martes, 29 de marzo de 2011
L`Art de Péter
"La Nature stérile en Péteurs excellents
Sçait entre les Souffleurs partager les talents.
L'un peut jusqu'à six fois décharger son tonnerre;
L'autre du premier coup peut ébranler la Terre;
Un Héros jusqu'à dix peut porter ses exploits;
Un autre parler, rire et péter à la fois,
Mais tel qui bien souvent croit être un fort grand Sire,
Méconnoît ses défauts et n^apprête qu'à rire.
Tel aux plus grands Péteurs qui veut donner des lois.
Pour se faire écouter, n'a qu'un filet de voix.
Il faut plus de vigueur et jamais de mollesse.
Aux coups les plus bruyants on mesure l'adresse
Un gros Pet est souvent la clef de la fortune,
Il faut laisser la Vesse à la foule commune.
O siècle aveugle ! O moeurs! Les talents et l'honneur
Seront donc inutiles, si l'on n'est bon Péteur.
Quelques vents que l`on fasse, ou des Pets ou des Vesses,
Qu'on ait bien soin, surtout, de desserrer les fesses.
De crainte qu'en rentrant, ce dangereux captif
Ne devienne pour vous plus gênant, plus actif
Vive un Pet bien dodu ! dit le grand Hipocrate;
Rien n'est plus sain, plus propre à dilater la rate.
N*oubliez donc jamais, vous apprentis Péteurs,
Qu'un seul Pet étranglé peut causer des vapeurs.
Pétons tous à notre aise et sans perdre courage.
Ne croyons pas aux ne^ faire le moindre outrage.
L`oreille est pour entendre et le nez pour sentir;
Qui n'aime pas les Pets est prié de sortir;
Voulez vous du public mériter le suffrage
Il faut que votre cul varie son langage;
Qu´il imite la Flûte et tantôt le Basson,
Que tantôt avec l'Orgue il soit à l'unisson.
Un Péteur trop égal et toujours uniforme
En vain frappe l'oreille, il faut qu'il nous endorme.
On goûte peu ces Pets qui, bien loin d'égayer.
Etant sur le même air, ne peuvent qu'ennuyer.
Il faut donc qu´en tout temps musicien habile
Vous changiez votre ton soit aux champs, soit en ville.
Heureux! qui dans ses Pets d'une course légère
Sait quelquefois passer du plus doux au sévère.
Son derrière chéri de tous les Connaisseurs
Est souvent en public entouré d'Auditeurs;
Mais lorsque vous péte, éviter la bassesse.
Et qu'on puisse toujours admirer votre adresse.
Il est un heureux choix de Pets harmonieux;
Fuyez des mauvais sons le concours odieux.
Le Pet le mieux rempli, fût-il une merveille.
Ne me plaira Jamais^ s'il choque mon oreille.
Prenez garde, surtout^ qu'en cherchant à primer,
Votre orgueil, tôt ou tard^ ne vous fasse blâmer.
La plupart emportés d'une ardeur insensée.
Sans s'être préparés font partir la fusée
Ils croiroient perdre tout Péteurs impétueux,
S'ils pensoient que quelqu'autre ait pu péter comme eux.
Attende^ pour péter que la Nature sage
Dans son laboratoire ait formé son ouvrage.
Il faut que chaque Pet y soit mis en son lieu;
Que le plus gros, surtout y soit toujours au milieu
Et que les plus petits, préparant la carrière
Entrouvrent aux plus forts la porte de derrière.
Ce n'est pas qu'en pétant il faille régner ;
Un Pet fait simplement n'est pas à condamner,
J`aime un bon Pet qui part d'un derrière rustique;
Celui d^un Duc et Pair me donne la colique.
Vous verrez rarement au sein de la Grandeur,
Et surtout à la Cour, un habile Péteur.
Méfiez-vous d'un vent qui glisse d'une Jupe;
De ce foible avorton ne soyez pas la dupe.
