« Le
silence s´est fait, tandis que Ouha, majestueux, lentement, s´assied, un pied
posé à la même hauteur que son ventre, l´autre pendant sur le tronc décapité d´un
arbre double, dont le deuxième fût forme le dossier d´une étrange cathèdre :
c´est le trône du roi, au centre presque de la clairière, juste au-dessous de
la lune, dont le disque rit, comme de regarder la bizarre assemblée, du haut du
firmament de lapis sombre, lazuli pailleté d´or.
Les
femmes, sur un signe de Ouha –orang-outang polygame qui prend ses épouses parmi
les compagnes et les égales de l´homme –se sont assisses devant lui, et c´est
comme un vivant trophée de sa gloire simiesque que caressent ses yeux de
braises (…).
En
des attitudes diverses, les orangs écoutaient, ou mieux suivaient la mimique de
la harangue royale. Il en était de pareils à des viaillards chenus, dont
blanchissait le poil, le collier de barbe en brosses rudes de chaque côté des
bajoues (…) D´autres, accoudés, affectaient des poses graves et lasses,
laissaient choir leurs crânes presque entre leurs genoux écartés, comme pliés
sous le faix de graves pensées : certains girouettaient de la face,
semblaient inattentifs et railleurs, babouinaient inlassablement, en plissant
leurs mufles noirs, bruns, roux, fauves, gris, sur de terribles mâchoires
cliquetantes. Quelques-uns semblaient perdus en des abrutissements loitains,
puis, sortant de leur apathie, approuvaient avec des gestes de salut, de leurs
mains applaudisseuses, vers Ouha tendues.
Plusieurs,
bouffons, se grattaient le derrière et les plus sérieux, soudaint obscènes, se
caressèrent mutuellement ou eux-mêmes, sans se départir de leur mine soucieuse.
Et l´exemple, manuel et contagieux de quelques-uns, se propagea de groupe à
groupe. Par esprit d´imitation, la luxure grandissait, s´épanouissait. Des
spasmes subits, des grimaces joyueuses ou des soupirs béats rompaeint un
instant une immobilité vite reprise.
Mabel
Smith pensait assister à un sabbat inattendu, troublée quand même par ces
gestes, effarée surtout par la ressemblance des faces simiesques avec les
figures humaines, la parité des signes qu´on aurait dit d´homme saffolés. Elle
doutait d´être, ou non, hallucinée bizarrement d´assister, avec la sensation de
l´éveil, à un cauchemar à la fois grotesque et terrible en sa bouffonnerie :
un sénat d´hommes déguisés en singe, et qui, par excentricité, se livreraient à
des parodies de sérieuses discussions, coupées de gageures lubriques, de
folies, de gestes et d´exclamations patriotiques furibondes, brisées, zigzaguées,
comme un nuage d´éclairs, de menaces, de colères, de cris exrpimant, à l´exagération,
toutes les émotions humaines… »
F.
Champsaur
Ouha,
Roi des Singes
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