lunes, 26 de septiembre de 2011

Le cul de Chausson




Amis, on a brûlé le malheureux Chausson,
Ce coquin si fameux, à la tête frisée ;
Sa vertu par sa mort s'est immortalisée :
Jamais on n’expira de plus noble façon.

Il chanta d’un air gai la lugubre chanson
Et vêtit sans pâlir la chemise empesée,
Et du bûcher ardent de la pile embrasée,
Il regarda la mort sans crainte et sans frisson.

En vain son confesseur lui prêchait dans la flamme,
Le crucifix en main, de songer à son âme ;
Couché sous le poteau, quand le feu l'eut vaincu,

L'infâme vers le ciel tourna sa croupe immonde,
Et, pour mourir enfin comme il avait vécu,
Il montra, le vilain, son cul à tout le monde...

Claude Le Petit


Jacques Chausson, dit « des Estangs », fut un écrivain français arrêté le 16 août 1661 pour une tentative de viol sur un jeune noble de dix-sept ans, Octave des Valons...

"Cejourd’huy vendredy, vingt neuvième jour du mois d’aoust, est comparu pardevant nous un quidam vetu de drap couleur canelle, lequel nous a declaré qu’il venoit pour obéir à notre ordonnance en datte du jour d’hier, lequel quidam nous aurions questionné et interrogé en la maniere et façon qui s’ensuit : Interrogé quel nom il avoit, a repondu etre nommé et appelé Octave Jullien Des Valons, Ecuyer, fils de Germain Des Valons, Ecuyer, sieur de Duchesne, et de deffunte Louise Angelique Du Vesnien, sa femme. Interrogé quel age il avoit, a repondu qu’il avoit eu dix sept ans le dix huitieme jour de mars passé. Interrogé quel etoit le sujet de la dispute qu’il avoit eu, le mardy douzieme d’aoust dernier, avec les nommez Jacques Chausson et Jacques Paulmier, dans un second appartement d’une maison située rue Saint Antoine, aupres de la vieille rue du Temple, occupée par ledit Chausson ; a repondu que, connoissant ledit Chausson, et ayant été mené chez luy par un jeune homme appelé Le Sueur, il etoit enfin venu chez luy ledit jour douze aoust, et que ledit Paulmier avoit dit audit Chausson en parlant de luy Des Valons : « Voilà un joly blondin ! » surquoy ledit Chausson avoit repondu : « Je le croys assez joly garçon pour vous offrir ses services » ; que luy Des Valons ayant repliqué qu’il souhaitteroit etre propre à quelque chose, ledit Chausson avoit pris la parole, et dit que le service qu’on lui demandoit ne luy couteroit rien, et que ledit sieur Paulmier etoit de son côté assez obligeant pour luy en rendre de pareils lorsqu’il voudroit ; que luy Des Valons, ayant eu le malheur de temoigner qu’il ne demandoit pas mieux que d’effectuer de sa part l’envie qu’il avoit d’obliger ledit Paulmier, ledit Chausson s’etoit avancé, et l’ayant embrassé luy avoit deffait en meme tems le bouton de sa culotte, et ensuite ledit Paulmier s’etoit mis en devoir de le connoitre charnellement, et de commettre avec luy le crime de sodomie, ce qu’ayant senty, il s’etoit mis à crier, et etoit debattu, ensorte qu’une vieille femme, travaillant à la journée chez le sieur Petit, Marchand de bas, principal de laditte maison, etoit accourue".

Jacques Chausson fut reconnu coupable de sodomie et condamné au bûcher. Il eut d’abord la langue coupée et fut brûlé sans avoir été étranglé au préalable avec son complice Jacques Paulmier, dit « Fabri ».

Ironiquement, Claude le Petit devait, l’année suivante, connaître le même sort que le héros de son poème...

viernes, 23 de septiembre de 2011

Quand vous riez, Hélène





VOUS FAITES VOIR DES OS QUAND VOUS RIEZ HELENE



Vous faites voir des os quand vous riez, Hélène,
Dont les uns sont entiers et ne sont guère blancs ;
Les autres, des fragments noirs comme de l'ébène
Et tous, entiers ou non, cariés et tremblants.