Quelque soit son odeur, s'il ne retentit pas
Mon nez trop délicat n'y trouve aucun appas.
Il faut pour mon oreille une explosion forte;
A toute autre musique elle ferme la porte.
Mais J'entends du beau sexe un Partisan zélé
Prendre aussitôt en main le droit de l`offensé.
Ah! Monsieur, pour ce Pet, je vous demande grâce.
Me dit'il avec feu; si la note est trop basse,
Que du moins attendri par sa puante odeur,
Votre inflexible nez relâche sa rigueur.
Mais moi, toujours constant à ne me point dédire
Je soutiens que ce Pet ne vaut pas qu'on l'admire:
Consultons, si l'on veut sans faire aucun fracas,
Quelque Docteur instruit, qui décide le cas.
Mais sans aller si loin un grave Apothicaire,
La seringue à la main peut juger notre affaire
Maître de tous les culs dont les Pets sont à lui
Il peut gloser sur eux comme sur leur étui.
Pour moiy je continue et sans perdre courage
Je vais sur le métier remettre mon ouvrage.
Et vous Jeunes Péteurs^ sans faire de façons
Ecoutez de mon cul les utiles leçons:
Je dis donc qu'à péter si l`esprit s'évertue,
Le derrière à souffler aisément s'habitue... "
ANONYME
A Pordè-polis, Au siège de la Société des Francs-Péteurs, 1783.
PS les images ne correspondent pas a l`édition de cet étrange anonyme mais bien au célebre Art de Péter de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut
(Florent-Q., rue Pet-en-Gueule, au Soufflet, Westphalie, 1751)
qu`on retrouvera un de ces quatre sur notre Miscelanea
miércoles, 23 de marzo de 2011
Gregor Samsa and Fairchild`s beetles
Attempts to uncover the identity of Gregor Samsa in Franz Kafka’s “The Metamorphosis” have tended to follow two trajectories. The first, concerned with the literal representation of a nonhuman body, has focused on the best way to classify or describe that body, leading critics to wonder if Gregor actually is an insect and, if so, what kind. (...)
Vladimir Nabokov’s well-known lecture on the novella features an extended consideration of the former and leads to the conclusion that the vermin “belongs to the branch of ‘jointed leggers’ (Arthropoda), to which insects, and spiders, and centipedes, and crustaceans belong.” Nabokov, “elected to the Cambridge Entomological Society” for his work on butterflies, is better suited than most to comment on the interstices of fiction and entomology. This interest in the invertebrate world explains his consideration of the physical features,and corresponding taxonomic categorization, of Samsa’s body. Indeed, after establishing the creature’s phylum, Nabokov moves to the next biological grouping, class. The key to understanding Samsa’s class is an accurate appendage tally: if the numerous legs “mentioned in the beginning mean more than six legs, then Gregor would not be an insect from a zoological point of view.”
Making the assumption that six legs are sufficient to call numerous, Nabokov concludes that, of the various classes of Arthropods, Samsa “is an insect,” and moves to the next piece of this cladistic quandary, identifying the kind of insect, which he describes not as a cockroach, but as a very broad “brown, convex, dog-sized beetle.”(...)
Around the same time that Kafka imagined an insect enlarged and interposed in the life of a modern family, the American naturalist David Fairchild devised a macrophotographic technique that allowed for magnified frontal and side views of insects. This altered perspective presented a new world in such a radical way that Fairchild titled his 1914 book showcasing this new photographic approach Book of Monsters in an effort to emphasize the disconcerting effect of this refiguration of the kinds of insects commonly found in a yard or garden. Published by the National Geographic Society, the book contains “a collection of . . . a few of the small-sized monsters which inhabit the tall grass, the flower garden and vegetable garden, the pines and oaks of a place in the woods of Maryland.”11 However, as Fairchild notes, “if you compare these photographs with those to be found in most books on insects, you will find that they differ in several particulars.”
