La lune
est-elle habitée? C'est ce qu'on ignore, mais on peut affirmer que, s'il y
existe des êtres organisés, ils sont bien différents de ceux de la terre,
puisqu'ils doivent vivre sans air et sans eau. Ils seraient en outre d'une bien
petite dimension : un homme de cinquante centimètres serait un
géant.
Mais de
ce que nous ne pouvons voir les habitants de la lune, ni comprendre leur
organisation , on ne peut conclure qu'il n'y ait point d'êtres organisés sur ce
globe; on peut même admettre que, s'il y en a, nous les verrons un jour. Nous
avons dit qu'à l'aide du télescope d'Herschel, la lune
nous
apparaît comme si nous n'en étions éloignés que de seize lieues; vienne
maintenant un homme de génie qui centuple la puissance de ce télescope , et
nous verrons la lune comme si nous n'en étions qu'à six cent quarante mètres ; puisque
le progrès continue, il n'y aura plus sur ce globe rien de caché pour nous.
Ces
probabilités ont fait, il y a quinze à seize ans, le succès d'une des plus
audacieuses mystifications qu'on puisse imaginer. Quelques astronomes anglais
étaient partis depuis
plus de
dix mois pour le cap de Bonne-Espérance, emportant des instruments d'une grande
perfection , pour faire des expériences , lorsque parut à Londres un mémoire
attribué
au chef
de cette expédition, qui révélait des merveilles : il avait vu les habitants de
la lune, qu'il appelait Vespertillos ; c'était des hommes comme nous, plus
petits, mais d'une perfection presque divine; ils avaient des ailes et ils
s'élançaient à volonté dans l'espace.... Telle était la puissance des instruments,
que l'heureux observateur avait pu étudier leurs mœurs : il avait vu des maris
mollement étendus près de leurs épouses sur le gazon verdoyant , tandis qu'à
leurs pieds
se
jouaient des enfants d'une beauté plus qu'angélique.
L'observateur
avait vu encore une foule d'autres choses que nous ne saurions dire, et qui, au
premier aspect, semblaient très-vraisemblables; car, s'il est une vérité que
l'on doive proclamer et contre laquelle ne puissent rien les remparts de bois
de la vieille Angleterre, comme ils disent de l'autre côté de la Manche,
c'est qu'un Anglais qui ment est toujours un des plus habiles menteurs du
monde.
Dieu sait
le bruit que fit la découverte ! Le mémoire fut traduit dans toutes les langues
connues; on en publia à Paris quatorze éditions en six semaines. On ne parlait
que des vespertillos, et les lionnes de ce temps commencèrent à trouver
ridicule que le gouvernement ne fit rien pour tenter
d'acclimater
chez nous d'aussi adorables créatures. En même temps on critiquait les savants
de l'Observatoire de Paris. — L'État paye ces gens-là , disait-on ; il les paye
même fort cher, et ils dorment!... Ce n'est pas eux. qui auraient découvert les
vespertillos !
Le plus
drôle de l'affaire, c'est que ces savants étaient tout honteux; on leur criait
de toutes parts : Vespertillos! Ce mot était un poignard qu'ils avaient
incessamment sur la gorge. Nous disons ce mot; quant à la cose, ils s'aveuglaient
à la chercher, et ils ne la trouvaient point. Les infortunés seraient morts à
la peine , si les astronomes anglais n'étaient enfin revenus du cap de
Bonne-Espérance ; ils s'empressèrent de démentir les hâbleurs qui avaient si
bien exploité la crédulité publique; mais par malheur, il n'est pas aussi
facile de détruire une erreur de ce genre que de
l'implanter
dans l'esprit du peuple , et aujourd'hui encore il existe des gens qui croient
à l'existence des vespertillos.
Comte
Foelix, Astronomie des dames, Paris, Martinon, 1858, p. 44-45
No hay comentarios:
Publicar un comentario