lunes, 30 de abril de 2012

Le Livre des esperitz



Cy commence le Livre des esperitz, lequel fut manifesté au saige Salomon a les contraindre en terre et faire obeïr a la volenté humaine, car avant que la science fut trouvee, monstree ne manifestee et revelee audit Salomon, les esperitz faisoi[e]nt trop de maulx et de pestilences sur terre et destrusoi[e]nt plusieurs biens de ce monde, et a humain lignaige faisoi[e]nt plusieurs persecusions ; et pour ce que la misericorde de Dieu dona audit Salomon le benefice de ceste saincte science a contraindre lesdits esperitz et faire obeÿr a humaine creature, adfin que leur malice ne regnast plus sur la terre crestienne.

28Au commancement du Livre, seront mis les noms des esperitz qui sont gouverneurs et maistres de touz les aultres esperitz ; de la region et office de Lucifer ; de l'office de Bezlebut ; de Satan ; des quatre esperitz qui sont gouverneurs des quatre regions et parties du monde, c'est assavoir de l'esperit qui est appellé Orient, de Poymon, d'Equi ; de Veal, le grant roy ; de Agarat, duc ; de Barbas, prince ; de Bulfas, prince ; de Amon, marquis ; de Batal, conte ; de Gemen, roy ; de Gazon, duc ; de Artis, prince ; de Machin, duc ; de Dicision, roy ; de Abugor, duc ; de Vipos, conte ; de Cerbere, marquis ; de Carmola, prince ; de Estor, duc ; de Coap, prince ; de Deas, duc ; de Asmoday, roy ; de Bitur, marquis ; de Beal, duc ; de Forcas, prince ; de Furfur, conte ; de Margotias, marquis ; de Oze, prince ; de Lucay, marquis ; de Pucel, duc ; de Jayn, conte ; de Suralet, duc ; de Zagon, roy ; de Dragon, prince ; de Parcas, prince ; de Gorsin, duc ; de Andralfas, marquis ; de Flanos, duc ; de Brial, roy ; de Fenix, marquis ; de Distolas. /fo 179vo/

29[1] Lucifer fut moult bel et de telle stature, quoy sont les aultres bons angelz, et ne demoura mye aux cieulx par l'espace de une heure, car il se enorguillit en regardant et contemplant sa belle grant beaulté en laquelle il fut fourmé ; et touz ceulz qui furent panssantz mal avecque luy furent gectés en Enfer en confusion. Et faict ledit Lucifer, sellon que dient les docteurs de nigromance, et ledit Lucifer preside en Enfer et touz lesdits esperitz d'Enfer oboÿssans a luy comme souverain d'Enfer.


30[2] Gay, grant et maulvais esperit, est appellé Bezlebuth, et fut appellé devant le temps de Salomon Anthaon, et est le plus grant d'Enfer aprés Lucifer, et doibt on savoir qu'il regne aux parties d'orient, et celuy qui l'appelle doibt tenir son visaige vers orient et il aparoistra a luy en belle figure et semblance. Il enseigne toutes sciences et donne or et argent a ceulx qui le contraignent a venir, et donne vroye responce de ce que on luy demande, et revele les secretz d'Enfer si on luy demande, et enseigne veritablement les choses mucees53 en terre et en mer, et si magnifeste touz tresors qui sont en terre reposantz, et garde des aultres espritz, et doibt estre appellé par beau temps.

31[3] Le tiers esperit est appellé Satan, lequel fut fourmé aprés Lucifer, et converse en l'air pres de nous. Iceluy Sathan appiert en gracieuse semblance et habite en septentrion. Celuy qui l'appelle doibt avoir son visaige vers septentrion. Icelluy apiert et a puissance de defformer touz homes et femmes se on luy commande, et se apparoille a faire touz maulx si luy est commandé.

32Des quatre esperitz principaulx seront dits les offices en ceste partie, dont le premier ensuit :

33 Sequitur de primo
Le premier est appellé Orient et habite en orient. Il tient le nom de la partie du monde.

34 Pro secundo :
Le second est appellé Poymon et habite en occident.

35 Pro tertio :
Le tiers est appellé Amoymon et habite es parties meridionales.

36 Pro quarto :
Le quart est appellé Equi et habite es parties de septentrion.

37[4] Officium primi : /fo 180/
L'office du premier qui est appellé Orient, est de respondre verité de ce que on luy demande, et si a puissance de consorter touz esperitz et les enseigner a faire, et si apprant au maistre qui le contrainct toute phisicque ; et a dessoubz luy cent legions d'angelz ou de maulvais esperitz.

38[5] Poymon
Poymon appiert en semblance de femme coronnee, moult resplendissante, et chevaulche ung dramagdonere [sic]. Celuy qui le contrainct doibt avoir son visaige vers occident, et il dict verité de ce que on luy demande et apprant toutes sciences au maistre, et manifeste toutes choses mucees, et donne dignités et grandes seigneuries, et faict venir a mercy touz les malveillantz du maistre plainement ; et est seigne[u]r de xxv legions.

