martes, 14 de junio de 2011
Folie à Deux
Folie A Deux
Folie Communiquée. Une question qui se rattache intimement à l'étude du délire de persécution est celle de la folie à deux, de la folie communiquée. Scientifiquement, elle est d'un très-grand intérêt; pratiquement, elle soulève des problèmes, et en particulier au point de vue du traitement et de la médecine légale, que tout médecin peut être appelé à résoudre.
Historique. La constatation clinique de la folie à deux est de date récente. Les premières observations qui en ont été publiées, à notre connaissance, sont dues à M. Baillarger. Dans un court travail inséré en 1860 dans la Gazette des hôpitaux sous ce titre : Quelques exemples de folie communiquée (voy. cet article reproduit dans les Annales médico-psych., n° de septembre 1880, p. 212), ce savant aliéniste cite quatre faits curieux, dont deux surtout concernent le délire de persécution. Dans Je premier, il s'agit d'une femme amenée à la Salpêtrière en même temps que sa fille : toutes deux étaient convaincues que leurs fournisseurs ne leur délivraient que des aliments empoisonnés; qu'on les suivait dans les rues; qu'on leur jetait de l'eau-forte qui s'exhalait en vapeur autour d'elles, etc. Le second cas est celui de deux sœurs qui ont été amenées à la Salpêtrière le même jour, avec le même délire. L'aînée était veuve, la seconde mariée. La première s'imagina que son beau-frère voulait l'empoisonner, et elle fit peu à peu accepter cette idée à sa sœur qui demeurait avec elle. Afin de prévenir les effets du poison, les deux malades se mirent à boire de l'eau-dcvie, et ce fut alors que le délire se prononça de plus en plus.
M. Baillarger fait précéder la relation des observations de quelques remarques que l'analyse clinique ultérieure a pleinement confirmées. « En interrogeant l'un de ces malades, dit-il, on sait par avance quelles sont les conceptions délirantes de l'autre. Si, dans les cas dont nous parlons, on obtient des renseignements, on apprend que la folie n'a pas éclaté simultanément chez les deux malades, mais qu'elle a été antérieure de plusieurs mois chez l'un des deux, et qu'elle s'est ensuite peu à peu communiquée à l'autre ». L'éminent aliéniste a donc établi deux points importants dans l'étude de la folie communiquée: 1° l'identité des idées délirantes chez les deux malades; 2° la communication du délire de l'un des sujets, primitivement atteint, à l'autre.
L'année suivante, Dagron publiait dans les Archives cliniques des maladies mentales (1861, t. Ier, p. 29) une curieuse observation concernant deux sœurs atteintes du même délire et séquestrées en même temps.
Quelques mois après, en 1868, M. le docteur Maret, dans sa thèse inaugurale (Du délire de persécutions), signale ce « délire en partie double, délire de persécution qu'on rencontre chez des époux ayant longtemps vécu ensemble dans les mêmes tourments de l'esprit ».
En 1871, dans sa Monographie sur le délire de persécution, Legrand du Saulle consacre tout un chapitre, le sixième, à cette intéressante question de la folie à deux. Dans les séances de la Société médico-psychologique des 30 juiu et 28 juillet 1873, MM. Lasègue et J. Falret donnèrent communication d'un mémoire sur la folie à deux, qui ne fut publié qu'en 1877 (voy. Archives générales de médecine, n° de septembre 1877, et Annales médico>physiologiques, n° de novembre 1877). La lecture de ce mémoire souleva une longue discussion à laquelle prirent part un grand nombre de membres de la Société.
Depuis lors, de nombreuses observations de folie à deux ont été publiées (Maret, Legrand du Saulle, Geoffroy, etc.); des thèses ont été soutenues sur la question à la Faculté de Paris; nous citerons celles de M. Macey (De la folie communiquée ou du délire à deux ou plusieurs personnes, 1874), et de M. Régis (La folie à deux ou folie simultanée, 1880). Ce dernier auteur a établi une distinction entre les différents cas de folie à deux, sur laquelle nous aurons à revenir; il admet que le délire peut être communiqué ou simultané.
Desciuption. Les mots de folie à deux, délire à deux, folie communiquée, s'entendent d'eux-mêmes sans qu'il y ait besoin de définition. Il y a folie à deux, ou folie communiquée, toutes les fois qu'un aliéné fait partager ses idées délirantes à un autre individu. « Le problème comprend alors deux termes entre lesquels il s'agit d'établir une équation : d'une part, le malade actif; de l'autre, l'individu réceptif qui subit, sous des formes et à des degrés divers, son influence » (Lasègue et J. Falret). Il nous faut donc étudier ces deux « termes » de 1' « équation ».