The increased magnification made possible by Fairchild’s photographic equipment forces his audience to reconsider the appearance of insects in a way that highlights their menacing modernity, emblematized through Fairchild’s text, fixating as it does on their mechanical features and alien behavior as well as the continual threat they pose to the welfare of industrial human society. The more recent popularity of insect documentaries such as Microcosmos and Alien Empire builds from the representation of another world first made possible by Fairchild’s invention. The combination of image and text in the Book of Monsters results in a refiguration, or re-presentation of the insect as a living creature and as a signifier or motif in search of meaning (...)
Kafka`s textual and metatextual metamorphoses parallel Fairchild’s evocation of actual insect metamorphosis in the Book of Monsters. He treats this topic through a discussion of the development of Allorhina nitida, the June beetle, a species not that dissimilar in appearance from Nabokov’s sketch of Kafka’s dogsized beetle. Fairchild provides two images: one is a side view of the June beetle, the other a side view of its larva. The passage that accompanies the image of the larva, an elongated gelatinous mass, provides a detailed account of the physiological changes that occur in the cocoon:
"In looking at these two strange beings . . . we cannot feel confident that science has gone very far in giving us the reasons for the things we see. They seem no more alike than fish and tortoise or bird and quadruped and yet, before our very eyes, in one brief year, the one turns into the other. This beetle dies, and leaves behind a hundred little cells, parts of its own body and the body of its mate. These paired cells, the fertilized eggs, grow rapidly into the form of the clumsy, helpless grub which feeds upon the leaves, only to break up and form themselves again into this armor-plated creature of the beetle world. There must be something as radically wrong with our individualistic ideas of today as there was with the conception of a flat world which prevailed before the time of Columbus. Perhaps if we stop trying to think of these manifestations of beetle life as individuals and think of them as parts of one great organism scattered over the surface of the earth, these striking differences will seem no stranger to us than do the difference in the various stages of a flower’s life. The beetle forms inside the grub and the tulip flower bud forms inside the bulb. If tulip flowers could fly, we should then have the strange spectacle of the opening of the scale-covered tulip bulb and the coming forth of the gorgeous colored flower which sailed away to shed its seeds in someone else’s garden. I think that this is the way we must look at it if we would get a clear idea of this strangest of phenomena, metamorphosis..."
Dean Swinford
"Classifying and Depicting Insects: Fairchild and Kafka"
sábado, 19 de marzo de 2011
O délicat con d'Irène
O délicat con d'Irène
C’est ici que tu es à ton aise, homme enfin digne de ton nom, c’est ici que tu te retrouves à l’échelle de tes désirs. Ce lieu, ne crains pas d’en approcher ta figure, et déjà ta langue, la bavarde, ne tient plus en place, ce lieu de délice et d’ombre, ce patio d’ardeur, dans ses limites nacrées, la belle image du pessimisme.
Ô fente, fente humide et douce, cher abîme vertigineux.
C'est dans ce sillage humain que les navires enfin perdus, leur machinerie désormais inutilisable, revenant à l'enfance des voyages, dressent à un mât de fortune la voilure du désespoir. Entre les poils frisés comme la chair est belle sous cette broderie bien partagée par la hache amoureuse, amoureusement la peau apparaît pure, écumeuse, lactée. Et les plis joints d'abord des grandes lèvres bâillent. Charmantes lèvres, votre bouche est pareille à celle d'un visage qui se penche sur un dormeur, non pas transverse et parallèle à toutes les bouches du monde, mais fine et longue, et cruciale aux lèvres parleuses qui la tentent dans leur silence, prête à un long baiser ponctuel, lèvres adorables qui avez su donner aux baisers un sens nouveau et terrible, un sens à jamais perverti.
Que j'aime voir un con rebondir.
