sábado, 2 de marzo de 2013

Le Palais des Singes



A Marly-le-Roi, tout le monde connaît le Palais des Singes ..
Le  Palais  des  Singes ?  mais  oui !  ou,  si  vous  préférez,  la  villa  X***,  une  des  plus  coquettes et l’une des mieux situées à  l’entrée de la forêt. La villa X*** appartient  à Mme C…, une des intimes de notre amie Mme Lucy X*** ; dans le  parc de sa  villa,  Mme  C…  a  fait  installer  une  magnifique  serre ;  dans  cette  serre,  une  immense cage, et, dans cette cage, elle a introduit quantité de singes ; Mme C… prend elle-même soin de ses pensionnaires, leur donne à manger et  à boire,  les  lave,  les  peigne,  les dorlotte,  les  laisse monter sur  ses genoux, sur  ses  épaules, les caresse, les embrasse.
J’ai oublié de dire que, parmi ces singes, il n’y a point de guenons. Et, si j’ajoutais  que ces animaux reçoivent une nourriture fortement épicée, vous les  plaindriez,  probablement.
Vous n’auriez pas tort !
Je les plains aussi depuis que j’ai été invité à certaine garden-party chez Mme C…
Le goûter était servi dans le Palais des Singes .. Parmi les plantes extraordinaires  et  les  fleurs  phénoménales,  des  jeunes  femmes,  aux  robes  claires,  allaient  et  venaient, riant aux éclats, babillant, potinant joyeusement.
Dans la  cage,  les  singes  s’agitaient furieusement, montant, descendant, sautant,  courant ;  leurs  yeux  brillaient  d’une  étrange  flamme,  leur  corps  tremblait,  leurs  doigts se crispaient.
– Est-ce la vue, demandai-je . Mme C…, des friandises étalées sur ces tables qui  les excite ainsi ? Ou bien, l’heure de leur repas approche-t-elle ?
– Ce  n’est  vraiment  pas  la  peine,  cher  monsieur,  de  fréquenter chez  les détraquées  depuis  aussi  longtemps  que  vous  le  faites  pour  poser  de  pareilles questions ! Vous demandez ce qui excite mes singes ? Suivez-moi, vous allez voir.
Mme C…  appela  l’une  de  ses  amies,  et  toutes  deux  se  plantèrent  le  long  de  la  cage.  En  un  clin  d’oeil,  les  bêtes  se  massèrent  devant  elles,  se  bousculant effroyablement, se battant sauvagement, chacune voulant la place la plus proche des femmes : en vérité, elles semblaient furieuses, affolées, se déchiraient à coups d’ongles, faisaient entendre de bizarres cris de rage.
– Vous demandez ce qui les excite ? répéta la maîtresse de maison. Regardez !Les  jeunes  femmes  dégrafèrent  leur  chemisette  et  l’enlevèrent,  leur  buste émergea,  magnifiquement  blanc,  des  dentelles  de  la  chemise  et  du  corset,  les seins dardèrent leurs pointes brunes, cependant que les bras, se posant derrière la tête, découvraient les aisselles.
Dans la cage, d’abord, c’avait été un moment de stupeur, l’émotion avait paralysé  les  singes.  Bientôt,  la  fureur  avait  redoublé  de  violence,  était  devenue  terrible, presque  effrayante :  empoignant les  barreaux,  ils  essayaient  de  les  arracher,  les tiraient, s’affolaient de plus en plus.
Les jeunes femmes se tordaient de rire. Toutes s’étaient rapprochées, examinant avidement le désespoir amoureux des bêtes.
Puis, elles imitèrent Mme C… et son amie, enlevèrent leurs chemisettes. De tous côtés, vers la cage, des seins se dressèrent fièrement !
Les pauvres bêtes s’élanaient au hasard, espérant, sans doute, trouver une issue.
Elles faisaient pitié.
– Ouvrez-leur, implorai-je.
– Ah bien ! ce serait du propre !
La femme, décidément, sait atteindre le dernier degré de la cruauté ! Les invitées, maintenant,  faisaient  de  l’oeil  aux  singes.  Mais  oui !  en  leur  honneur,  elles allumaient  le  regard,  montraient  deux  rangées  de  dents  étincelantes  de blancheur, entre lesquelles passait le petit bout rose de la langue, elles dansaient gracieusement,  ondulaient,  prenaient  les  poses  les  plus  suggestives,  exhibaient, parmi des nuages de batiste, une jambe délicieusement moulée en un bas de soie noire transparente !
Et les jupes tombèrent. Et les jupons ! et les corsets !
Mme C… apparut nue !
– Comprenez-vous, s’exclama-t-elle, ce qui excite mes singes !
– Avouez donc que c’est un prêt. pour un rendu, qu’ils vous excitent aussi !


