miércoles, 14 de octubre de 2020

Les crimes de Jean XXIII, le forban antipape

 


Balthasar de Cossa ou de la Cuisse était de Naples et d'une famille noble; ses parents, malgré les inclinations martiales qu'il manifestait dès son enfance, l'avaient fait entrer dans un monastère; aussi n'y fit-il pas un long séjour. Après son évasion du couvent, il s'enrôla dans une troupe d'écumeurs de mer, qui exploitaient les côtes de l'Italie inférieure pendant les guerres de Ladislas et de Louis d'Anjou. Il devint bientôt le chef de ces corsaires et se distingua par des atrocités effroyables : sans foi, sans honte, sans remords, méprisant toutes les lois divines et humaines, Balthasar possédait au plus haut degré les qualités qui font en temps de guerre les grands capitaines, ceux qu'on nomme les conquérants, et en temps de paix les grands scélérats. 

Quand les victoires de Ladislas eurent rétabli le calme dans les royaumes de Naples et de Sicile, il fut forcé de renoncer à son métier de forban; alors il songea à se faire prêtre et vint à l'université do Bologne, où il acheta le bonnet de docteur; plus tard, Boniface IX lui vendit l'archidiaconat de celte ville. Bientôt il se fatigua de cette résidence et vint à la cour do Rome, où il s'éleva jusqu'à la dignité de cardinal et de camérier secret, en récompense d'infâmes complaisances pour le pape Boniface. Ses nouvelles fonctions lui donnèrent une immense influence, dont il profita pour récupérer les sommes considérables qu'il avait dépensées dans les lupanars de Bologne; il se fit nommer collecteur général du Saint-Siége, envoya des quêteurs dans toute l'Europe, rançonna les ecclésiastiques d'Allemagne, de Danemark, de Suède, de Norvège, sous la menace de les reléguer dans des provinces éloignées de leurs Eglises; les contraignit de lui acheter des indulgences, des absolutions, des reliques, des bénéfices, des annates et des commendes ; enfin le camérier fit si bien jouer tous les ressorts de la fourberie sacerdotale qu'en moins de deux ans il se trouva plus riche que le pape, et qu'il put alors acheter l'impunité de ses crimes. Et du reste il ne se faisait point faute d'en commettre , car l'on comptait à Rome un nombre prodigieux de jeunes religieuses qu'il avait déflorées en s'introduisant nuitamment dans leurs cellules; on racontait qu'il entretenait un commerce incestueux avec la femme de son frère ; on l'accusait d'avoir violé trois jeunes soeurs dont la plus âgée n'avait pas douze ans, et d'avoir encore abusé de la mère, du fils et du père !
Le scandale de ses débauches devint si grand, que Boniface lui-même, cet éhonté sodomite, fut obligé de l'éloigner de sa cour; il lui donna une mission à l'extérieur, et le chargea de faire rentrer dans le devoir les Bolonais qui s'étaient révoltés contre le Saint-Siège. Le cardinal-légat se mit à la tète des troupes pontificales, battit les Visconti, qui venaient au secours des insurgés, et s'empara de la ville ; alors il se trouva maître absolu, et put donner un libre cours à ses passions désordonnées. Bientôt il n'exista plus dans Bologne un adolescent ou une jeune fille, quel que fût son rang ou la noblesse de sa famille, qui pût se croire à l'abri des poursuites de cet infâme prêtre; les pères et les mères qui osaient disputer leurs enfants aux pourvoyeurs du cardinal étaient plongés dans les cachots de l'inquisition ; et l'on assure même que ce monstre, par un raffinement de lubricité, abusait des enfants en présence des parents, et pendant que ses victimes se tordaient sous les tenailles ardentes des bourreaux ! ! !


Après la mort de Boniface IX, protecteur de Balthasar Cossa , les Bolonais conçurent l'espérance d'être délivrés de leur tyran, et envoyèrent des ambassadeurs à Innocent VII, pour lui offrir des sommes énormes afin de l'intéresser en leur faveur et pour obtenir le rappel du légat. Malheureusement Balthasar fut instruit de la négociation ; il envoya immédiatement à Rome le double de la somme proposée au saint-père, et fit avorter les p/ojets de ses ennemis; les principaux citoyens, qu'il soupçonna d'avoir trempé dans ce complot, furent déférés aux triljunaux de l'Inquisition, leurs biens confisqués et eux-mêmes décapités par son ordre. 

Le règne d'Innocent VII s'écoula sans amener aucun changement pour les infortunés Bolonais ; enfin sous le pontificat de Grégoire XII, son successeur, quelques citoyens courageux osèrent encore réclamer
son expulsion. Grégoire fulmina contre le coupable légal une sentence d'anathème et le révoqua de ses fonctions; mais celui-ci, loin de se soumettre aux ordres du saint-père, intrigua, distribua de l'argent aux autres cardinaux, les détacha de son parti, et les détermina à se réunir en concile pour élire un nouveau pape. Les Florentins, gagnés par ses promesses , autorisèrent la tenue d'un synode dans la ville de Pise, et le résultat de cette assemblée fut la déposition de Grégoire et l'élection de Pierre Philargi. Nous avons vu comment le cardinal Balthasar avait exercé la souveraine autorité sous ce nouveau pape, et de quelle manière il s'était défait d'Alexandre V pour s'emparer de la tiare. 