39[6] Aymoymon
Aymoymon est roy et appiert en semblance de demye home et a longue barbe, et porte a son chieff une coronne tres clere, et ayme que on luy face sacriffice, et donne vroye responce de ce que on luy demande ou concede, et donne souvenance de toutes sciences et donne grandes dignités en terre et les conferme, et donne bone maniere de bon sens ; et a x legions.

40[7] Beal
Beal est ung grant roy qui est dessoubz et est subgect a Orient, qui est grant et faict home invisible merveilleusement, et donne sa grace a toutes choses ; et soubz luy a seix legions.

41[8] Agarat
Agarat est duc et appiert benignement, en semblance de home vieulx, et enseigne touz langaiges et donne seigneuries et grandes dignités en terre ; et soubz luy a xxxvi legions.

42[9] Barthas
Barthas est ung grant prince qui appert en belle figure. Son office est donner responce de ce que on luy demande, et enseigne les choses mucees, et enseigne auxi et faict aux gens ce que on luy demande, et faict home en quelque figure que le maistre vieult, et enseigne parfaictement astronomye ; et a dessoubz luuy xxxvi legions.

43[10] Bulfas /fo 180vo/
Bulfas est ung grant prince. Son office est de faire discordez et batailles, et quant il est bien contrainct, il rend bone responce de ce que on luy demande ; et a dessoubz luy xxxvi legions.

44[11] Amon
Amon est un grant marquis qui appiert en semblance d'une pucelle. Son office est de dire verité des choses passees et advenir en terre, et toute personne de qui on vieult avoir l'amour, il le faict avoir ; et a soubz luy xl legions.

45[12] Barbas
Barbas est ung prince qui monstre a entendre le son des oyseaulx et la voix des chiens, et manifeste toutes choses mucees en terre, et les apporte si on luy commande ; et a xxxvi legions.

46[13] Gemer
Gemer est un grant roy. Son office est de enseigner la vertu des herbes et toutes sciences, et guerir ceulx qui sont malades quant on luy commende, et aussi faict les gens malades ; et dessoubz luy a xl legions.

47[14] Gazon
Gazon est ung gant duc qui donne vroye responce des choses passes et advenir et des choses presentes, et donne grace et amour envers toutes personnes sur terre, et faict monter en grantz honneurs et dignités ; et a xl legions.

48[15] Artis
Artis est un grant duc et [a] deux coronnes et une espee en la main. Son office est de respondre de toutes choses que on luy vieult demander et enseigner les choses mucees, et donne bone amour et grace envers toutes persones ; et a xxxvi legions.

49[16] Machin
Machin est ung grant duc qui est en similitude et semblance d'un home fort, et enseigne la vertu des herbes et des pierres precieuses, et porte le maistre de region en region partout ou le maistre vieult ; et a xxxvii legions.

50[17] Diusion
Diusion est ung grant roy qui appiert en semblance d'un bel home, et donne vroye responce /fo 181/ de ce que on luy demande, et si va querir les tresors mucés en terre quant on luy commande ; et a xxiiii legions.

51[18] Abugor
Abugor est ung grant duc qui appert en semblance d'un beau chevalier, et donne vroye responce de ce que on luy demande et des choses mucees en terre, et donne bone grace envers roys et aultres seigneurs ; et a xxvii legions.

52[19] Vipos
Vipos est un grant conte qui appert en semblance d'un ange, et faict home saige et hardy, et dit verité de ce que on luy demande ; et a xxv legions.

53[20] Cerbere
Cerbere est un grant marquis qui donne parfaict entendement en toutes sciences, et faict home moult grant en honeurs et richesses ; et a xix legions.

54[21] Carmola
Carmola est un grant prince qui donne entendement des oyseaulx et a attraper les larrons et meurdriers quant on luy commande. Il faict gens invisibles et dict verité de ce que on luy demande ; et a xxvi legions.

55[22] Salmatis
Salmatis est ung grant marquis qui appert en semblance d'un chevalier armé, et faict home en quelque semblance qu'il vieult, et si ediffie forteresses, ediffices, chasteaulx et villes quant on luy commande ; et faict apparoir grandes playes en quelque personne ; et a l legions.


56[23] Coap
Coap est ung grant prince qui faict avoir femmes et les faict venir la ou l'on vieult et les faict horchaingnes54 si on luy commande ; et [a] xxvii legions.

57[24] Drap
Drap est ung grant duc qui parle bassement et bletzce [sic] la veue et l'ouye quant on luy commande ; et a iiiixx legions.

58[25] Asmoday
Asmoday est un grant roy qui donne ung annel qui [a] si grant vertu qu'il faict celuy qui le porte eureux en toutes choses du monde, et donne vroye responce de ce que on luy demande ; et a soubz luy xii legions.

59[26] Caap /fo 181vo/
Caap est un grant prince qui appiert en forme d'un chevalier et donne vroye responce de ce que on luy demande, et apporte or et argent de quelque lieu que on luy commande ; et a soubz luy xx legions.

