viernes, 21 de agosto de 2009

Du mal d'écrire

"Je veux parler du mal d'écrire.
Je crois qu'il y a sur ce sujet quelque chose à dire et quelque chose à faire.

A aucune époque cette épidémie n'a si violemment éprouvé le public français. Exceptionnelle
autrefois et seul apanage des gens d'esprit, même au dix-septième siècle où l'on a publié tant de
Mémoires et où la pédanterie littéraire fut si à la mode, la manie d'écrire est devenue aujourd'hui
universelle parce qu'elle est en quelque sorte le résultat de notre civilisation. Le dix-septième
siècle a été le triomphe du goût et de l'autocratie royale ; le dix-huitième a été le siècle de l'émancipation politique et religieuse ; la démocratie et l'instruction à outrance caractériseront
notre dix-neuvième siècle. On peut discuter si ce sera sa force ou sa faiblesse, mais je crois que c'est bien son originalité. La science s'est tellement élargie, les progrès matériels et les moyens de
s'instruire ont si subitement activé la soif de connaître, que les esprits les plus ordinaires se sont
trouvés capables sans trop d'efforts, non pas de bien savoir certaines choses, mais de savoir beaucoup trop de choses...

Albalat

miércoles, 12 de agosto de 2009

Le téléchromophotophonotétroscope


Les habitants d'Industria se trouvent si bien chez eux qu'ils n'en sortent guère, quoiqu'ils puissent y rester tout en en sortant. L'absence, ce mal des âmes tendres, a été supprimée. On est ubiquiste, en même temps chez soi et ailleurs : résultat obtenu en perfectionnant un moyen proposé jadis pour transmettre les télégrammes sans fil,. sans autre conducteur que le milieu ambiant; moyen abandonné, parce que les premiers télégrammes livrés à leur instinct s’égaraient, que l'électricité volage acceptait trop de conducteurs et se livrait à tous les électrodes; puis réétudié et amené à bien par les ingénieurs d'Industria qui sont parvenus à domestiquer le fluide, à lui créer des affinités, pour ne pas dire des affections, qui le rendent fidèle à un conducteur, à un pôle. Électricité animalisée et apprivoisée qu'il suffit de mettre une fois en contact avec son maître, de le lui faire sentir et toucher, pour que ce véritable chien courant magnétique s'attache à ses pas on retrouve sa piste.

Le téléchromophotophonotétroscope, inventé dans le même temps, par les mêmes physiciens, supprimait l'absence d'une manière plus radicale encore. La téléchromophotophonotétroscopie est, comme on le sait, une succession presque synoptique d'épreuves photographiques instantanées, qui reproduisent électriquement la figure, la parole, le geste d'une personne absente avec une vérité qui équivaut à la présence, et qui constitue moins une image qu'une apparition, un dédoublement de la personne de l'absent.

Cet appareil, très simple, se compose d'un chromophotographe qui donne l'épreuve en couleur, d'un mégagraphe qui l'agrandit, d'un sténophonographe qui recueille et inscrit les paroles du sujet, aidé par un microphone qui les amplifie, et emmanché dans un téléphone qui se concerte avec un tétroscope pour propager l'image et le son. Les différentes portions de l'instrument totalisent leurs efforts et en versent le produit dans un récipient commun appelé Phénakistiscope, lorgnette acoustique au moyen de laquelle on voit et on entend. Il va de soi qu'en modifiant convenablement la marche du système, on peut à volonté faire comparaître l'absent ou lui apparaître soi-même.

La création des diverses parties de cet appareil remonte à plusieurs années, mais l'honneur revient aux savants d'Industria d'on avoir fait la synthèse et la soudure. On comprend tous les bienfaits d'un pareil instrument et toute l'activité qu'il imprimait aux relations. Plus d'isolement ni de solitude : de gré ou de force, on recevait à toute heure la visite spectrale d'un ami absent, de parents de province ou de voisins oisifs, venant familièrement passer une heure ou quelques jours chez vous. Aussi, quelle union de tous les habitants de ce pays, liés en une seule famille par des fils si serrés qu'on n'en pourrait couper un membre sans faire crier tout le corps, ni tirer un cheveu sans arracher la touffe !

L'invention qu'on vient de décrire s'appliquait aussi aux spectacles, où l'on n'allait pas, puisqu'on pouvait s'en procurer les charmes chez soi. Aussi les théâtres n'étaient-ils, en dépit de leur magnificence, que des boîtes à musique, des fabriques de drames dont la téléchromophoto-phonotétroscopie portait les produits à domicile; et dont le trop-plein, s'échappant par la coupole diaphonique, dont chaque salle est pourvue, s'épandait dans l'atmosphère et l'imprégnait d'harmonie.