Comme dans la gencive ils ne tiennent qu'à peine
Et que vous éclatez à vous rompre les flancs,
Non seulement la toux, mais votre seule haleine
Peut les mettre à vos pieds, déchaussés et sanglants.

Ne vous mêlez donc plus du métier de rieuse ;
Fréquentez les convois et devenez pleureuse :
D'un si fidèle avis faites votre profit.

Mais vous riez encore et vous branlez la tête !
Riez tout votre soul, riez, vilaine bête :
Pourvu que vous creviez de rire, il me suffit.


Paul Scarron

lunes, 19 de septiembre de 2011

De la dromomanie



En 1838, Esquirol avait abordé la folie dans une perspective comparative, historique, géographique et culturelle. Il parlait de « dromomanie », ou volonté impulsive au voyage, qui appartenait aux monomanies (psychoses délirantes chroniques). Il lui arrivait de prescrire le voyage sur ordonnance.

A l'avènement d'une nosographie psychiatrique au XIXe siècle, la valeur séméiologique de rupture, d'effraction dans le vécu, de passage à l'acte des voyages a été reconnue, tout en soulignant la signification multiple de ces conduites. Le voyage pathologique, replacé dans l'histoire du sujet, permettait de lui donner un sens. En 1875, les travaux de Foville concernaient « les aliénés voyageurs ou migrateurs ». Le patient partait pour fuir ses persécuteurs, ce qui pouvait le conduire à faire des milliers de kilomètres. Il avait décrit une dizaine de cas, mettant en évidence celui des fugueurs, capables de relations sociales, pouvant demander des indications, trouvant une solution raisonnable et réfléchie à des problèmes fous, s'expatriant pour échapper à l'ennemi imaginaire. L'acte était réfléchi et conscient, le voyage linéaire et polarisé, même si la finalité était délirante. A noter que les foyers géographiques étaient le plus souvent les grands ports comme Le Havre ou Bordeaux.

En 1880, Charcot avait tenté d'unifier l'ensemble des voyages pathologiques sur un modèle théorique, à savoir l'automatisme ambulatoire dont est rattachée la fugue épileptique. Les manifestations motrices de l'épilepsie entraînaient des comportements de fugue plus ou moins prolongés. La durée importait peu, qu'elle soit de quelques jours ou de plusieurs mois, il s'agissait du même modèle. Grâce à l'automatisme ambulatoire, Charcot unifie quatre modèles cliniques différents :

l'amnésie traumatique, provoquée par un traumatisme physique ou crânien pouvant être suivi d'une période où le sujet poursuit son activité motrice sans qu'il n'en garde le souvenir;

les épilepsies non convulsives dont le vertige épileptique, très controversé, où surviennent des actes soudains et irrationnels sans aucune conscience des choses;

le somnambulisme (4, 26), bien décrit par Pinel, Janet et Mesnet, qui parlait des "automates somnambuliques », «instruments aveugles obéissant aux impulsions d'une volonté inconsciente », avec l'idée que les somnambules « souffrent de réminiscences» où, au cours des accès, les souvenirs anciens refont surface et éclairent l'étrangeté de leur comportement. Trois types de somnambulisme seront distingués : le somnambulisme naturel (controversé), le somnambulisme provoqué (par hypnose), le somnambulisme spontané pathologique (celui de l'hystérie). Ce que l'on appelait au XIXe siècle "dédoublements », et pas encore dissociation, fut illustré par le somnambulisme avec oubli de l'épisode au réveil ;

les voyages d'aliénés, négligés un peu par Charcot. C'est le fils de Foville, en
se situant près du port du Havre, qui observera plusieurs cas, comme les
persécutés fuyant leurs persécuteurs, ou les hallucinés accomplissant les actes
dictés par leurs voix ...