60[27] Bune
Bune est ung grant duc qui faict les corps aler et venir d'un lieu en aultre chemyner, et faict home riche et parler saigement devant toutes gens, et donne vroye responce de ce que on luy demande ; et a xxxv legions.

61[28] Bitur
Bitur est ung grant marquis qui apert en forme d'ung beau jouvencel et donne l'amor des femmes de quelque lieu que elles soi[e]nt, et destruict villes et chasteaulx si le maistre luy commande, et faict depposer de ses grantz honeurs et dignités de ce monde si le maistre luy commande ; et a xxxvi legions.

62[29] Lucubar
Lucubar est ung grant duc qui faict home subtil et plain de grant engyn, et faict muer le plomb en or et l'estaign [sic] en argent, en quelque maniere que on vieult.

63[30] Bugan
Bugan est ung grant roy qui faict home saige et faire touz manieres de metaulx muer en quelconque maniere que on vieult, l'eau muer en vin ou en huille ; et a xxxiiii legions.

64[31] Parcas
Parcas est ung grant prince qui faict home subtil. Il apert en belle figure. Il congnoist la vertu des herbes et des pierres precieuses et les apporte quant on luy commande, et faict home invisible et saige en toutes sciences, et faict home devenir jeune ou vieulx, lequel que on vieult, et faict recouvrir la veue quant on l'a perdue. Et si apporte l'or et l'argent qui est mucé en terre et toutes aultres choses, et porte le maistre par tout le monde si on luy commande, et toutes aultres personnes si le maistre luy commande ; et a soubz luy xxx legions.

65[32] Flavos
Flavos est un grant duc qui donne vroye responce de ce que on luy demande, et destruict touz les adversaires du maistre qui le contrainct ; et a xx legions.

66[33] Vaal
Vaal est un grant roy qui donne toutes responces que on luy demande en ce munde, et donne seigneuries, dignités, bone grace envers toutes gens, et si disperze ignelement ce que on luy commande ; et a xxxix legions.

67[34] Fenix /fo 182/
Fenix est un grant marquis qui appert en belle figure, et a la voix moult doulce, et si est courtoys et tres oboïssant a toutes les choses que on luy vieult demander ou commander, et si les faict ignelement et sans dilacion ; et a xxv legions.

68[35] Distolas
Distolas est ung grant marquis qui appert en belle figure et donne voluntiers responce de ce que on luy demande et commande, et si apporte pierres si on luy commande, et donne au maistre ung cheval qui le porte en une heure cent ou deux ou trois centz lieues ou plus ; et a xx legions.

69[36] Berteth
Berteth est ung grant duc qui appiert en belle figure et a une couronne. Il donne vroye responce de ce que on luy demande, et si enseigne a convertir touz manieres de metaux en or ou en argent, et donne seigneuries et conferme si on luy demande ; et a xxvi legions.

70[37] Dam
Dam est ung grant conte qui appert en belle figure, qui apporte or et argent et toutes aultres choses si on luy commande, et faict mourir ou languir toutes personnes que on luy commande. Et si dict touz les secretz des femmes, et si les faict despouiller et dancer toutes nues ; et a xxv legions.

71[38] Furfur
Furfur est ung grant conte qui appert en guyse d'ung ange et faict avoir l'amor de toutes gens, et faict home saige en astronomie et philosophie.

72[39] Forcas
Forcas est ung grant prince qui enseigne la vertu des herbes et des pierres precieuses, et faict estre invisible et estre saige et bien parlant a toutes gens, et si apporte tresors mucés en terre quant on luy commande ; et a xxx legions.

73[40] Malpharas
Malpharas est ung grant seigneur qui ediffie tours et chasteaulx, pontz sur eaues quant on luy commande, et abbatt [sic] et confont soi[e]nt /fo 182vo/ gens, chasteaulx ou aultres forteresses, et porte d'un lieu en aultre si on luy commande, et oboïst et est courtaix [sic] au maistre qui le contrainct a faire lesdictes choses ; et a xxx legions.

74[41] Gorsay
Gorsay est ung grant duc qui faict ung home bon oupvrier en ses besoignes et en ses ditz. Il prant larrons et meurdriers et les amaine la ou on luy commende, et faict souffrir paine et tourmant a quelque que l'on vieult ; et a xv legions.

75[42] Samon
Samon est ung grant roy qui appert en semblance d'une belle pucelle. Il donne responce de ce que on luy demande. Il ensaigne les biens et les tresors qui sont mucés et faict avoir l'amour de toutes roynes et femmes parfaictement, soi[e]nt pucelles ou non ; et a xxv legions.

76[43] Tudiras Hoho
Tudiras Hoho est un grant marquis qui appert en semblance d'une belle pucelle et faict home saige en toutes sciences, et si le mue en maniere d'oysel ; et a xxxi legion[s].