Le malade actif est-il un malade quelconque? Toute folie, sous quelque forme qu'elle se présente, peut-elle se communiquer? Il n'en est rien. Les délires mobiles, changeants, contradictoires, n'ont aucune chance de trouver des adhé
sions, tandis que les délires systématisés de persécution ou de grandeur, par exemple, trouvent parties prenantes.
Mais il ne suffit pas que les conceptions délirantes soient systématisées; il est nécessaire qu'elles « côtoient la vérité » ; elles ont alors « d'autant plus de chance d'acquiescement, qu'elles s'accommodent mieux à un sentiment, ou, comme auraient dit les théologiens, maîtres en casuistique morale, qu'elles flattent davantage une concupiscence humaine ».
Pour qu'un aliéné arrive à faire partager ses idées, il ne devra pas affirmer des faits notoirement faux; encore moins devra-t-il les chercher dans le domaine de l'impossible ou de l'invraisemblable. 11 ne faut pas que l'individu à convaincre, effarouché par l'extravagance des idées, puisse avoir l'idée de chercher la preuve : le charme serait aussitôt rompu, si l'on peut s'exprimer ainsi.
« Si, au contraire, le malade se maintient dans le monde des conjectures et des interprétations, si les faits qu'il invoque appartiennent au passé et ne sont que des appréhensions pour l'avenir, le contrôle direct devient impossible. Comment prouver à un autre et à soi-même que l'événement dont l'aliéné raconte les détails avec une prolixité persuasive, n'a pas eu lieu? La leçon qu'il s'est apprise à lui-même n'admet ni variantes, ni lacunes; sa mémoire est topique parce qu'elle fait exception de tout, à l'exclusion des idées maladives. Ou ne le prend jamais en défaut, à quelque date que remonte l'aventure, et sa persuasion, à force d'être monotome et circonscrite, devient communicative.
« L'assistant néanmoins ne consent à se laisser convaincre que si l'histoire l'intéresse personnellement : or les deux sentiments qui se prêtent le mieux à cette façon d'entraînement sont, à coup sûr, la crainte et l'espérance. L'un et l'autre n'empruntent aux réalités présentes qu'un point de départ ; leur domaine vrai est dans l'avenir, et partant dans l'inconnu. Autant il est facile à un homme d'acquérir la certitude que vous n'êtes pas riche, autant il lui est malaioé de garantir que vous ne le deviendrez pas. Le législateur, en définissant l'escroquerie, impose une pénalité à « quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique , aura invoqué ou tenté d'invoquer la totalité ou partie de la fortune d'autrui ». Qu'on supprime toutes les épithètes qui impliquent la responsabilité de la part du délinquant, et on aura la formule des délires qui trouvent des adhérents » (Lasègue et J. Falret, La folie à deux. In Annales médico-physiologiques, novembre 1877, p. 524).
Ce sont donc surtout les délires partiels qui sont communicants et, parmi ceux-là, surtout le délire de persécution, même lorsqu'il est arrivé à la phase des idées ambitieuses; puis vient le délire religieux, avec ses aspirations mystiques, ses craintes terrifiantes de l'enfer, etc.
Mais, pour arriver à faire admettre son délire à une autre personne, il faut que l'aliéné soit en contact permanent avec cette personne : de là la fréquence de la communication des idées délirantes de la mère à la fille ou au fils, de la sœur à la sœur, du frère à la sœur, du mari à la femme ou de la femme au mari, de la maîtresse à la domestique, etc. il faut aussi que le malade actif ait, en quelque sorte, une supériorité sur le malade passif; il faut, en un mot, que ce dernier présente certaines conditions de réceptivité que nous devons indiquer.