Comme il se tend vers nos yeux, comme il bombe, attirant et gonflé, avec sa chevelure d’où sort, pareil aux trois déesses nues au-dessus des arbres du Mont Ida, l’éclat incomparable du ventre et des deux cuisses. Touchez mais touchez donc vous ne sauriez faire un meilleur emploi de vos mains. Touchez ce sourire voluptueux, dessinez de vos doigts l’hiatus ravissant. Là que vos deux paumes immobiles, vos phalanges éprises à cette courbe avancée se joignent vers le point le plus dur, le meilleur, qui soulève l’ogive sainte à son sommet, ô mon église. Ne bougez plus, restez, et maintenant avec deux pouces caresseurs, profitez de la bonne volonté de cette enfant lassée, enfoncez, avec vos deux pouces caresseurs écartez doucement, plus doucement, les belles lèvres, avec vos deux pouces caresseurs, vos deux pouces. Et maintenant, salut à toi, palais rose, écrin pâle, alcôve un peu défaite par la joie grave de l’amour, vulve dans son ampleur à l’instant apparue. Sous le satin griffé de l’aurore, la couleur de l’été quand on ferme les yeux.
Ce n´est pas pour rien, ni hasard ni préméditation, mais par ce BONHEUR d´expression qui est pareil à la jouissance, à la chute, à l´abolition de l´être au milieu du goutre lâché, que ces petites soeurs des grandes lèvres ont reçu comme une bénédiction céleste le nom de nymphes qui leur va comme un gant. Nymphes au bord des vasques, au coeur des eaux jaillissantes nymphes dont l’incarnat se joue à la margelle d’ombre, plus variables que le vent, à peine une ondulation gracieuse chez Irène, et chez mille autres mille effets découpés, déchirés, dentelles de l’amour, nymphes qui vous joignez sur un noeud de plaisir, et c’est le bouton adorable qui frémit du regard qui se pose sur lui, le bouton que j’effleure à peine que tout change. Et le ciel devient pur, et le corps est plus blanc. Manions-le, cet avertisseur d’incendie.
Déjà une fine sueur perle la chair à l’horizon de mes désirs. Déjà les caravanes du spasme apparaissent dans le lointain des sables. Ils ont marché, ces voyageurs, portant la poudre en poire, et les pacotilles dans des caisses aux clous rouillés, depuis les villes des terrasses et les longs chemins d’eaux qu’endiguent les docks noirs. Ils ont dépassé les montagnes. Les voici dans leurs manteaux rayés. Voyageurs, voyageurs, votre douce fatigue est pareille à la nuit. Les chameaux les suivent, porteurs de denrées. Le guide agite son bâton, et le simoun se lève de terre, Irène se souvient soudain de l’ouragan. Le mirage apparaît, et ses belles fontaines... Le mirage est assis tout nu dans le vent pur. Beau mirage membré comme un marteau-pilon. Beau mirage de l’homme entrant dans la moniche. Beau mirage de source et de fruits lourds fondant. Voici les voyageurs fous à frotter leurs lèvres. Irène est comme une arche au-dessus de la mer. Je n’ai pas bu depuis cent jours, et les soupirs me désaltèrent. Han, han. Ire appelle son amant. Son amant qui bande à distance. Han, han. Irène agonise et se tord. Il bande comme un dieu au-dessus de l’abîme. Elle bouge, il la fuit, elle bouge et se tend. Han. L’oasis se penche avec ses hautes palmes. Voyageurs vos burnous tournent dans les sablons. Irène à se briser halète. Il la contemple. Le con est embué par l’attente du vit. Sur le chott illusoire, une ombre de gazelle...
Enfer que tes damnés se branlent, Irène a déchargé.
Louis Aragon
viernes, 18 de marzo de 2011
La langue des rossignols
« Le docteur Jean-Mathieu Bechstein, célèbre naturaliste et grand chasseur (1757-1811), a laissé vingt-cinq ouvrages, tous relatifs à l'histoire naturelle, aux diverses espèces de chasse et à l'administration des forêts. Il s'était surtout livré à l'ornithologie, et avait fait une étude particulière des moeurs et du langage des oiseaux. On pense bien que le rossignol ne devait pas y être oublié.