77[44] Oze
Oze est ung grant marcquis qui donne bone responce de ce que on luy demande, et si faict home muer de figure en aultre, et si faict une chose aparoir aultrement qu'il n'est, et si faict une poigne d'estrain55 estre ung grant cheval et ung festu estre scainture d'or ou d'argent, et faict les gens forcenés quant on luy commande ; et [a] xxv legions.

78[45] Ducay
Ducay est un grant marquis qui apert moult benigenment et donne l'amour des femmes et faict entendre touz langaiges, et porte de lieu en aultre lieu ; et a xxv legions.

79[46] Bucal
Bucal est un grant duc qui apert en guyse d'ange et done vroye reponse de ce que on luy demande, et faict aparoir grandes eaues et abysmes en l'air, combien qu'ilz n'y soi[e]nt point ; et a xxviii legions.

80Finis. Laudat opus.
Adsit in principio sancta Maria meo

Le Livre des esperitz
Cambridge, Trinity College, ms. O.8.29, fos 179-182vo (milieu du xvie s.)

jueves, 26 de abril de 2012

Buddha and the Pirates

BUDDHA AND THE PIRATES
A. Podin, Jr.

1
Enshrined in a doorway,
your eyes blue as Ming
chips, you sit cross-legged,
fleshy, round and ringed,
a bulging Buddha
with miraculous paps.
Enameled angels wait
on you, bringing you huge
babies to be nursed, six
at a time, all orphans.
There are so many you can
never satisfy them all.
So, in a slow, deliberate
gesture of beneficence,
you recline on your side,
smile, and grow as many
breasts as your torso can
support, suffer babies
to be brought to you
until you start to tremble,
grace flowing out of you.


2
Our lawn is a green sea
We sail alone, second storey
explorers. Defenseless
in our pullman sloop,
we search for the coves
and inlets, the peninsulas
of our marriage’s continent.
We never heard them come.
We never even saw the skull
and crossbones of their black
flag glowing above their sails.
They swing on the masts
of trees, arms flashing
like sabers, and, soaring
on the red wings of sleeves,
their captain lands in our room.

Swashbuckler, he smiles
a flashing smile, assured
as Douglas Fairbanks. He says:
“You need me.” Your hand
on your hip, you laugh at him
defiantly. Your eyes burn
green; your hair’s flaming red.
You’re as beautiful and brave
as Maureen O’Hara.
He stokes
your hair. His fingers are
at home in that fire. I call
him scoundrel, but he hauls
you to himself like precious
spoil. His mates are laughing,
multicolored in the trees. Grey,
I’m not strong enough to fight
him off and watch the two of you
sail off toward the open sea.

3
Morning sails into our bedroom,
the splintered
ghost of a Venetian ship.
You aren’t here. 1 find
you in the sunlight
of the alcove. Once more,
across the ocean of my
deepest nightmare, you’ve
come back. My Buddha, you
are always here. And
our baby’s at your breast.

A. Podin, Jr., In Advent, E. P. Dutton & Co., Inc., 1972.

viernes, 13 de abril de 2012

Eden, Eden


« Or, l'Eternel Dieu avait planté un jardin en Eden, du côté de l'Orient, et il y avait mis l'homme qu'il avait formé... Et un fleuve sortait d'Eden, pour arroser le jardin, et il se divisait en quatre fleuves. Le nom du premier est Phison; c'est celui qui coule autour de tout le pays d'Evilath, où l'on trouve de l'or; et l'or de ce pays est bon; c'est là aussi que se trouve le bdellium et la pierre d'onyx. Le nom du second fleuve est Géhon; c'est celui qui coule autour de tout le pays de Chus. Le nom du troisième fleuve est Tigre; c'est celui qui coule au pays des Assyriens. Et le quatrième fleuve est l'Euphrate. » (Genèse 2:8, 10-14)

En entrant dans ces détails, l'auteur de la Genèse a voulu donner une idée approximative de l'emplacement du merveilleux Eden. Mais il aurait beaucoup mieux fait de ne rien dire; car il est impossible de se faire prendre plus sottement en flagrant délit de gasconnade.

En effet, tous les commentateurs s'accordent à reconnaître que le Phison est le Phase, nommé plus tard l'Araxe, fleuve de la Mingrélie, qui a sa source dans une des branches les plus inaccessibles du Caucase, et, s'il y a dans cette région de l'or et de l'onyx, par contre personne n'a jamais pu découvrir ce qu'il fallait entendre par bdellium. D'autre part, il ne saurait y avoir aucune erreur au sujet des troisième et quatrième fleuves, le Tigre et l'Euphrate; d'où il résulte clairement que, d'après la Genèse, l'emplacement du paradis terrestre aurait été situé en Asie, dans la région du massif de l'Ararat, en Arménie, quoique (première bévue de l'auteur sacré) Araxe, Tigre et Euphrate, tout en ayant leurs sources relativement voisines, les ont parfaitement distinctes. L'Araxe, loin d'être dérivé d'un autre fleuve, sort du volcan Bingol-Dagh, d'où il coule vers la mer Caspienne. Quant au Tigre et à l'Euphrate, non seulement ils ne proviennent pas d'un même fleuve, mais au contraire ils se rejoignent à Korna, pour former le C hat-el-Arab et se jeter dans le golfe Persique.

