si despotiquement sur nos esprits, me semble menacée de mort, à mon avis, par les divers enregistreurs du son qui ont été récemment découverts et qui peu à peu vont largement se perfectionner.
[…] Je me base sur cette constatation indéniable que l’homme de loisir repousse chaque jour davantage la fatigue et qu’il recherche avidement ce qu’il appelle le confortable, c’est-à-dire toutes les occasions de ménager autant que possible la dépense et le jeu de ses organes. […] Je crois donc au succès de tout ce qui flattera et entretiendra la paresse et l’égoïsme de l’homme ; l’ascenseur a tué les ascensions dans les maisons ; le phonographe détruira probablement l’imprimerie. Nos yeux sont faits pour voir et refléter les beautés de la nature et non pas pour s’user à la lecture des textes ; il y a trop longtemps qu’on en abuse, et il n’est pas besoin d’être un savant ophtalmologiste pour connaître la série des maladies qui accablent notre vision et nous astreignent à emprunter les artifices de la science optique.
Nos oreilles, au contraire, sont moins souvent mises à contribution ; elles s’ouvrent à tous les bruits de la vie, mais nos tympans demeurent moins irrités ; nous ne donnons pas une excessive hospitalité dans ces golfes ouverts sur les sphères de notre intelligence, et il me plaît d’imaginer qu’on découvrira bientôt la nécessité de décharger nos yeux pour charger davantage nos oreilles. Ce sera une équitable compensation apportée dans notre économie physique générale.
[…] Il y aura des cylindres inscripteurs légers comme des porte-plumes en celluloïd, qui contiendront cinq et six cents mots et qui fonctionneront sur des axes très ténus qui tiendront dans la poche ; toutes les vibrations de la voix y seront reproduites ; on obtiendra la perfection des appareils comme on obtient la précision des montres les plus petites et les plus bijoux ; quant à l’électricité, on la trouvera souvent sur l’individu même, et chacun actionnera avec facilité par son propre courant fluidique, ingénieusement capté et canalisé, les appareils de poche, de tour de cou ou de bandoulière qui tiendront dans un simple tube semblable à un étui de lorgnette.
Pour le livre, ou disons mieux, car alors les livres auront vécu, pour le novel ou storyographe, l’auteur deviendra son propre éditeur […]. On ne nommera plus, en ce temps assez proche, les hommes de lettres des écrivains, mais plutôt des narrateurs ; le goût du style et des phrases pompeusement parées se perdra peu à peu, mais l’art de la diction prendra des proportions invraisemblables ; il y aura des narrateurs très recherchés pour l’adresse, la sympathie communicative, la chaleur vibrante, la parfaite correction et la ponctuation de leurs voix.
[…] Les bibliothèques deviendront les phonographothèques ou bien les clichéothèques. Elles contiendront sur des étages de petits casiers successifs, les cylindres bien étiquetés des œuvres des génies de l’humanité. […]
Les auditeurs ne regretteront plus le temps où on les nommait lecteurs ; leur vue reposée, leur visage rafraîchi, leur nonchalance heureuse indiqueront tous les bienfaits d’une vie contemplative.
Étendus sur des sophas ou bercés sur des rocking-chairs, ils jouiront, silencieux, des merveilleuses aventures dont des tubes flexibles apporteront le récit dans leurs oreilles dilatées par la curiosité.
Soit à la maison, soit à la promenade, en parcourant pédestrement les sites les plus remarquables et pittoresques, les heureux auditeurs éprouveront le plaisir ineffable de concilier l’hygiène et l’instruction, d’exercer en même temps leurs muscles et de nourrir leur intelligence, car il se fabriquera des phono-opéragraphes de poche, utiles pendant l’excursion dans les montagnes des Alpes ou à travers les cañons du Colorado.
[…] À tous les carrefours des villes, des petits édifices s’élèveront autour desquels pendront, à l’usage des passants studieux, des tuyaux d’audition correspondant à des œuvres faciles à mettre en action par la seule pression sur un bouton indicateur. – D’autre part, des sortes d’automatic libraries, mues par le déclenchement opéré par le poids d’un penny jeté dans une ouverture, donneront pour cette faible somme les œuvres de Dickens, de Dumas père ou de Longfellow, contenues sur de longs rouleaux faits pour être actionnés à domicile.
[…] Moyennant quatre ou cinq cents par heure, les petites bourses, avouez-le, ne seront pas ruinées et l’auteur vagabond encaissera des droits relativement importants par la multiplicité des auditions fournies à chaque maison d’un même quartier.