Charcot avait également décrit la fugue comme équivalent hystérique lors de grandes crises démesurément prolongées, se référant à « l'automatisme ambulatoire hystérique. » Mais il existait des fugueurs, ni épileptiques, ni hystériques, dont le déplacement était conscient et mnésique mais tout de même pathologique (26). Il s'agira d'un troisième type de fugue, la fugue « névropathique. » Concernant initialement l'épilepsie et l'hystérie, la notion de fugue va être par la suite appliquée à la neurasthénie et la psychasthénie, puis étendue à de multiples
maladies mentales, perdant toute signification.

Le modèle de la fugue, élaboré par la neurologie et la psychiatrie, sera ensuite utilisé pour rendre compte du phénomène social du vagabondage au XIXe siècle (4). Charcot va le ranger dans l 'hystéro-neurasthénie. Il sera démontré que la majorité des vagabonds arrêtés sont des malades mentaux. Par la suite, on émettra même l'hypothèse d'un « vagabondage de race », en référence aux peuples nomades. Pour le même comportement, le vagabondage concernerait les pauvres tandis que les riches ne seraient perçus que comme des explorateurs satisfaisant leur curiosité intellectuelle. Cette théorie du vagabondage comme entité pathologique est critiquable. On ne peut méconnaître le contexte socio-économique et de lieu conduisant à la fugue comme les casernes ou les asiles. Mais le choix de considérer l'automatisme ambulatoire comme une forme d'épilepsie amènera à considérer le principe d'irresponsabilité pénale des crimes et délits commis lors d'accès épileptiques.

Régis, en 1893, va s'intéresser aux impulsions conscientes et reprendra le terme de
« dromomanie. » Elève de Pitres, ils rendront compte de la tendance impulsive à voyager, de statut comparable aux autres comportements impulsifs connus comme la dipsomanie, la kleptomanie ou la pyromanie. C'est ainsi qu'on décrira la fugue du neurasthénique, consciente et mnésique, survenant après une longue et douloureuse lutte intérieure. Il attribuera l'automatisme mental de la neurasthénie à une forme de dégénérescence.

A la fin du XIXe siècle, on retrouve trois étiologies, à savoir l'épilepsie, l 'hystérie et la psychasthénie. Puis on repère des entités cliniques très différentes comme la fugue alcoolique, décrite antérieurement par Lasègue, la fugue du dipsomane, celle relative à la maladie de Basedow, la fugue du paranoïaque, du mélancolique, du dément, du psychotique, la fugue confusionnelle, etc. On parlera de «psychose migratrice », de « paranoïa ambulatoire, de « manie ambulatoire» chez le sujet atteint de maniaco-dépression ou folie circulaire, d'« automatisme confusionnel », et par la suite de «fugue hébéphrénique" décrite par
Kraepelin au sujet des démences précoces, que nous appelons aujourd'hui schizophrénies.

(...) Parallèlement aux Etats-Unis, en 1850, La Société médicale de l'Etat de Louisiane nomme une commission pour étudier les caractéristiques de la race noire. Les esclaves qui tentent d'échapper à leurs maîtres sont déclarés par les médecins blancs comme fous et atteints de« drapetomanie », mot tiré d'une racine grecque signifiant s'enfuir. Entre 1890 et 1905 sont décrits sur le continent américain des hommes jugés mentalement dérangés, qui voyagent, parfois sur de très longues distances. Une fois en fugue, ils perdent tout sens de leur ancienne identité et ne gardent aucun souvenir des lieux traversés. Dans certains cas, ces souvenirs peuvent être rappelés sous hypnose. Mais ces sujets ne sont pas considérés comme des fugueurs et l'automatisme mental ne figure pas dans les interprétations. Certains iront même jusqu'à parler d'une tendance innée dans la race humaine au nomadisme, inhibé par la civilisation et la culture. La colonisation et la conquête de l'Ouest
illustrent ce besoin qu'a l'homme de se déplacer pour acquérir des territoires et donc de la puissance..."