Au su jet du deuxième fleuve, appelé Géhon par la Genèse, la bévue de l'auteur sacré est fantastique. « C'est, dit-il, le fleuve du pays de Chus. » Or, d'après la version des Septante et même la Vulgate, la terre de Chus (fils de Cham et père de Nemrod) n'est autre que l'Ethiopie; par conséquent, ce Géhon, c'est le Nil, qui coule, non pas en Asie, mais en Afrique, et précisément dans le sens opposé à l'Araxe, au Tigre et à l'Euphrate, la direction générale du cours du grand fleuve africain étant du sud au nord. Si l'on place la source du Nil au Victoria-Nyanza, ainsi qu'on l'admet pour ne pas remonter plus haut, il y a donc au minimum dix-huits cents lieues de distance entre les sources des premier et deuxième fleuves mentionnés par la Genèse comme arrosant le même jardin d'Eden! Il est vrai que les deux autres n'ont leurs sources qu'à soixante lieues l'une de l'autre; ce qui est déjà gentil pour un jardin. En outre, est-ce un jardin que cet immense territoire hérissé de pics des plus escarpés, formé d'une des régions les p lus impraticables du globe?...

Enfin, troisième bévue, et l'on pourrait appeler celle-ci: la bévue du bout de l'oreille.

Les prêtres, on le sait, prétendent que l'œuvre de Moïse est le Pentateuque, c'est-à-dire les cinq premiers livres de la Bible: la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Mais les savants ont eu l'impiété de faire des recherches, et leur opinion générale est que ces livres ont été fabriqués par Esdras, au retour de la captivité de Babylone, dans le courant du cinquième siècle avant Jésus-Christ, tandis que Moïse, en supposant qu'il ait existé et en admettant un instant comme authentiques les dates qui le concernent, vivait mille ans auparavant: naissance au pays de Gessen, en Egypte, en 1571 avant notre ère, et m ort en Arabie, sur le mont Nébo, en 1451.

Bossuet s'est indigné des travaux de Hobbes, de Sp inoza et de Richard Simon contre l'authenticité des œuvre » de Moïse; dire que le véritable auteur du Pentateuque est Esdras, c'est blasphémer, selon le fougueux évêque: « Que peut-on objecter, s'écrie-t-il (Discours sur l'Histoire universelle), à une tradition de trois mille ans, soutenue par ses propres forces et par la suite des choses? Rien de suivi, rien de positif, rien d'important! »

N'en déplaise à Bossuet, le verset 14 du chapitre 2 de la Genèse, entre autres exemples, donne une preuve éclatante de la supercherie littéraire et religieuse, et démontre, net comme deux et deux font quatre, que la dite Genèse ne peut pas avoir été écrite par Moïse. C'est dans ce Verset qu'il est dit: « Le nom du troisième fleuve est Tigre; c'est celui qui coule au pays des Assyriens. » Ça y est en toutes lettres. Quelques traducteurs ont remplacé les quatre derniers mots par: « vers l'Orient d'Assyrie »; mais cela ne change rien. La question est celle-ci: Moïse, mort en 1451 avant Jésus-Christ, ne pouvait pas employer les expressions Assyrie, Assyriens, par la bonne raison que l'empire assyrien, qui s'étendait à la fois sur Ninive et Babylone et qui dura jusqu'au huitième siècle avant notre ère, commença à exister vers 1300, tout au plus. Les témoignages d'Hérodote et du chaldéen Bérose sont d'accord sur ce point et ont été confirmés par les monuments.

Les importantes découvertes accomplies depuis le commencement de notre siècle dans l'histoire des peuples de l'ancien Orient, avec l'aide des inscriptions en caractères hiéroglyphiques et cunéiformes, ne permettent plus aujourd'hui, même dans les livres les plus élémentaires, de rééditer les âneries bibliques au sujet de cette première partie des annales du genre humain. Les résultats obtenus par les Champollion, les de Rougé, les de Saulcy, les Mariette, les Oppert, les Rawlinson, les Lepsius, les Brugsch, etc., éclairent l'histoire ancienne d'une lumière autrement certaine que les traditions colligées par le fumiste Esdras.

Il est établi que le fondateur de l'empire assyrien fut un prince nommé sur les monuments Ni nippaloukin, lequel vivait cent cinquante ans après Moïse. D'autre part, la région qui fut appelée Assyrie était désignée, du temps de Moïse, sous le nom d'empire des Rotennou, ainsi que cela résulte des monuments égyptiens, mentionnés par Oppert et autres savants; nous voyons, en effet, dans diverses inscriptions égyptiennes, que les rois de la dix-huitième dynastie d'Egypte, contemporains de Moïse, portèrent leurs armes en Babylonie et se firent payer des tributs par les Rotennou, qui dominaient dans la Mésopotamie, au pays même du Tigre et de l'Euphrate. Si Moïse était le véritable auteur de la Genèse, il aurait donc écrit: « le Tigre, fleuve qui coule au pays des Rotennou. »

Il est vrai que les tonsurés pourront toujours nous répondre: — Le véritable auteur de la Genèse n'est pas plus Esdras que Moïse; c'est l'Esprit-Saint! Par conséquent, la Bible mentionnerait-elle même Saint-Pétersbourg et New-York, cela ne devrait pas nous paraître illogique et ne saurait aucunement nous surprendre.