Figurez-vous donc le gentil animal, perché sur sa branche, levant la tête, ouvrant le bec et dégoisant ainsi la kyrielle de ses sons ravissants:
Tiouou, tiouou, tiouou, tiouou,
Shpe tiou tokoua,
Tio, tio, tio, tio,
Kououtiou, kououtiou, kououtiou, kououtiou;
Tskouo, tskouo ; tskouo, tskouo;
Tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii,tsii,tsii, tsii.
Kouorror, tiou.
Tskoua pipitskouisi. Tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tsirrhading!
Tsisi si tosi si si si si si si si,
Tsorre, tsorre, tsorre, tsorrehi;
Tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsatn tsi.
Db db db dia db db db db db
Kouioo trrrrrrrrritzt.
Lu lu lu ly ly ly lî lî lî, lî,
Kouio didl li loulyli.
Ha guour guour koiii kouio!
Kouio kououi kououi kououi koui koui
koui koui, ghi ghi ghi;
Oholi gholl gholl gholl ghîa hududoi.
Koui koui horr ha dia dia dillhi.
Hats hets hets hets hets hets hets hets hets hets hets hets hets hets hets.
Touarrho hostehoi ;
Kouia kouia kouia kouia kouia kouia kouia kouiati;
Koui koui koui io io io io io io io koui
Lu lyle lolo didi io kouia.
Hihuai guai guay guia guia guia guia guia kouior tsio tsiopi
Voilà le texte pur de la langue des rossignols ; on ne sera peut-être pas fâché d'en avoir la traduction française, telle que nous l'a donnée un homme de beaucoup d'esprit. Feu M. Dupont de Nemours, membre de l'Institut, a ainsi rendu ce morceau ou partie de morceau, dans notre idiome:
Dors, dors, dors, dors, ma douce amie
Amie, amie,
Amie, amie,
Si belle et si chérie:
Dors en aimant,
Dors en couvrant,
Ma belle amie,
Nos jolis enfants,
Nosjolls, jolis, jolis, jolis, jolis,
Si jolis, si jolis, si jolis
Petits enfants.
(Un silence.)
Mon amie,
Ma belle amie,
A l'amour,
A l'amour ils doivent la vie;
A tes soins ils devront le jour.
Dors, dors, dors, dors, ma douce amie,
Auprès de toi veille l'amour,
L amour,
Auprès de toi veille l'amour.
[...] Cet estimable écrivain ne s'est pas exclusivement occupé du chant du rossignol, il a encore cherché à comprendre et à traduire la langue d'autres oiseaux et même de quelques autres animaux. Quoique ces opinions soient très hasardées, elles peuvent cependant fixer l'attention sur une foule de faits curieux, car il est certain que les animaux vivant en société ou en famille doivent avoir quelques moyens de s'entendre et de se communiquer leurs idées.
C'est une erreur, selon cet observateur, de croire queles oiseaux répètent toujours le même son ; il assure que le croassement des corbeaux ne comprend pas moins de vingt-cinq mots différents que voici:
Cra, cre, cro, cron, cronon.
Grass, grçss, gross, gronss, grononess.
Crac, crea, crac, crona, groness.
Crao, creo, croc, crone, gronass.
Craon, creo, croo, crono, gronoss.
"Si nous pensons, continue l'auteur, qu'avec nos dix chiffres arabes, qui sont dix lettres, dix mots, en les combinant deux à deux, trois à trois, quatre à quatre, on forme les chiffres diplomatiques de 100, de 1000, de 10... caractères, ou de plus de mots que n'en a aucune langue connue, on aura moins de peine à comprendre que les corbeaux puissent se communiquer leurs idées. Leurs vingt cinq mots suffisent bien pour exprimer : Là, ici, droite, gauche, en avant, halte, pâturez, garde à vous, l'homme armé, froid, chaud, partir, je t'aime, moi de même, un nid, et une dizaine d'autres qu'ils ont à se donner selon leurs besoins."