Est-ce tout ?… non pas encore, le phonographisme futur s’offrira à nos petits-fils dans toutes les circonstances de la vie ; chaque table de restaurant sera munie de son répertoire d’œuvres phonographiées, de même les voitures publiques, les salles d’attente, les cabinets des steamers, les halls et les chambres d’hôtel posséderont des phonographotèques à l’usage des passagers. Les chemins de fer remplaceront les parloir-cars par des sortes de Pullman circulating Libraries qui feront oublier aux voyageurs les distances parcourues, tout en laissant à leurs regards la possibilité d’admirer les paysages des pays traversés.
Je ne saurais entrer dans les détails techniques sur le fonctionnement de ces nouveaux interprètes de la pensée humaine sur ces multiplicateurs de la parole ; mais soyez sûr que le livre sera abandonné par tous les habitants du globe et que l’imprimerie cessera absolument d’avoir cours, en dehors des services qu’elle pourra rendre encore au commerce et aux relations privées, et qui sait si la machine à écrire, alors très développée, ne suffira pas à tous les besoins.
[…] Il y aura dans tous les offices de journaux des halls énormes, des spoking-halls où les rédacteurs enregistreront à haute voix les nouvelles reçues ; les dépêches arrivées téléphoniquement se trouveront immédiatement inscrites par un ingénieux appareil établi dans le récepteur de l’acoustique. Les cylindres obtenus seront clichés à grand nombre et mis à la poste en petites boîtes avant trois heures du matin, à moins que, par suite d’une entente avec la compagnie des téléphones, l’audition du journal ne puisse être portée à domicile par les fils particuliers des abonnés, ainsi que cela se pratique déjà pour les théâtrophones.
[…] Vous ignorez peut-être la grande découverte de demain, celle qui bientôt nous stupéfiera. Je veux parler du kinétographe de Thomas Edison, dont j’ai pu voir les premiers essais à Orange-Park dans une récente visite faite au grand électricien près de New-Jersey.
Le kinétographe enregistrera le mouvement de l’homme et le reproduira exactement comme le phonographe enregistre et reproduit sa voix. D’ici cinq ou six ans, vous apprécierez cette merveille basée sur la composition des gestes par la photographie instantanée ; le kinétographe sera donc l’illustrateur de la vie quotidienne. Non seulement nous le verrons fonctionner dans sa boîte, mais, par un système de glaces et de réflecteurs, toutes les figures actives qu’il représentera en photo-chromos pourront être projetées dans nos demeures sur de grands tableaux blancs. Les scènes des ouvrages fictifs et des romans d’aventures seront mimées par des figurants bien costumés et aussitôt reproduites ; nous aurons également, comme complément au journal phonographique, les illustrations de chaque jour, des Tranches de vie active, comme nous disons aujourd’hui, fraîchement découpées dans l’actualité. On verra les pièces nouvelles, le théâtre et les immédiatement inscrites par un ingénieux appareil établi dans le récepteur de l’acoustique. Les cylindres obtenus seront clichés à grand nombre et mis à la poste en petites boîtes avant trois heures du matin, à moins que, par suite d’une entente avec la compagnie des téléphones, l’audition du journal ne puisse être portée à domicile par les fils particuliers des abonnés, ainsi que cela se pratique déjà pour les théâtrophones.
[…] Vous ignorez peut-être la grande découverte de demain, celle qui bientôt nous stupéfiera. Je veux parler du kinétographe de Thomas Edison, dont j’ai pu voir les premiers essais à Orange-Park dans une récente visite faite au grand électricien près de New-Jersey.
Le kinétographe enregistrera le mouvement de l’homme et le reproduira exactement comme le phonographe enregistre et reproduit sa voix. D’ici cinq ou six ans, vous apprécierez cette merveille basée sur la composition des gestes par la photographie instantanée ; le kinétographe sera donc l’illustrateur de la vie quotidienne. Non seulement nous le verrons fonctionner dans sa boîte, mais, par un système de glaces et de réflecteurs, toutes les figures actives qu’il représentera en photo-chromos pourront être projetées dans nos demeures sur de grands tableaux blancs. Les scènes des ouvrages fictifs et des romans d’aventures seront mimées par des figurants bien costumés et aussitôt reproduites ; nous aurons également, comme complément au journal phonographique, les illustrations de chaque jour, des Tranches de vie active, comme nous disons aujourd’hui, fraîchement découpées dans l’actualité. On verra les pièces nouvelles, le théâtre et les acteurs aussi facilement qu’on les entend déjà chez soi ; on aura le portrait et, mieux encore, la physionomie mouvante des hommes célèbres, des criminels, des jolies femmes ; ce ne sera pas de l’art, il est vrai, mais au moins ce sera la vie elle-même, naturelle, sans maquillage, nette, précise et le plus souvent même cruelle.
Octave Uzanne, Contes pour les bibliophiles (1895)
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