Inclinons-nous donc, et reprenons la suite du sacré récit, avec un joyeux rire; car cette édifiante Genèse ne manque vraiment pas de gaîté.

Si le lecteur le veut bien, nous allons nous reporter par la pensée à ce merveilleux jardin d'Eden, où quatre grands fleuves provenant d'une seule fontaine roulent leurs eaux. Il nous semble voir Adam, se promenant dans sa propriété et se livrant aux douceurs du far-niente.

Voici quel pourrait être son monologue:

« — Je suis l'homme, et j'ai pour nom Adam; ce qui veut dire, paraît-il, « terre rouge », attendu que j'ai été fabriqué avec de l'argile, comme une vulgaire poterie... Quel est mon âge?... Je suis né il y a cinq jours; mais, selon un vieux proverbe, on a l'âge que l'on paraît. Et voilà pourquoi je puis dire qu'en réalité je suis né à l'âge de vingt-huit ans, avec toutes mes dents... Non; pas avec toutes mes dents... Il me manque encore les dents de sagesse...

Très bien constitué, hein?... Dame! comment pourrais-je ne pas être un bel individu, puisque, sauf l'âge et la barbe, je suis la fidèle copie du seigneur Jéhovah, l' être le plus épatamment chic qui existe dans l'univers?... Voyez-moi cette santé, ces bras robustes, ces jarrets d'acier, des nerfs à en revendre, et, avec ça, le teint frais... Pas le moindre rhumatisme... Je dis zut aux maladies... Je n'ai même pas à craindre la petite vérol e; papa Bon Dieu m'a fabriqué tout vacciné... Aussi, ce que je me gobe!... et je n'ai pas tort...

Je me la coule douce, en ce séjour charmant... pas de concierge... aucun domestique, même... Voilà une vie heureuse!... Je vais, je viens, je cuei lle des fruits, tous succulents, et je m'en empiffre à ma fichue fantaisie, bravant sans danger la diarrhée... Je n'éprouve aucune fatigue, si longues que soient mes promenades, quand je me couche sur l'herbe, c'est pour mon agrément...

L'autre jour, l'aimable seigneur Jéhovah m'a offert une distraction, dont je garderai toute ma vie le joyeux souvenir… Tous les animaux de la création ont passé devant moi: « Le nom que tu donneras à chaque animal vivant sera son nom », m'a dit le vieux Père Eternel... Comme attention, c'était gentil, ça!...

C'est inouï, ce qu'il en a défilé, des animaux!... Je n'aurais jamais cru qu'il y eût tant d'êtres vivants... Je n'ai pas été embarrassé pour leur faire ma distribution de noms; car la langue que je parle sans difficulté, et sans être jamais allé à l'école, est une langue d'une richesse extraordinaire, d'une abondance de termes dont il est impossible de se faire une idée... Ainsi, sans avoir besoin de chercher, je connaissais instantanément tout ce qui est propre à chaque animal, rien qu'en le regardant, et par un seul mot j'exprimais toutes les propriétés de chaque espèce, de sorte que chaque nom donné par moi est en même temps une définition complète et parfaite... Prenons, par exemple, l'animal qu'on appellera plus tard equus en latin, cheval en français, horse en anglais, etc. Eh bien, je lui ai colloqué un nom qui exprime ce quadrupède avec ses crins, sa queue, son encolure, sa vitesse, sa force... Et l'oiseau que, dans les siècles futurs, on appellera bulbo en latin, hibou en français, owl en anglais, etc., tous ces noms à venir ne vaudront pas celui que j'ai imaginé et qui caractérise le nocturne rapace, avec ses deux aigrettes mobiles sur le front, son bec court et crochu, sa grosse tête aux grands yeux ronds entourés d'un cercle complet de plumes roides, ses pattes toutes garnies de plumes jusqu'aux ongles, ainsi que ses mœurs farouches et sauvages, son cri monotone et lugubre, son horreur de la lumière... Et ainsi de suite, pour tous les animaux vivants... Ah! elle est sans pareille, la langue que je parle, et comme il est triste de penser qu'un jour elle sera entièrement et à jamais perdue!... Cette pensée est mon seul chagrin... Repoussons-la bien vite, et n'ayons nul souci.

