"Pendant un mois, il
fut cristallisé par une passion pour une mosntruosité que l´on exhibait à
l´Hippodrome : c´était une femme à deux têtes, quatre jambes et quatre
bras ; elle possédait un seul bassin et un seul estomac ; on
l´appelait Mani-Mina. Née en Tyrol, elle avait parcouru toues les villes de l´Allemagne,
de la Suisse, de la Belgique et venait de débuter à Paris en jouant du violon
du côté droit et de la clarinette du côté gauche. Elle exécutait un duo à elle
seule ; la droite était soprano, la gauche contralto. Elle démentait el
proverbe qui n´admet pas qu el´on fasse deux choses à la fois. Mauri en pinça
pour le côté droit qui le lui rendit bien, car un soir, après une séance très
appaludie, il attendit la double femme à la sortie et lui offrit à souper. Mani
accepta ; Mina fit la grimace, mais elle dut se résigner. Ils se rendirent
chez Maire. Ils mangèrent et burent comme six, tant et si bien qu´ils
quittèrent le restaurant un peu hurluberlus. La perspective d´une nuit d´amour
unique en son genre picotait délicieusement les papilles de Mauri ; il
proposa des choses immorales ; l´une dit oui, l´autre dit non.
-Je ne veux pas,
fit Mina.
-Et moi j´accepte,
répliqua l´autre. Pourquoi refuses-tu ? Il nous faudra tout de même en
arriver là un jour. Vous savez, continua-t-elle en s´adressant à Noirof, c´est
la première fois… (..) nous nouons à peine les deux bouts et jusuq´ici aucun amant ne nous a initiées aux charnelles
félicités, personne ne nous a aidées. Encore, si Mina n´était pas malade !
Mais voilà, elle l´est. 78-9
Mina avait, en
effet, un petit bobo à la cuisse droite, une tache rouge autour d´un bouton
suppureux. Et d´autres petits points rouges s´éparpillaient un peu partout sur
son pauvre squelette de corps, un corps noueux comme une racine de buis.
-Oh, je sais bien
que je suis fichue !
Un frisson d´épouvante secoua l´autre : c´était la première fois que l´idée de la cessation de la vie lui était communiquée par sa sœur.
Un frisson d´épouvante secoua l´autre : c´était la première fois que l´idée de la cessation de la vie lui était communiquée par sa sœur.
Lorsque le phénomène fut déshabillé, Mauri eut une seconde d´hésitation. Devait-il coucher avec ? Ce corps étrange, soudé au bas des reins, ne possédait qu´uen colonne vertébrale, il ressemblait, dans sa nudité, à deux veaux écorchés qui se touchent de dos à l´étal d´un boucher. Et la peau était pâle, sauf celle de Mina, bariolée de marbrures rouges. De ce corps se dégagaient deux odeurs très distinctes : une odeur de pourriture, et une odeur de chair fraîche, une odeur de vie et une odeur de mort. Ce mélange donnait des nausées. La possession d´un être pareil confinait à la profanation, mais l´attrait imprévu vainquit les scrupules de Noirof, et il passa une nuit atroce.
Il s´égara parmi cette multitude de membres dont les uns l´attiraient, tandis que les autres le repoussaient ; il se trompa, embrassa chaudement Mina, et comme Mani protestait, il perdit la tête et voulut, pour plus de sûreté, rapprocher celles des deux sœurs, mais la colonne vertébrale s´y refusa, le corps se débanda comme un arc. Le jeu du bon Dieu lui laissa l´impression d´un cauchemar. D´aillerus, l´épiderme de Mina-Mani était visqueux pareillement à celui de la poulpe. C´est ce qui fit sans doute qu´il s´en détacha difficilement.
Il y demeura, en
effet, agglutiné pendant un mois, à la grande joie des habitués de
l´hippodrome. Un entrefilet ironique d´un journal du matin, qui le
ridiculisait, le décida à un décollage. Il rentra rue Campagne-Première.
Le Tutu, Moeurs fin de siècle. 1891
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