lunes, 26 de octubre de 2020

Une morte amoureuse (de l´âge baroque)



Histoire prodigieuse d’un Gentilhomme auquel le Diable s’est apparu, et avec lequel il a conversé et couché sous le corps d’une femme morte, advenue à Paris, le 1er janvier 1613. Extrait de la seconde édition. — Autre anecdotes du même genre.

» Le 1er jour de janvier 1613, pendant ces pluies qui nous ont si long-temps tourmentés, un jeune gentilhomme de Paris, retournant vers les quatre heures après dîné de quelque compagnie avec laquelle il avait passé une bonne partie du jour rencontra, dans une petite allée qui faisait l’entrée de sa porte, une jeune demoiselle bien en ordre, ayant apparence de quelque courtisane, bien vêtue d’une robe de taffetas découpé, enrichie d’un collier de perles, et de plusieurs autres joyaux beaux et bien apparens, laquelle comme étonnée, et toutefois d’une façon riante, s’adressa au gentilhomme, et lui dit : Monsieur, combien que l’injure du temps ne me permette pas de me mettre à sa merci, j’aimerai pourtant mieux m’y exposer que de vous apporter la moindre incommodité du monde, occupant ici sans aucune permission l’entrée de votre logis que si c’est une chose que je puisse faire sans votre mécontentement, je vous en serai autant obligée toute ma vie que pas une de celles qui aient jamais eu l’honneur d’être vos plus affectionnées servantes. Le gentilhomme, considérant ce que la demoiselle pouvait être, jugeant de l’extérieur, et voyant l’honnêteté de laquelle elle avait usé, crut qu’il était de son devoir de lui rendre la pareille, tant de parole que d’effet, et pour cela il lui dit : Mademoiselle, je suis grandement fâché de ce que ma venue a été trop tardive pour vous pouvoir témoigner le service que j’ai voué de tout temps aux dames, et principalement à celles de votre qualité ; et, pour vous le faire connaître, je ne vous offre pas seulement le logis, mais ce qui dépend de moi et ce que vous croyez être en ma puissance : et cependant je vous supplierai de prendre la peine d’entrer, attendant que la pluie soit passée. La demoiselle lui dit : Monsieur, je n’ai jamais mérité l’offre que vous me faites, et je m’en souviendrai quand l’occasion s’en présentera ; je vous prierai seulement de permettre que j’attende ici mon carrosse, que j’ai envoyé quérir par mon laquais. Non, dit le gentilhomme ; vous m’obligerez de venir prendre une chétive collation en attendant votre carrosse ; et, quoique vous ne soyez pas reçue selon votre qualité et votre mérite, je m’efforcerai de vous rendre ce qui sera de mon devoir.
» Enfin, après plusieurs contestations de part et d’autre, la demoiselle entra, et se colérait extrêmement de ce que son laquais ne venait pas. La journée se passa sans que le laquais eût des jambes, ni le carrosse des roues pour arriver. L’heure du souper étant venue, le gentilhomme s’efforce de la traiter le mieux qu’il peut, et lorsque s’approche le temps de se coucher, la demoiselle le supplie que, puisqu’il lui a tant fait d’honneur que de la retirer, il lui fasse encore ce bien que de lui donner un lit à elle seule, vu qu’il ne serait pas séant à une jeune demoiselle d’admettre quelqu’un à sa couche ; ce qu’il octroya facilement. Pendant qu’elle se déshabillait, le gentilhomme lui tint quelques discours amoureux, auxquels il trouvait qu’elle répondait comme savante ; ce qui l’émut ; et, croyant qu’il obtiendrait d’elle facilement ce qu’il désirait, il la laisse coucher : puis, poussé par l’audace qu’il appartient à l’amour seul de nous donner, il sonde le gué, et la va trouver à son lit, feignant de s’enquérir si elle était bien ou non ; et peu à peu, en discourant, il lui coula la main sur le sein, ce qu’elle endura. Enfin après plusieurs poursuites il obtint quelques baisers avec promesse d’autre chose. Voilà donc ce pauvre gentilhomme qui a bien de la peine à obtenir ce qu’on voudrait lui avoir accordé. Après plusieurs baisers qui allument le feu en son âme, après une infinité de prières, ce qu’il désire lui est permis. Soudain il se couche, et jouit long-temps de ses plaisirs qu’il croit parfaits.
» Le matin étant venu, il se lève ; et, craignant que quelqu’un ne le vînt voir, et que voyant cette demoiselle on en pensât quelque chose, il l’envoie éveiller par son laquais, auquel elle répondit qu’elle n’avait point dormi la nuit, et qu’il lui permît de se récompenser sur la matinée. Le laquais rapporta cela à son maître, lequel, après avoir fait quelque petit tour de ville, revint avec quelques-uns de ses amis, et, avant de les faire monter à sa chambre, il y alla d’abord seul afin de s’excuser envers la demoiselle si elle n’avait pas été mieux traitée. Il tire le rideau, et, l’ayant appelée par quelques noms amoureux, il la voulut prendre par le bras ; mais il la sentit aussi froide qu’un glaçon, et sans pouls ni haleine quelconque : de quoi effrayé, il appelle son hôte ; et plusieurs personnes étant arrivées, on trouva la demoiselle roide morte ; alors on fit venir la justice et les médecins, lesquels tous d’un accord dirent que c’était le corps d’une femme, laquelle depuis quelques temps avait été pendue ; et que peut-être un spectre ou un diable s’était revêtu de son corps pour décevoir ce pauvre gentilhomme. Ils n’eurent pas proféré ces paroles qu’à la vue de tous il s’éleva dans le lit une grosse et obscure fumée qui dura environ l’espace d’un Pater : cette fumée, petit à petit s’étant dissipée, ils trouvèrent que celle qui était dans le lit avait disparu…
» C’est par de tels exemples que Dieu rappelle ceux qui, lâchant la bride à leurs passions, se laissent emporter à toutes sortes de femmes inconnues, desquelles nous n’avions jamais tant vu qu’il y en a pour le présent… »
Guillaume de Paris raconte aussi qu’un soldat, ayant couché avec une belle fille, trouva le lendemain à ses côtés une carcasse puante…
St. Hippolyte voyait souvent une belle femme qui l’aimait, qui se présentait nue devant lui, et qui, malgré qu’il en eût, le pressait sur son sein, et l’accablait de caresses. Hippolyte, las de ces importunités, comme dit la légende, passa son étole au cou de la femme et l’étrangla. Dès-lors il ne trouva plus dans ses bras qu’un cadavre puant, que l’on crut reconnaître pour le corps d’une femme morte depuis quelques années.
Un bourgeois de Lyon fut condamné à coucher trois ans avec le spectre de sa femme qu’il avait assassinée, et qui revenait toutes les nuits, hideuse et sanglante, le tourmenter et le punir. Mme de Genlis a encadré ce trait dans son roman des Chevaliers du Cygne.


Collin de Plancy, Histoires de Vampires et des spectres malfaisans: avec un examen du vampirisme, 1820

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