Oh! cette revue générale de tous les animaux vivants, voilà ce qui a été superbe... Encore, superbe ne dit pas tout; car nous avons eu une partie drôlatique dans le programme d e la f ête: ç'a été l'arrivée des poissons... Pensez donc! ce jardin est en plein continent, pas de rivages marins, rien que des fleuves, c'est-à-dire de l'eau douce... Alors, vous voyez la grimace que faisaient les poissons de mer, en remontant le Tigr et l'Euphrate pour venir auprès de moi; ils n'étaient plus dans leur eau salée habituelle, et ça les embêtait !... Vrai, c'était à se tordre... Et les gros cétacés, c'est ceux-là qui étaient gênés!... Heureusement, pour ce jour-là et à titre exceptionnel, papa Bon Dieu a élargi les fleuves de mon jardin; sans quoi les diverses espèces de baleines n'auraient jamais pu passer... Sitôt que je leur avais donné leur nom, il fallait les voir repiquer en arrière et se précipiter, à grands coups de nageoires, pour regagner le plus vivement possible leur Océan... J'en ris encore!...

Peut-être y aura-t-il des gens qui ne croiront pas à cette histoire... Les impies nieront que des phoques du pôle Nord aient pu venir jusqu'en Arménie, dans les eaux supérieures du Tigre et de l'Euphrate, et cela en un seul jour de voyage, descendant tout l'Atlantique et faisant le tour complet de l'Afrique; ils diront que ces intéressants mammifères marins, hôtes de l'océan Glacial, n'ont pu changer d'élément sans en mourir... Eh! qu'importe la critique!... Ma parole d'honneur, j'ai vu ici, en ce jardin d'Eden, dans cette circonstance, phoques et baleines, et j'ajoute que les phoques, tout contents d'avoir reçu de moi un nom, m'ont remercié en disant papa! maman!...

Les esprits pointilleux objecteront: « Et les poissons des lacs, par où sont-ils venus?... » Veut-on faire allusion au lavaret, ce délicieux poisson du lac du Bourget, dont les habitants d'Aix-les-Bains parlent comme d'une gloire?... Et la féra, qui vit exclusivement dans le lac Léman, qui meurt aussitôt qu'elle est mise dans une autre eau, même douce, qui ne peut seulement pas vivre dans le Rhône, en deçà ou sn delà du Léman?... Qu'on le sache donc: le lavaret et la féra ont eu une permission spéciale de Dieu; ces deux poissons lacustres sont venus, par voie aérienne, me rendre visite à l'Eden... Et voilà! anathème aux mécréants, qui ne se contenteront pas de cette explication!...

Et puis, palsambleu! je suis bien bon de discuter ces choses... Tant pis pour qui ne me croira pas, quand j'affirme que j'ai vu tous les animaux vivants, vertébrés, annelés, mollusques, et zoophytes!... Il n'est pas un seul insecte à qui je n'ai donné un nom... Mais celui qui m'a le plus stupéfié, c'est un grand ver blanc, long, plat, qui est sorti tout doucement de moi-même, un vilain ver que les naturalistes futurs appelleront ténia ou ver solitaire de l'homme, et qui ne ressemble pas au ténia des porcs ni au ténia des moutons; ce grand diable de ver humain, dès sa sortie, m'a fait une profonde révérence; je lui ai donné un nom; après quoi, il s'est refaufilé chez moi par mon anus et a repris domicile en mon individu... Si j'en parle, c'est pour ne rien omettre; car je ne me savais pas habité. A part ça, mon locataire ne m'incommode en aucune façon... Rien ne trouble cette vie de cocagne que je mène depuis cinq jours... »

Adam se mire dans l'onde limpide de la fontaine, source des quatre grands fleuves; puis, avisant une pelouse, il s'y étale mollement.

— Ah! qu'il fait bon vivre ainsi! murmure-t-il.

Mais voilà qu'il bâille... il s'étire... une langueur inconnue s'empare graduellement de lui... Voilà du nouveau, par exemple!... Il ne ressent pourtant aucune fatigue... Qu'est-ce que cela signifie?...

Il n'y comprend rien. Il subit la mystérieuse influence, irrésistible. Ses paupières se ferment. Adam dort. C'est le premier sommeil de l'homme.


Léo Taxil, La Bible amusante

sábado, 7 de abril de 2012

Raphaelismo y Postraphaelismo



RAPHAELISMO Y POSTRAPHAELISMO


Si usted, amiga lectora, es una madre de España, en el dudoso caso de que alguna madre de España lea escritos de mi firma, quisiera que al leer estas lÍneas dedicadas a Raphael no viera otras intenciones por mi parte que mirarme, yo también, en el espejo desagradable que refleja a toda mi gente. Y ese espejo me devuelve la estampa de un Raphael extrañamente infantil, vestido de primera comunión y cantando:

Yo soy aquel que cada noche te persigue.
Yo soy aquel que por quererte ya no vive.
El que te espera, el que te sueña,
el que quisiera ser dueño de tu amor,
de tu amor.