[Le cardinal Balthasar avait décidé que le pape ne retournerait plus dans la ville sainte, et qu'il recevrait lui-même les honneurs du triomphe que les Romains préparaient à Alexandre. En conséquence, 1a veille du départ, qui avait été fixé pour le 3 mai 1410, il lui fit administrer, par Daniel de Sainte-Sophie, son médecin ordinaire, un clystère empoisonné dont il mourut dans la nuit. Dès le lendemain, Daniel anéantit les preuves du crime en enlevant les entrailles de sa victime sous prétexte d'embaumer le corps.

(...) Balthasar Gossa convoqua le conclave pour le 14 mai 1410; il s'y présenta dans le costume d'un forban, revêtu d'une cotte de mailles, un glaive au côté, et vint prendre sa place au milieu des cardinaux, les menaçant de sa colère s'ils osaient nommer un pape qui ne fût pas de sa convenance. Tous les prélats, glacés par la frayeur, écoutaient en silence les blasphèmes de cet abominable assassin; enfin un d'entre eux proposa d'élever le cardinal de Malte au souverain pontificat. — Non, je le rejette, cria Balthasar. D'autres cardinaux présentèrent successivement l'évêque de Palestine, le métropolitain de Ravenne, l'archevêque de Bordeaux ; Balthasar les refusa tous. Enfin les membres du conclave, interdits et tremblants, ne songeant plus qu'à leur propre sûreté, le prièrent de leur désigner le cardinal qu'il désirait nommer pape. — Eh bien! qu'on me donne le manteau pontifical, leur répondit-il, et j'en couvrirai le seul cardinal qui soit digne de le porter 1 Angelo de Lodi s'empressa de le lui présenter. Aussitôt il s'en revêtit, et étendant le bras vers la tiare : « Je suis pape! » s'écria-t-il. Ensuite il se rendit à la cathédrale pour les cérémonies de la chaise percée, et se fit couronner sous le nom de Jean XXIII. ]

 Dès le lendemain de son élection, le saint-père, par reconnaissance du service que lui avait rendu le médecin Daniel, l'empoisonna avec du vin de Chypre; ensuite ses émissaires partirent pour Rome, et
introduisirent dans la cité apostolique une foule de bandits qui brisèrent les statues de Grégoire, déchirèrent ses portraits dans les basiliques, et remplacèrent ses armoiries par celles de Jean XXIII. Intimidés par ces démonstrations, les sénateurs envoyèrent une députation à Pise, pour prêter serment
d'obédience et de fidélité à Balthasar, et pour le supplier de venir prendre possession du Vatican. Le
rusé pontife eut d'abord l'air de ne point se soucier de leurs offres; ensuite il feignit de céder aux sollicitations des ambassadeurs, et annonça qu'il consentait à retourner à Rome. Huit jours après, Jean XXIII faisait son entrée dans la ville sainte, accompagné de ses cardinaux et suivi d'une armée formidable. Le jour de son arrivée il célébra l'office divin dans la basilique de Saint Pierre, et bénit solennellement la bannière de l'Eglise, qu'il confia à la garde de Louis d'Anjou; il bénit également l'étendard du sénat et du peuple, et le donna à Paul des Ursins, en le nommant grand gonfalonier et généralissime des troupes du Saint-Siège. Le soir, il donna une fête magnifique dans la
quelle fut déployé tout le luxe des saturnales des Néron et des Caligula ; et le lendemain, à son réveil, pour avoir, sans doute, plus d'un point de ressemblance avec ces tyrans, il fit décapiter plusieurs
seigneurs et magistrats qu'il soupçonnait de favoriser son compétiteur Grégoire. Ces exécutions sanglantes ne suspendirent pas néanmoins les réjouissances publiques, et le Saint-Père continua pendant un mois entier à donner à ses hôtes le spectacle de ses dégoûtantes orgies.

(...) Jean XXIII gouvernait Rome en despote absolu, accablant les citoyens d'exactions, et n'épargnant ni ses cardinaux ni les officiers de sa cour, car Théodoric de Niem rapporte qu'il invitait les ecclésiastiques de son obédience à des festins pour faire un appel à leur bourse, sous le nom de collecte de la cène. «Voici, ajoute l'auteur, comment le saint-père s'y prenait : Il faisait verser à ses convives des vins généreux, et quand l'ivresse avait gagné toutes les tètes, il appelait des camériers qui présentaient des urnes vides dans lesquelles chacun mettait son offrande. Ceux qui se dispensaient d'assister aux orgies de Balthasar Cossa n'échappaient point pour cela à sa cupidité; les officiers de la chambre apostolique venaient le lendemain leur présenter des quittances de sommes empruntées au saint-père; ceux qui prétendaient ne point avoir de dettes étaient immédiatement arrêtés, conduits dans les cachots du Vatican,et torturés par les inquisiteurs, qui les forçaient, selon l'expression pittoresque de Jean, « à délier la bourse. »

 Toutes les richesses qu'il arrachait aux peuples étaient partagées entre ses concubines et ses mignons, ou étaient englouties dans des travaux de bâtisses inutiles ou ridicules; c'est ainsi qu'il dépensa des sommes prodigieuses pour faire relever la muraille intérieure du bourg de Saint-Pierre, et pour faire pratiquer un chemin dérobé entre les parois des murailles, afin de pouvoir introduire secrètement dans son palais les victimes de ses débauches ou de sa tyrannie.

 

M. Lachâtre, Histoire des papes. Mystères d´iniquités de la cour de Rome. Crimes, meurtres, empoisonnements, parricides, adultères, incestes, débauches et turpitudes des pontifes romains depuis Saint-Pierre jusqu´à nos jours, 1842

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