A. Ronchi L´adolescent "voyageur"

viernes, 16 de septiembre de 2011

Le pensionnat de Humming-Bird Garden





Le pensionnat de Humming-Bird Garden



Le jardin ratissé, calme, offrait devant la haute maison ses pelouses vertes et ses allées géométriques aux jeux des petites filles. Quand je dis offrait, il eût fallu spécifier que c’était le jour. Or, il était nuit. La haute bâtisse se dressait trouée par trois fenêtres éclairées sur le fond parfaitement bleu de la nuit. À l’horizon, c’étaient des forêts animées par le frémissement du vent, retentissantes du cri des chouettes et des chats-huants, des plaintes des lapins assassinés (on trouve en tas leurs poils et leurs ossements sur le sol, au-dessous des nids de rapaces nocturnes), du travail sourd et souterrain des taupes, c’était l’océan sillonné de requins et de paquebots, croisé, non loin des côtes, par le va-et-vient des torpilleurs portant le pavillon de l’Union Jack, troublé par les vagues, les coups de queue des marsouins et les chocs d’épaves sur les récifs, égayé par des bals de crevettes et d’hippocampes, brillant de l’émigration des sardines et des anguilles, grouillant dans les rochers ténébreux de crabes et de langoustes, c’étaient des marais receleurs de cadavres, cadavres d’enlisés momifiés dans des poses horribles, cadavres d’assassinés jetés là par des bandits après exploration des poches et des bagages, c’étaient des routes blanches et des voies ferrées luisantes, c’était le rayonnement céleste d’une grande ville : Londres sans doute, visible réellement ou imaginable, de cette contrée d’Angleterre appelée comté de Kent.

Il était onze heures de la nuit. Un homme assez jeune se dirigeait à travers la forêt, péniblement en raison des racines et des fougères, vers cette bâtisse de briques rouges entourée de pelouses unies.

Peu à peu, des nuages montèrent de derrière les marais et remplirent le ciel. Nuages lourds de tonnerres futurs et receleurs d’éclairs. Des cris de haleurs venaient du côté de la mer.

À l’une des fenêtres de la bâtisse un bruit clair retentit. Bruit de claques sonores, bruit de fouet. Un cri s’éleva, puis plusieurs qui se confondirent bientôt en un gémissement monotone.

Dans une salle, une femme de trente-cinq ans, fort belle, brune à reflets roux, fouettait une fille de seize ans étendue en travers de ses genoux. Elle avait d’abord frappé avec la main. On distinguait encore l’empreinte rouge des cinq doigts sur la chair délicate. Le pantalon descendu emprisonnait de dentelles les genoux de la victime dont les cheveux dénoués voilaient le visage. La croupe frémissante se contractait spasmodiquement. Les empreintes de doigts disparaissaient peu à peu, remplacées par les zébrures rouges du martinet de cuir de la correctrice. Parfois, quand le cinglement avait meurtri particulièrement l’enfant, un bond la faisait sursauter davantage, les cuisses s’entrouvraient et c’était un spectacle sensuel qui émouvait une autre jeune fille, attendant dans un coin de la pièce son tour d’être châtiée.

Et voici que maintenant que l’éclair va paraître dans ce ciel évoqué, malgré sa noirceur, sur le papier blanc, je comprends pourquoi le tableau se composa de telle façon. La similitude de l’éclair et du coup de martinet sur la croupe blanche d’une pensionnaire de seize ans suscita seule la montée de la tempête dans l’impassible nuit qui recouvrait le pensionnat.