  Je  continuerai  mes  histoires  de  singes  par  le  récit  d’un  souper  auquel  je  fus  invité il y a quelques mois.
Le souper eut lieu dans un des grands restaurants de l’avenue de l’Opéra.
Les convives étaient : côté des dames, une demi-mondaine qui se montrait alors à l’Olympia ; une autre demi-mondaine, bien connue au pavillon d’Armenonville, et qui  sera peut-être  bientôt princesse… en Autriche ;  miss W… qui, chaque matin,  au  Bois,  monte  de  si  beaux  chevaux ;  Mme  C…,  la  propriétaire  du  Palais  des  Singes,  et une  autre détraquée, la femme aux bêtes ., dont je  reparlerai ; côté des  hommes,  un  littérateur,  original  et  affectant  des  moeurs  étranges, appartenant  à  un  grand  quotidien  du  matin ;  Consul  III, l’illustre  singe  qui, récemment, révolutionna Paris ; son barnum, et votre serviteur.
Les femmes étaient en robe décolletée ; les hommes, y compris Consul, en habit.
D’abord, le souper s’annonça a assez triste : nous ne nous connaissions pas tous, il fallait  rompre  la  glace.  Et  puis,  les  regards  se  portaient  vers  le héros  de  la  fête, chacun l’observait curieusement. Lui, nullement gêné., mangeait fort galamment, imitant  ponctuellement  les  gestes  de  son  maître,  plus  préoccupé de  ne  point gâter  la  somptueuse  ordonnance  du  couvert  que  de  s’attarder  aux  coups  d’oeil des détraquées.
Au  reste,  Consul  ne  se  méprenait  certainement  pas  à la  flatteuse  curiosité  de l’entourage :  de  temps  en  temps,  il  se  mirait  complaisamment  dans  la  glace servant  de  chemin  de  table,  et  ne  paraissait  point  se  trouver  dans  ce  cadre luxueux,  parmi  ces femmes endiamantées,  cette  argenterie magnifique,  ce  linge enrubanné, cette table fleurie.
Cependant, il n’avait pas l’air d’avoir envie de marcher .. En vain, ses voisines, enhardies, lui donnaient-elles de leurs mains blanches quelque friandise,  frôlant au  passage  son  poignet  velu ;  en  vain,  un  bras  nu  se  levait-il  derrière  la  tête, d.couvrant l’aisselle, sous prétexte de remettre à sa place une mêche folle de la nuque, Consul demeurait impassible.
– Autant un homme ! fit l’une. Il est aussi vanné !
Nos détraquées ne faisaient pas leurs frais. Avec un singe, ce doit être vexant !
Mais,  elles  ne  se  tenaient  pas  encore  pour  battues,  bien  que  les  hommes  leur  répétassent sur tous les tons :
– Consul n’a pas envie de marcher !
Une  .paulette  se  dénoua,  une  épaule  apparut  suavement  ronde.  Une  autre épaulette glissa, un sein se montra, timide, d’abord, puis, orgueilleux. Bientôt, l’on vit  un  autre  sein,  deux  autres  seins,  trois  autres  seins  qui  se  penchèrent  vers  Consul,  lequel,  avec  la  gravité  d’un  sénateur,  les  regarda,  et  se  remit  à manger, indifférent.
– Puisqu’on vous dit qu’il n’a pas envie de marcher !
– Marchera !
– Marchera pas !
Mme  C…  proposera  de  lui  donner  un  peu  de  champagne.  A  quoi  le  barnum  s’opposa  énergiquement.  Voyez-vous,  le  lendemain,  au  moment  d’entrer  en  scène, Consul saoul, saoul comme une simple chanteuse d’Opéra-Comique ?
Alors, Mme C…, héroïque, et, peut-être aussi profondément vexée, s’approcha du singe, passa ses doigts effilés dans la chevelure de la bête, avança sa gorge nue.
Consul, hélas ! refusa encore de marcher ! Il bâilla, il avait envie de dormir !
– Il ne marchera pas !
- Eh ! m… pour lui ! s’exclama, drôlement, avec son accent anglais, mis W…

René Schwaeblé, . Les détraquées de Paris, Etude de moeurs contemporaines .. Nouvelle Edition, Daragon libraire-.diteur, 1910


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