Une fantastique
vision fit loucher Mauri.
Dans le mitan de la
serre s´élevait un arbre aux branches duquel poussaient des corps humains en
formation ou presque parfaitement constitués. Le tronc de cet arbre ressemblait
à tous les troncs d´arbres ; en revanche, ses feuilles, carrées, avaient
l´épaisseur et le lisse d´une portion de courroie de cuir, et elles étaient
pourvues de soupapes microscopiques dont les accélérés mouvements indiquaient
l´activité de la respiration des êtres
qui se balançaient, en l´air, comme des pendus. Les branches étaient
fortes ; chacune d´elles ne portait qu´un fruit humain. Celui-cci y
adhérait, par la tête, au moyen d´un pédoncule qui se brisait lorsque le corps
était mûr. Mais le docteur pouvait toujours, à son gré, prévenir la rupture du
pédoncule et laisser, pendant un très long temps, le bonhomme suspendu à sa
branche. Ainsi, il y avait un fœtus de quatre mois, un enfant de deux ans, un
autre de six ans, un troisième de diz ans. Une jeune fille de seize ans,
admirablement belle, conversait avec un homme barbu qui avait dépassé la
trentaine et qui fumait une pipe. L´arbre avait treize branches, et chaque
branche produisait un être de race différente. Français, Anglais, Grec, Russe,
Scandinave, Italien, Hongrois, Espagnol, Chinois, Japonais, y étaient
représentés. La collection se complétait par un aveugle, un sourd-muet et un
décapité.
-Comment diable
peut-on faire pousser des gens à un arbre ?
- C´est difficile
et délicat à expliquer. Si vous aviez fait de la botanique une étude
approfondie, ou même superficielle, vous sauriez que (…) la racine nourrit la
branche. Si vous plongez une racine dans un perpétuel bain de merde, par
exemple, les fruits de la branche nourrie par cette racine pueront le caca. Et
ainsi de suite. Eh bien, substituez à cette merde une couche épaisse d´organes
sexuels, le fruit obtenu par cette nourriture sera évidemment de même race que
celle des organes sexuels (…) :: Je suis donc parvenu à me procurer –et à
quel prix, grand Dieu !- une quantité suffisante d´organes, je les ai
enfouis dans le sol, j´y ai enfoncé les racines d´un cyprès et voici le
résultat ! Chacun de ces types parle une langue différente, mais tous
comprennent le français, sauf le sourd-muet et le décapité
- Comment les
nourrissez-vous ?
- En pissant au pied de
l´arbre.Le Tutu, moeurs fin de siècle. 1891
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