Pensionnat d’Humming-Bird Garden, tu te dressais depuis longtemps sans doute dans mon imagination, maison de briques rouges entourée de calmes pelouses, avec les dortoirs où les vierges sentant passer les fils de la vierge de minuit se retournent voluptueusement, sans s’éveiller, dans leurs lits, avec la chambre de la directrice, femme autoritaire et son arsenal de fouets, de verges et de cravaches, avec les salles de classes où les chiffres blancs sympathisent du fond du tableau noir avec les mystérieux graphiques dessinés dans le ciel par les étoiles, mais tandis que tu restais immobile dans un paysage de leçon de choses, l’orage de toute éternité montait derrière ton toit d’ardoise pour éclater, lueur d’éclair, à l’instant précis où le martinet de la correctrice rayerait d’un sillon rouge les fesses d’une pensionnaire de seize ans et éclairerait douloureusement, tel un éclair, les mystérieuses arcanes de mon érotique imagination. N’ai-je écrit cette histoire que pour évoquer votre ressemblance, éclair, coup de fouet ! et dois-je dresser l’apparence de cette nuit d’orage, sombre femme mais belle, avec ses seins évocateurs des rochers pointus du rivage, ses profonds yeux noirs, les boucles noires de ses cheveux et le teint identique aux prunes d’été, qui, brandissant un fouet cruel d’un bras robuste, en dépit du désordre de sa robe sombre, désordre qui révèle ses admirables seins et sa cuisse musclée, poursuit une marche majestueuse et fait naître le respect.

Dans la chambre éclairée du pensionnat, le châtiment tire à sa fin. La fillette congestionnée murmure à peine. La dispensatrice donne encore deux ou trois coups de fouet, quelques claques puis, soigneusement, elle rabat la fine chemise, remonte le pantalon, redresse la victime et lui désigne un coin où elle va s’agenouiller.

Cependant, l’homme marchait toujours à travers la forêt. Les premières gouttes de pluie n’avaient tout d’abord pas transpercé l’épais feuillage. Ç’avait d’abord été l’odeur de la poussière mouillée, puis celle des feuilles, puis celle de l’herbe. Enfin, l’eau était tombée sur le marcheur. Son chemin était devenu plus rude. Glissant sur la terre glaise, s’enfonçant dans les fondrières et le terreau mou dissimulé par l’herbe, le visage inondé au soufflet des basses branches, il allait vers la lisière. Il l’atteignit enfin.

Légèrement en contrebas, la plaine offrait un panorama orageux. Les éclairs frappaient de leur lueur tantôt le ventre flasque des nuages et le sommet moutonnant des forêts, tantôt la façade d’une maison qu’elle blanchissait et rendait terrible comme une maison hantée. Le tonnerre mêlait son grondement discontinu au bruit constant de la mer. Le vent se calma. À la pluie d’orage succéda une pluie fine qui, par sa monotonie, donnait une impression de perpétuité.

L’homme se dirigea vers la seule maison éclairée : le pensionnat d’Humming-Bird Garden.

La maîtresse avait attiré à elle la seconde enfant, blonde et robuste, avec deux fossettes aux joues, fossettes identiques à celles que lorsque à son tour elle se trouva à plat ventre sur les genoux du bourreau, troussée et dénudée, révéla son cul blanc et cambré.

Un instant, l’acharnée correctrice s’attarda à contempler ce spectacle troublant, chair blanche qu’elle allait ensanglanter et qui se perdait étrangement dans la masse des jupes, du jupon et de la chemise relevés. Elle dégrafa les jarretières et rabattit les bas jusqu’aux genoux : une jambe s’était dégagée du pantalon qui pendait au pied de l’autre.

Puis l’adroite tortionnaire commença à claquer partir des jarrets les cuisses rondes en remontant vers la taille. Elle embrasa au passage les deux superbes méplats, d’abord masses blanches, puis roses rougissantes, puis orange presque sanguines. Sous les coups, elles se contractèrent, réduisant la raie médiane en un très court sillon. Bientôt, la masse musclée fut prise de soubresauts, se contractant et se relâchant sans mesure, laissant entrevoir le fossé brun où une bouche charnue s’apercevait, plissée et ombragée par des poils. Parfois même, et comme pour sa compagne, un grand sursaut cambrait davantage les reins, écartait les cuisses et le sexe était dévoilé. Quand le sang courut rapidement sous la chair, l’exécutrice saisit le martinet qui, là aussi, zébra de sang la peau fine. Puis le fouet succéda, puis la cravache.