Passant des oiseaux aux quadrupèdes, l'auteur dit:
"Le chien n'emploie que des voyelles, et quelquefois, mais seulement dans la colère, les deux consonnes g et z. Le chat emploie les mêmes voyelles que le chien, et de plus six consonnes, m, n, g, r, y, f." »
(G. P. PHILIMNESTE, Le Livre des singularités, 1841.)
Le Sopha libertin
— Je voudrais bien, interrompit Schah- Baham, savoir un peu ce que vous faisiez pendant que vous étiez femme.
— Il ne m'est resté de ce que je faisais alors qu'une idée fort imparfaite, répondit Amanzéi. Ce dont je me souviens le plus, c'est que j'étais galante dans ma jeunesse, que je ne savais ni haïr ni aimer; que, née sans caractère, j'étais tour à tour ce qu'on voulait que je fusse, ou ce que mes intérêts et mes plaisirs me forçaient d'être; qu'après une vie fort dérangée, je finis par me faire hypocrite, et qu'enfin je mourus en m'occupant, malgré mon air prude, de ce qui, dans le cours de ma vie, m'avait amusé le plus.
« Ce fut apparemment du goût que j'avais eu pour les sophas, que Brahma prit l'idée d'enfermer mon âme dans un meuble de cette espèce. Il voulut qu'elle conservât dans cette prison toutes ses facultés, moins sans doute pour adoucir l'horreur de mon sort que pour me la faire mieux sentir. Il ajouta que mon âme ne commencerait une nouvelle carrière que quand deux personnes se donneraient mutuellement et sur moi leurs prémices. Il me restait assez d'idées, et de ce que j'avais fait, et de ce que j'avais vu, pour sentir que la condition à laquelle Brahma voulait bien m'accorder une nouvelle vie, me retenait pour longtemps dans le meuble qu'il m'avait choisi pour prison; mais la permission qu'il me donna de me transporter, quand je le voudrais, de sopha en sopha, calma un peu ma douleur. Cette liberté mettait dans ma vie une variété qui devait me la rendre moins ennuyeuse; d'ailleurs, mon âme était aussi sensible aux ridicules d'autrui que lorsqu'elle animait une femme, et le plaisir d'être à portée d'entrer dans les lieux les plus secrets, et d'être en tiers dans les choses que l'on croirait les plus cachées, la dédommagea de son supplice.
Après que Brahma m'eut prononcé mon arrêt, il transporta lui-même mon âme dans un sopha que l'ouvrier allait livrer à une femme de qualité qui passait pour être extrêmement sage; mais s'il est vrai qu'il y ait peu de héros pour les gens qui les voient de près, je puis dire aussi qu'il y a, pour leur sopha, bien peu de femmes vertueuses.
« Un sopha ne fut jamais un meuble d'antichambre, et l'on me plaça, chez la dame à qui j'allais appartenir, dans un cabinet séparé du reste de son palais, et où, disait-elle, elle n'allait souvent que pour méditer sur ses devoirs, et se livrer à Brahma avec moins de distraction. Quand j'entrai dans ce cabinet, j'eus peine à croire, à la façon dont il était orné, qu'il ne servît jamais qu'à d'aussi sérieux
exercices. Ce n'était pas qu'il fût somptueux, ni que rien y parût trop recherché; tout y semblait, au premier coup d'œil, plus noble que galant : mais, à le considérer avec réflexion, on y trouvait un luxe hypocrite, des meubles d'une certaine commodité, de ces choses enfin que l'austérité n'invente pas, et dont elle n'est pas accoutumée à se servir. Il me sembla que j'étais moi-même d'une couleur bien gaie pour une femme qui affichait tant d'éloignement pour la coquetterie.
Peu de temps après que je fus dans le cabinet, ma maîtresse entra; elle me regarda avec indifférence, parut contente, mais sans me louer trop, et, d'un air froid et distrait, elle renvoya l'ouvrier. Aussitôt qu'elle se vit seule, cette physionomie sombre et sévère s'ouvrit; je vis un autre maintien et d'autres yeux; elle m'essaya avec un soin qui m'annonçait qu'elle ne comptait pas faire de moi un meuble de simple parade. Cet essai voluptueux, et l'air tendre et gai qu'elle avait pris d'abord, qu'elle s'était vue sans témoins, ne m'ôtaient rien de la haute idée qu'on avait d'elle dans Agra.