Elles ont été très-bien résumées par Lasègue et J. Falret de la manière suiDICT. ESC. v ». XXIII. 37
vante: « La première condition est qu'il soit d'une intelligence faible, mieux disposée à la docilité passive qu'à l'émancipation ; la seconde qu'il vive en relation constante avec le malade; la troisième qu'il soit engagé par l'appât d'un intérêt personnel. On ne succombe à l'escroquerie que par la séduction d'un lucre quel qu'il soit; on ne cède à la pression de la folie que si elle vous fait entrevoir la réalisation d'un rêve caressé » (loc. cit., p. 326). Les sujets passifs peuvent être classés ainsi qu'il suit: 1° Les enfants surtout présentent à un liant degré les qualités requises pour faire un excellent agent passif du délire à deux : d'une grande docilité, d'une crédulité sans bornes, appréhensifs par nature, ils sont disposés au premier chef à devenir les échos d'un délire auquel on les associe. Us ont même une tendance à aller au delà de ce qu'on leur enseigne; « leur foi, dans quelques cas, va si loin, que l'aliéné lui-même hésite à les suivre et qu'à première vue on croirait que les enfants ont créé les délires dont ils sont le reflet » (Lasègue et J. Palrct).
L'influence de l'entourage joue souvent un très-grand rôle dans l'arrangement et l'amplification du délire de l'enfant. Les observations et les commentaires qui lui sont laits sur le récit des conceptions qui lui ont été en quelque sorte inoculées finissent par les rectifier, les atténuer sur certains points et les compléter sur d'autres. De cette collaboration sort un roman pathologique, sinon plus logique, du moins plus vraisemblable.
2° Les adultes et, dans ce cas, le sujet passif, peut être ou plus jeune, ou du même âge, ou même plus âgé que le sujet actif. 11 est évident que, quelle que soit celle de ces trois situations qui se présente, le succube est toujours moins intelligent que l'incube; et pour que le délire se transmette du second au premier, il est indispensable que les relations entre eux soient étroites et prolongées.
Au point de vue psychologique, on remarque que o l'adulte reflète plus passivement; il est aussi convaincu en apparence, aussi affirmatif, mais il n'exagère ni ne développe les conceptions délirantes, faute d'un effort d'imagination qui lui coûterait. On pourrait dire qu'il s'agit moins d'une persuasion réelle que d'un assentiment qui s'énonce par des phrases interjectives. Ah! c'est bien vrai; il n'y a pas à en douter, elle ne ment pas, etc. Lorsque l'association délirante s'établit entre des adultes, l'état mental du réceptif est plus complexe. L'enfant obéissait aux instincts de son âge, tandis que l'adulte a remplacé les impulsions instinctives par des habitudes, des calculs, des combinaisons dont il entrevoit le fort et le faible. 11 s'installe avocat de sa propre cause et ne se livre que dans la mesure qui lui semble s'accorder avec ses intérêts. L'enfant ment quand même et l'obstination de son mensonge finit par conduire à la vérité. L'adulte trompe à son heure et sait taire les raisons intimes qui le font agir » (Lasègue et Falret, loc. cit., p. 351).
Les observations de délire à deux chez les adultes sont aujourd'hui nombreuses dans la science; elles se rapportent toutes soit au mari et à la femme,, soit à la mère et à la fille, soit au père et au fils, soit aux deux sœurs ou au deux frères, soit encore à la maîtresse et à la domestique, etc.
La transmission du délire d'une personne moins âgée à une personne plus âgée n'est pas rare, et elle s'observe alors surtout du fils au père et de la fille à la mère. Tel le cas cité par Legrand du Saulle (loc. cit., p. 221) de cette ouvrer.se do loges qui se plaignait qu' « au milieu de la nuit on perce le plufoiul de sa chambre pour lui parler et pour la tourmenter. On veut lui faire adopter un enfant. Ou l'électrise sur son lit. À l'hôpital de la Charité, on l'a soumise à la magie, à la chimie et à la police secrète. » Cette malade placée à l'hospice de la Salpètricre fut réclamée par sa mère qui partageait complètement, absolument, toutes les idées délirantes de sa iille. Elle ne veut écouter ni les observations du médecin, ni celles d'une fille aînée qui depuis longtemps s'applique à contrebalancer l'influence prise sur son esprit par la malade; elle l'accuse même de faire cause commune avec les persécuteurs de sa nlle.
En étudiant les observations publiées de folie à deux, concernant mari et femme, on constate que la communication des idées délirantes se fait le plus souvent de la femme au mari; la femme joue le rôle actif et impose son délire au mari.
Le délire de persécution peut se communiquer, enfin, en dehors de tout lien de parenté, de maîtresse à domestique, par exemple.