L’homme atteignit la maison. Un instant son imagination fut pareille aux bâtisses surnaturellement blanchies à l’approche de l’orage, et le calme spectacle de la pelouse rasséréna ses pensées. Cependant, le son des coups sur la chair attira son attention. Il gagna le pied même du bâtiment et, par un tuyau d’écoulement des eaux de gouttière, se hissa jusqu’à la fenêtre ouverte d’où venait le bruit.

L’exécution était presque terminée. Maintenant, les mains parachevaient l’œuvre. Elles meurtrissaient d’une tape sèche les rares endroits qu’avait épargnés le cuir.

Puis, l’enfant habillée et redressée, la maîtresse se leva et commanda :

— Dolly et vous, Nancy, déshabillez-moi, que je me couche.

Dolly et Nancy se mirent à genoux. Elles délacèrent les souliers de cuir jaune et, glissant leurs petites mains sous les jupes, elles détachèrent les jarretelles et amenèrent les bas. Debout, elles dégrafèrent minutieusement le corsage et la jupe. La femme apparut en pantalon de dentelle et soutien-gorge. Ces deux vêtements tombèrent à leur tour. Nue, les seins durs, la croupe cambrée, la femme dominait les deux fillettes qui, obéissant à un rite convenu, baisèrent la bouche méchante, le ventre rond, le cul robuste, avant de la revêtir d’une chemise fine et courte et de natter ses cheveux ardents.

Alors, l’homme cramponné au balcon leva la fenêtre à guillotine et pénétra dans la pièce. Il sortit de sa poche un revolver noir et le posa sur la cheminée. Ramassant les bas de la femme qui le considérait sans bouger, il emprisonna dans l’un la tête de Dolly et dans l’autre celle de Nancy, enfin se retournant :

— Conduis-moi.

Elle précéda dans un couloir sombre, poussa une porte grinçante, pénétra dans un dortoir.

Dans trente lits blancs dormaient ou, plutôt, feignaient de dormir, trente jeunes filles. Sous la clarté tremblante des veilleuses, leur chevelure, le plus souvent blonde et parfois rousse, semblait frémir. La maîtresse réveilla le dortoir. Sous trente couvertures blanches, trente corps palpitants s’agitèrent. Les yeux grands ouverts, les enfants contemplaient leur redoutable tyran et le Corsaire Sanglot, puisque c’était lui, personnage nouveau, terrible et délicieux comme leurs rêves.

Elles se levèrent et leur théorie descendit l’escalier de sapin verni. La pluie avait cessé. Le jardin sentait comme tous les romanciers l’ont dit. Imaginez maintenant sur la pelouse verte trente jeunes filles à la chemise retroussée au-dessus de la croupe, à genoux. Et que fit le héros d’une si troublante aventure ? Les échos retentirent longtemps des corrections infligées à ces corps en émoi. Le petit jour levait son doigt au dessus de la forêt quand le Corsaire cessa de meurtrir ces cuisses tendres et ces hanches musclées.

Après quoi, il y eut une étreinte entre lui et la terrible maîtresse qui avait assisté, sans mot dire, aux actions de son amant.

Encore une fois, Louise Lame et le Corsaire Sanglot se sont rencontrés. À l’Angelus (sonne-t-on l’Angelus en Angleterre), ils se séparent. Lui, regagne son chemin de la forêt épaisse. Elle, fait rentrer au dortoir les élèves amoureuses et humiliées. Elle délivre Nancy et Dolly endormies avec un bas sur leur tête.