« Je savais que ces âmes que l'on croit si parfaites, ont toujours un vice favori, souvent combattu, mais presque toujours triomphant; qu'elles paraissent sacrifier des plaisirs, qu'elles n'en goûtent quelquefois qu'avec plus de sensualité, et qu'enfin elles font souvent consister la vertu moins dans la privation que dans le repentir. Je conclus de cela que Fatmé était paresseuse, et je me serais alors reproché de porter mes idées plus loin...
« Fatmé, en apparence, fuyait les plaisirs, et ce n'était que pour s'y livrer avec plus de sûreté. Dévouée à l'imposture dès sa plus tendre jeunesse, elle avait moins songé à corriger les penchants vicieux de son cœur, qu'à les voiler sous l'apparence de la plus austère vertu. Son âme, naturellement... dirai-je voluptueuse? non : ce n'était pas le caractère de Fatmé; son âme était portée aux plaisirs. Peu délicate,
mais sensuelle, elle se livrait au vice, et ne connaissait point l'amour. Elle n'avait pas encore vingt ans ; il y en avait cinq qu'elle était mariée, et plus de huit qu'elle avait prévenu le mariage. Ce qui séduit ordinairement les femmes ne prenait rien sur elle ; une figure aimable, beaucoup d'esprit, lui inspiraient
peut-être des désirs ; mais elle n'y cédait pas.
Les objets de ses passions étaient choisis parmi des gens non suspects, engagés par leur genre de vie à taire leurs plaisirs, ou entre ceux que la bassesse de leur état dérobe aux soupçons" du public, que la libéralité séduit, que la crainte retient dans le silence, et qui, dévoués en apparence aux plus vils emplois, quelquefois n'en paraissent pas moins propres aux plus doux mystères de l'amour.
(...) « A sa voix, un jeune esclave, d'une figure plus fraîche qu'agréable, se présenta. Fatmé, le fixant avec des yeux où régnait l'amour et le désir, parut cependant irrésolue et craintive.
— « Ferme la porte, Dahis ! lui dit-elle enfin. Viens, nous sommes seuls ; tu peux
sans danger te souvenir que je t'aime, et me prouver ta tendresse ! »
« Dabis, à cet ordre, quittant i'air respectueux d'un esclave, prit celui d'un homme
que l'on rend heureux. 11 me parut peu délicat, peu tendre, mais vif et ardent, dévoré de désirs, ne connaissant point l'art de les satisfaire par degrés, ignorant la galanterie, ne sentant point de certaines choses, ne détaillant rien, mais s'occupant essentiellement de tout. Ce n'était pas un amant, et pour Fatmé
qui ne cherchait pas l'amusement, c'était quelque chose de plus nécessaire. Dahis
louait grossièrement; mais le peu de finesse de ses éloges ne déplaisait pas à Fatmé, qui, pourvu qu'on lui prouvât fortement qu'elle inspirait des désirs, croyait toujours être louée assez bien.
« Fatmé se dédommagea avec Dahis de la réserve avec laquelle elle s'était forcée
avec son mari. Moins fidèle aux sévères lois de la décence, ses yeux brillèrent du feu le plus vif; elle prodigua à Dahis les noms les plus tendres et les plus ardentes caresses; loin de lui rien dérober de tout ce qu'elle sentait, elle se livrait à tout son trouble. Plus tranquille, elle faisait remarquer à Dahis toutes
les beautés qu'elle lui abandonnait, et le forçait môme à lui demander de nouvelles preuves de sa complaisance, et que lui-mcme il n'aurait pas désirées.