Nous avons dit que ce sont non-seulement les idées de persécution, mais aussi les idées ambitieuses, qui se communiquent. Parmi ces idées ambitieuses, celles qui ont le plus de chance d'être acceptées, de trouver des crédules, ce sont les idées de richesses, de grande succession à recueillir, de trésor soustrait à réclamer. Lasègue et J. Falret en citent deux cas intéressants dans leur mémoire.
Nous ne saurions mieux résumer cette description de la folie à deux que ne l'ont fait ces deux savants aliénistes dans les conclusions suivantes que nous reproduisons:
o 1° Dans les conditions ordinaires, la contagion de la folie n'a pas lieu d'un aliéné à un individu sain d'esprit, de même que la contagion des idées délirantes est très-rare d'un aliéné à un autre aliéné;
« 2° La contagion de la folie n'est possible que dans des conditions exceptionnelles que nous venons d'étudier sous le nom de folie à deux;
« 3° Ces conditions spéciales peuvent être résumées ainsi:
a. Dans la folie à deux, l'un des deux individus est l'élément actif; plus intelligent que l'autre, il crée le délire et l'impose progressivement au second, qui constitue l'élément passif. Celui-ci résiste d'abord, puis subit peu à peu la pression de son congénère, tout en réagissant à son tour sur lui, dans une certaine mesure, pour rectifier, amender et coordonner le délire, qui leur devient alors commun et qu'ils répètent à tout venant, dans les mêmes termes et d'une façon presque identique.
b. Pour que ce travail intellectuel puisse s'accomplir parallèlement dans deux esprits différents, il faut que ces deux individus vivent, pendant longtemps, absolument d'une vie commune, dans le même milieu, partageant le même mode d'existence, les mêmes sentiments, les mêmes intérêts, les mêmes craintes et les mêmes espérances, et en dehors de toute autre influence extérieure.
c. La troisième condition, pour que la contagion du délire soit possible, c'est que ce délire ait un caractère de vraisemblance, qu'il se maintienne dans les limites du possible, qu'il repose sur des faits survenus dans le passé, ou sur des craintes et des espérances conçues pour l'avenir. Cette condition de vraisemblance seule le rend communicable d'un individu à un autre et permet à la conviction de l'un de s'implanter dans l'esprit de l'autre.
« 4° La folie à deux se produit toujours dans les conditions ci-dessus indiquées. Toutes les observations présentent des caractères très-analogues, siuon presque identiques, chez l'homme et chez la femme, comme chez l'enfant, l'adulte et le vieillard.
« 5° Cette variété de la folie est plus fréquente chez la femme, mais on l'observe aussi chez l'homme » (Lasègue et Falret, loc. cit., p. 354).
Faisons remarquer enfin que dans quelques cas, rares, il est vrai, le délire d'un aliéné, Communiqué à un autre individu plus faible que lui, peut se transmettre à une troisième personne, ou même, dans une mesure plus faible, à quelques personnes de l'entourage.
Folie simultanée. 11 faut distinguer de la folie communiquée que nous venons de décrire la folie simultanée, qui se présente dans des conditions spéciales. M. Régis a consacré la plus grande partie de sa thèse [La folie à deux ou folie simultanée. Paris, 1880) à cette curieuse forme de folie, qui selon lui est essentiellement caractérisée par un délire partiel, ordinairement de persécution, survenant simultanément chez deux individus franchement héréditaires ou simplement prédisposés, et cela en vertu : 1° de cette prédisposition morbide; 2° du contact intime et perpétuel dans lequel ils vivent; 5° d'influences occasionnelles qui agissent à la fois sur eux et jouent, à l'égard de la production de leur délire, le rôle de causes déterminantes (loc. cit., p. 39).
Ainsi, par exemple, un homme et une femme, tous deux atteints de prédisposition héréditaire, se marient soit par hasard, soit par cette attraction naturelle entre candidats à la folie. Sous l'influence de causes occasionnelles, ces deux prédisposés ainsi unis arrivent à délirer. « Le même travail morbide s'opère à la fois en eux, ils passent par les mêmes phases, ils subissent les mêmes fluctuations... Une idée délirante germe-t-elle chez l'un, l'autre aussitôt la fait sienne, et réciproquement, chacun apportant ainsi sa pierre à l'édifice qui est leur œuvre commune, le fruit commun de leurs efforts. Et de même qu'il n'y a point là deux êtres séparés, il n'y a pas non plus deux délires, il n'y en a qu'un seul, produit de la fusion de deux délires individuels. Qu'à l'élaboration de cette œuvre pathologique l'un ait contribué plus puissamment que l'autre, qu'il soit plus ardent, plus imaginatif, qu'importe au fond, puisque l'action de l'un sur l'autre est réciproque, et que c'est de cette action combinée que résulte ce tout commun, qu'on appelle la folie à deux » (Régis, loc. cit., p. 51).
