miércoles, 11 de marzo de 2009
Bibliopathes
'Il est, parmi les gens de lettres, une caste d'individus qui, tout en ayant de nombreux rapports avec eux, ne vivent pas moins à part, ont des mœurs différentes, une religion particulière, ne se préoccupent guère que du passé, pensent peut-être quelquefois à l'avenir, mais font peu de cas du présent. Ils ont le culte du livre ancien, la passion du bouquin et aiment à s'entendre appeler bibliophiles, — les savants y confinent ; mais les gens de lettres, qui ne leur pardonnent pas leur amour trop exclusif du vieux livre, les poursuivent de leurs sarcasmes sans plus penser que bon nombre d'entre eux, s'ils ont une chance de passer à la postérité, ne le devront qu'à la bienveillante attention d'un vieux bibliophile des temps futurs, si tant est qu'il en reste, ce dont je doute. Ils ne savent quel nom leur donner; ils les appellent tantôt bibliomanes, bibliotaphes, tantôt bibliolathes, bibliopoles, sans compter les variétés créées par Quérard, les mêlent et les confondent quelquefois par bêtise, plus souvent par malveillance. Il n'est pas un jeune de lettres qui n'ait fait son bout d'article contre ces braves gens qui se contentent de hausser les épaules et de sourire en voyant les plus originaux de ces messieurs leur rabâcher des plaisanteries déjà usées en 1810 et auxquelles leur ignorance seule donne une seconde jeunesse. Pas un qui ne cite le passage de La Bruyère ou la fameuse épigramme de Pons de Verdun et pas un qui les cite exactement, les ayant ramassés — au petit bonheur — dans un Larousse quelconque. Et ce sont des railleries sans fin sur celui-ci et sur celui-là, surtout sur ceux qui s'encombrent de livres qu'ils n'ouvriront jamais — pour les lire. Je ne sais s'il y en a vraiment autant...; dans tous les cas, leur nombre ne peut être plus grand que celui de nos jeunes écrivains pérorant à perte de vue sur des livres qu'eux aussi n'ont jamais lus — ni vus..."
F. Maillard
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