« Dahis, cependant, paraissait peu touché. Ses yeux s'arrêtaient stupidement sur les objets que la facile Fatmé leur présentait; c'était machinalement qu'ils faisaient impression sur lui. Son âme grossière ne sentait rien; le plaisir ne pénétrait même pas jusqu'à elle. Pourtant Fatmé était contente. Le silence dé Dahis et sa stupidité ne choquaient point son amour-propre, et elle avait de trop bonnes raisons pour croire qu'il était sensible à ses charmes, pour ne pas préférer son air indifférent aux éloges les plus outrés et aux plus fougueux transports d'un petit-maître.
« Fatmé, en s'abandonnant aux désirs de Dahis, annonçait assez qu'elle avait aussi peu de délicatesse que de vertu, et n'exigeait pas de lui cette vivacité dans les transports, ces tendres riensr que la finesse de l'âme et la politesse des manières rendent supérieurs aux plaisirs, ou qui, pour mieux dire, les font eux- mêmes.
« Dahis sortit enfin, après avoir bâillé plus d'une fois. Il était du nombre de ces personnes malheureuses, qui, ne pensant jamais rien, n'ont jamais aussi rien à dire, et qui sont meilleures à occuper qu'à entendre...
Claude Prosper Jolyot de CRÉBILLON
martes, 15 de marzo de 2011
La nursery s`étend
La nursery s`étend
La carte proposait des choux gras aux gambas
Des joues de vieux melon aux senteurs d`épines douces
Des bouchées de passe-pierre sur leur riz de madras
Et des lapins farcis sur trilogie de mousses
Et la femme d`à côté à la table voisine
Criait que son dernier venait de faire caca
Que c`était bien la preuve de l`existence divine
Et les autres autour d`elle en faisaient très grand cas
Le restaurant prônait des crabes à l`estragon
Des anchois de Collioure et des râbles aux pignons
Des steaks au beurre d`herbes fraîches sur poêlées de marrons
Et des gratins de blettes avec des macarons
Et la garce infinie à sa table maudite
Gueulait que le petit barbotait dans sa merde
De plus en plus souvent que de baffes se perdent
Je l`aurais bien calmée avec des coups de bite
La serveuse conseillait des mouillettes de brioche
À la fleur d`oranger sur crême de mascarpone
Disdait que le sorbet non plus né tait pas moche
Ni le sauté de figues à l`huile de gascognne
Et la grognasse odieuse a sorti de son sac
Plusieurs couches en couleurs pour éponger les flaques
Assez de couches en somme pour repeindre le monde
Et distribuer partout son crottin à la ronde
Il y avait aussi tant de brochettes aux oeufs
Des tartines de chèvre avec du paprika
Du saumon sauce rouille sur liqueur de chartreux
Des jarrets de daurade à la fleur d`avocat
Et la radasse infâme nettoyait à grand seau
Ivre de son bon droit le cul de son marmot
Elle aurait bien couvert toute la terre de merde
Et le ciel et la mer pour que rien ne se perde
On suggérait encore une bouteille de cornas
Un côtes du ventoux ou bien un gigondas
Et pour finir peut-être un café expresso
Suivi de l`addition acquittable en euros
Et la gonzesse féroce achevait son turbin
Elle en jetait partout jusque dans nos assiettes
Et rendait grâce ainsi au culte de Layette
il n`y avait rien là qui lui parût malsain
Les femmes ne sont pas sorties du gynécée
Comme le disent encore trop d`illustres niais
C`est le monde lui-même qu`on y a fait rentrer
Comme dans une sombre et longue maternité
La nursery s`étend quand l`Histoire disparaît
La pouponnière croît quand la raison décline
La garderie triomphe de la lucidité
Douze coups ont sonné dans la nuit utérine
Le sens même des choses a été congédié
Les événements s`écroulent sous les gargouillements
L`homme se convertit au dieu de la Diarrhée
Tout se récapitule dans un vagissement
Philippe Muray
Retrouvez la voix de l`auteur interprétant son texte sur
http://www.myspace.com/philippemuray/music/songs/LA-NURSERY-SETEND-10765499
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