La musique était encore mise à la portée de tous par un procédé qui n’est pas sans analogie avec celui de MM. Cailletet et Pictet, pour la solidification des gaz, et qui consiste à comprimer les vibrations sonores sans les éteindre, comme on presse un ressort sans le briser; et à les concentrer à ce point qu'une opérette peut tenir dans un litre, et une chanson à boire, dans un verre.

L'un des meilleurs plaisirs de la table était de déboucher à dessert, un brindisi, une polka, une valse, dont les notes, pétillantes comme du vin de Champagne, détonnaient à plein goulot. Quelquefois, de jeunes Atmophytes s'amusaient à faire boire les restes mêlés de ces bouteilles harmoniques à des phonographes et à des microphones qui s'en allaient, en état d'ivresse, baver par les rues ce concert discordant. (...)

de Chousy

C'était le dieu de cette apothéose. une sorte d'éléphant armé d'une massue emmanchée dans sa trompe, quelque chose comme une enclume vivante, brandissant elle-même son marteau. C'était un marteau-pilon du poids de 200,000 kilogrammes, qu'avec une force et une adresse prodigieuses, les insurgés avaient tiré de la crypte et qu'ils dressaient en batterie devant la porte.

Dans le même temps, s'étant rendus maîtres de tout le réseau des fils et des tubes, qui se centralise à l'Hôtel de ville, ils avaient emmêlé ces tubes dans ces fils au point de rendre les transmissions inintelligibles et dangereuses ; ils envoyaient par ces conducteurs des décharges électriques, éclairs énormes, imprégnant les parois de l'édifice qu’on ne pouvait plus toucher sans ressentir un choc. L'atmosphère de la salle en était saturée; une poignée de main amenait un échange d'étincelles entre ces corps électrisés, seconde comme des grenouilles sous l'arc voltaïque; moins semblables à des hommes qu'à des trembleurs électriques, à des automates, à des Atmophytes sans autorité sur leurs membres, inhabiles à garder la dignité d'attitude nécessaire en un pareil moment.

Tous les appareils de transmission, ainsi transformés en agents malfaisants et en outils de révolte, vomissaient, suivant leurs aptitudes, des grêles de projectiles ou des torrents d'injures que les microphones prenaient le soin de grossir, que les phonographes enregistraient et répétaient avec un entêtement de machine, mêlant leurs voix criardes aux coups de tonnerre du marteau-pilon. Téléphones devenus cacophones et phonographes cacographes; confusion des langues embrouillées en écheveaux de fils de fer; tubes atmosphériques transformés en pièces de canon dans lesquelles ces barbares, chargeant des citoyens paisibles, les lançaient avec une telle violence que, partis boulets, ils arrivaient mitraille, mitraille de lambeaux humains.

C'est ainsi que nous eûmes l'incomparable douleur de voir revenir les restes défigurés de M. l'ingénieur William Hatchitt qui, avec son obligeance et son dévouement habituels, et se fiant à sa grande habitudes des voyages sous terre, avait poussé une reconnaissance dans un tube, afin de se rendre mieux compte de la révolte et d'essayer, en la prenant en queue, de la tenir en respect.

La dernière heure d'Industria avait sonné. Les portes du temple cédaient sous les coups redoublée du marteau.

de Chousy

lunes, 3 de agosto de 2009

The Hands


_The story of the creation, in all its majesty, was written in six
hundred words. Will the destruction be told as briefly?_


He was a gigantic figure, sitting there atop the mountain. He could have
leaned over and dammed the river below with a finger. He sat on top of
the mountain, and his beard in the wind was a white flag.

Across the plains, as he watched, there were fires glowing, and the
mountain under him trembled from explosions a thousand miles away. He
bent his head, and a muffled cry reverberated down the hillside and
through the valley.

A smaller figure appeared beside him, looking sad.

"Try again, father," the smaller one said.

The old one shook his head. "It would be the same."

"Give them another chance."

"They would do it again."

"Just once more."

The old one shook his head again, and for a while they sat, and they
watched the destruction. The fires burned higher, and the explosions
shook their mountain more roughly.

At last, at the end, the old one reached down and scooped up some clay
from the bank of the river. He held it in a huge, gentle hand, and the
younger one smiled.

"You are good to give them another chance, father."

"Not them," said the old one.

"What do you mean?" the son asked, wonderingly.

"Something else," the majestic figure answered, starting to knead the
clay. "What shall it be?"

R. Sternbach