Les distinctions établies par M. Régis sont peut-être un peu subtiles, et elles ne me semblent pas suffisamment fondées pour refuser, avec lui, aux cas décrits par Lasègue et Falret le nom de folie à deux. Dans la folie communiquée de ces deux auteurs, il faut le contact constant de deux êtres, dont l'un est un aliéné avéré et l'autre peut n'être qu'un faible esprit ou un débile; dans la folie simultanée de M. Régis, il y a en présence deux prédisposés, ces prédisposés doivent être en contact permanent, ils créent en même temps leur délire, mais dans cet échange d'idées délirantes l'un est plus imaginatif que l'autre, l'un est donc l'esprit créateur qui fournit à son associé les éléments du travail morbide. La différence ne réside donc que dans ce fait que, dans la folie simultanée, on a affaire à deux véritables aliénés qui, le plus souvent, sont arrivés à la chronicité, lorsqu'on songe à les séparer, et qui ne guérissent plus alors ni l'un ni l'autre.
Et cependant, malgré ces objections, nous reconnaissons qu'il existe une folie simultanée, et la preuve en est dans la folie gémellaire. H n'est aucun aliéniste qui ne connaisse l'observation si souvent citée de Moreau (de Tours), de ces deux frères jumeaux, d'une ressemblance physique complète et dont les idées dominantes sont absolument les mêmes. « Tous les deux se croient en butte a des persécutions imaginaires; les mêmes ennemis ont juré leur perte et emploient les mêmes moyens pour arriver à leurs fins. Tous les deux ont des hallucinations de l'ouïe. Tristes et moroses, ils n'adressent jamais la parole à qui que ce soit et ne répondent qu'avec peine aux questions qu'on leur adresse. Us se tiennent toujours à l'écart et ne communiquent jamais entre eux.
• Un fait extrêmement curieux et qui a été nombre de fois constaté par les surveillants de la section et par nous-même, ajoute Moreau (de Tours), est celui-ci : de temps à autre, à des intervalles tràs-irréguliers de deux, trois et plusieurs mois, sans cause appréciable et par un effet tout spontané de la maladie, il survient un changement très-marqué dans la situation des deux frères : tous les deux, à la même époque, et souvent le même jour, sortent de leur étal de stupeur et de prostration habituel; ils font entendre les mêmes plaintes et viennent d'eux-mêmes prier instamment le médecin de leur rendre la liberté. J'ai vu se reproduire ce fait, quelque peu étrange, alors même qu'ils étaient séparés l'un de l'autre par plusieurs kilomètres de distance; l'un d'eux était à Bicêtre, l'autre demeurait à la ferme Sainte-Anne » (La psychologie morbide. Paris, 1859, p. 172).
Voilà la véritable folie simultanée; les deux frères délirant en même temps et de la même manière, sans qu'il existe de communication entre eux pouvant faire supposer une transmission des idées morbides. Ne sont-ce pas là les caractères généraux de la folie gémellaire, tels que les a formulés M. le professeur Bail?
1° i Simultanéité de l'explosion des accidents;
2° « Parallélisme des conceptions délirantes et des autres troubles psychologiques;
3° « Spontanéité du délire chez chacun des deux individus qui s'en trouvent atteints » (Bail, De la folie gémellaire ou aliénation mentale chez les jumeaux. In l'Encéphale, 1884, p. 385).
Ces trois caractères se rencontrent à des degrés divers dans tous les cas de folie gémellaire (voy. les observations de Bail, Baume, Savage, Clifford, Gill, Mickle, etc.); mais ce qui frappe surtout, c'est l'absence de contagion ou de communication du délire et la simultanéité de son explosion.
Outre ces faits d'aliénation mentale chez les jumeaux, on peut encore considérer comme se rangeant dans la folie simultanée ces observations de délire de persécution chez deux sœurs ou chez deux frères, héréditairement prédisposés, tous deux d'une intelligence souvent au-dessous de la moyenne. Dans ces conditions, il ne peut y avoir contagion et le plus souvent le délire éclate chez l'un et chez l'autre simultanément.
Dictinnaire encyclopédique des sciences médicales
volume 75
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