Jusqu’à midi les trente-deux filles dormiront, étonnées au réveil de cette liberté accordée. Regardant le grand soleil de midi frapper leur lit étroit, elles se souviendront des événements de la nuit. L’amour et la jalousie ensemble tortureront leurs âmes. Il leur faudra se lever et reprendre le travail écolier. Quand il leur faudra subir le fouet de la maîtresse, elles seront prises d’un étrange émoi. Souvenir du séducteur cruel et charmant, haine de celle qui le posséda. Et tout se passe comme j’ai dit. Bientôt même et pour mieux évoquer ce matin tendre où elles rencontrèrent l’amour, elles entreprennent de se meurtrir elles-mêmes. Les récréations se passent maintenant derrière les buissons de prunelliers. Et, deux à deux, elles se fouettent mutuellement, bienheureuses quand le sang entoure leurs cuisses d’un mince et chaud reptile. Corsaire Sanglot poursuit sa marche solitaire, tandis qu’en souvenir de lui, dans une calme plaine environnée de bois du comté de Kent, trente jeunes filles se flagellent de jour et de nuit et comptent au matin, en faisant leur toilette, avec une indicible fierté, les cicatrices dont elles sont marquées.

Le soir, la maîtresse, comme à l’ordinaire, choisit deux victimes et les emmène dans sa chambre. Et elle frappe ces cuisses qui ont souffert par lui, avec rage. Elle aurait aussi voulu souffrir comme elles et la haine amoureuse la dresse. Car elle n’a pas suffi au contentement du Corsaire.

Il lui a fallu d’abord la possession barbare de ses élèves, et rien ne pourra désormais consoler ces âmes en peine.

En dépit des années passant sur la pelouse unie et les allées et les arbres de la forêt proche.

En dépit des années passant sur ces fronts soucieux, sur ces yeux amoureux des ténèbres, sur ces corps énervés.

Et, quelque nuit, l’orage roulant sur la plaine et le marécage éclairera de nouveau la façade sévère et le marais aux feux follets.


Mais plus jamais le Corsaire Sanglot ne reparaîtra dans le pensionnat où des cœurs sans défaillance l’attendirent, cœurs aujourd’hui séniles dans d’immondes anatomies de vieilles femmes.


Robert Desnos, La liberté ou l´amour

viernes, 9 de septiembre de 2011

Tapez Messieurs!


TAPEZ, MESSIEURS!

CHANSONNETTE

Paroles de P.-L. FLERS. Musique de S. BOIJSSAGOL-RAITER.

I

Les hommes qui sont amoureux,

Prétendent, qu'ils sont malheureux,

Que la femme est un être affreux,

Quell' plaisant'rie ;

Je leur dirai, sans les fâcher,

Qu'ils ne savent pas l'attacher

II faut quelquefois la moucher,

Pour qu'ell' sourie !

C'est une crème assurément,

Mais pour qu'elle prenn' solid'ment

II faut la fouetter simplement ;

La pauv'chérie.

REFRAIN


II

Tapez, tapez,

Messieurs, faut taper sur ces dames

Voulez-vous être aimés des femmes

Tapez, tapez,

Qu'elle soit volcan ou statue

La femme adore être battue.

Ça vous renverse et vous abat,

Pourtant n'en soyez pas baba,

Car la femme, lorsqu'on la bat,

Est très heureuse.

C'est un être adorant les coups.

Quand elle en a reçu beaucoup,

En vous passant les bras au cou,

Très langoureuse,

Elle vous aime et vous dit tu,

Et, que ce soit vice ou vertu,

Vous revient comme un chien battu,

Très amoureuse.

Au refrain.


III

II faut doser selon le cas,

Flanquer la pile sans fracas

Avec, un jonc, un en-tout-cas,

Même une chaise ;

Mais frapper délicatement,

Le coup doit paraître charmant,

Presqu'une caresse vraiment,

Non un malaise.

Il faut battre sans éreinter.

C'est une affaire de doigté,

C'est comme pour ne pas rater

La mayonnaise.

Au refrain.


VI

Pour les Durand, ou les Dubois,

Dont les épous's sont comm' du bois,

Et qu'cett’ froideur met aux abois,

C'est une aubaine

Quand leurs femm's les appell'ront daim.

Sans discuter, d'un air badin,

Ils n'auront qu'à prendr' leur gourdin

Et sans mitaine

Puis après cett' conversation,

Quand vient la réconciliation,

Ils auront d'la satisfaction,

J'en suis certaine.

Au refrain.


c. 1900