Los años cincuenta y comienzos del sesenta, trajeron a este mundo deliciosos niños cantores o no, con el sex appeal de su ingenuidad a cuestas. Eran niños prodigios que estaban para comérselos, y los espectadores se entregaban a un canibalismo erótico-sentimental. Raphael ha sustituido esa necesidad nutritiva de niño prodigio que tienen las comunidades frustradas. El es el ideal de hijo que crece sin crecer, que en plena adultez conserva la capacidad de mimo de un infante mimoso. Además tiene voz y “tablas”. Tiene sentimiento trágico en las cuerdas vocales y un no sé qué de espectador neutral del mundo y los hombres que arrebata. Y cuando mira al público, mira con la insolencia de un torero que ha hecho un faenón, para después volverse histriónicamente humilde y saludar como un mandarín bajito del ancien régime.

Raphael es el cantante abundante que necesitaba la España de la abundancia, la España que se sacaba los pechos del refajo y los dejaba caer sobre la balanza artística de la Europa del consumo. El abundante Raphael es una síntesis de zarzuela y teenager que supera en mucho aquella síntesis pretérita de zarzuela y Errol Flynn
que fue Luis Mariano. Además Raphael no compromete a nadie, porque nadie acaba de tomarse en serio los problemas que canta. ¿Alguien puede imaginarse a Raphael enamorado? ¿Enamorado hasta el punto de decir...

Nada soy sin Laura, solo estoy sin su amor.
Nada soy sin Laura. Sin Laura, sin Laura,
sin Laura, sin Laura.

Raphael se enamora por usted y por mí, y cumple con sus deberes de niño navideño por usted y por mí.

El camino que lleva a Belén
baja hasta el valle que la nieve cubrió.
Los pastorcillos quieren ver a su rey,
le traen regalos en su humilde zurron
al Redentor al Redentor.

Es uno de los cantantes-mitos que más convocatoria ha tenido en toda la historia de la subcultura española, y el chico tiene su filosofia de la vida.

¿Qué nos importa la gente que sólo ve tierra
y no ve más que tierra?

¿Qué ha de importarle esa gente a ras de suelo a un cantante que vive tan atormentados amores en la noche de raso del olimpo abrillantinado del hit parade español? En cierta ocasión le preguntaron por qué no gustaban sus canciones a los intelectuales, y el chico coincidió en el túnel del tiempo con Goering, al decir: Yo no canto para los intelectuales.

En el supermarket de la cultura de consumo, Raphael es indudable, no abastece a determinados sectores de público. Nuestra sociedad ya ha crecido lo suficiente como para tener caprichosas necesidades sentimentales y sus correspondientes satisfacciones. Manolo Escobar, Raphael... Sí, pero hacía falta “otra cosa"... esa expresión que entre nosotros es imposible decir sin torcer el gesto buscando con los ojos el símbolo aparecido del absoluto o del infinito.

Y alli estaba, en ese absoluto más cualitativo, en ese horizonte más selecto, en el postraphaelismo... Joan Manuel Serrat. El chico tenía su protesta bajo el brazo. Protesta contra el sometimiento de la cultura catalana (lo mejor que canta lo canta en catalán) y su protesta biológica de rigor.

Ara que tinc vint anys,
que no tinc l'a'nima morta
i sento bullir la sang...

Y, de hecho, Serrat se convirtió en un abrir y cerrar de ojos en el cantante-autor de consumo más importante del país. Sabia dialogar con la cotidianeidad y arrancarle un lenguaje común, a tono con la sentimentalidad de la gente más normal y corriente. Definitivamente abandonaba la protesta en manos de Raimon y se dedicaba a algo que le pertenecía más propiamente. Marcar las distancias en el código moral establecido: acostarse con teenagers en canciones muy sentimentales, reivindicar para el hitparade un Machado vencedor de su propia muerte... Pero Serrat se mueve más a sus anchas contando cosas, como podría hacerlo la canción francesa menos dramática.

Serrat, su temática, su lenguaje, sorprende en un ambiente de superestructura eminentemente regresiva, represiva. Si de las canciones de Serrat se desprende que el chico se acuesta con sus amantes, se tambalea, aunque sólo sea un poco, el pasodoble filosófico nacional. Y a pesar de todo se le consiente, se le integra (¡qué cruel palabra!), porque ha adquirido un carisma especial que quita dureza a sus inconfesables prácticas vitales. En el seno de una convivencia más tranquila, nadie le reprocharía a Serrat ser Guy Beart y gustar por un igual a Aragon y a Pompídou. Pero aquí esto es imposible. Serrat ha dado un prematuro rostro a una normalidad convivencial que no existe. De hecho es un heredero del cansancio por una convivencia en tensión, que de una manera u otra ha afectado a toda la inteligencia
del país.

Pero no. No existe el postraphaelismo, y por los siglos de los siglos necesitaremos salvoconductos para vivir y morir, y viviremos y morirenos en plena urgencia, en plena huida, sin acabar de creernos el sorbo de agua fresca, la sonrisa o el temple de la cordialidad como mecánica del comportamiento. Como decía un epigrama anónimo,
cuando a un ajusticiado español, después de cortarle la cabeza, se le pregunta: ¿Qué opina usted de lo sucedido? Con toda la razón el ajusticiado y usted y yo contestaremos: No sé. Pero me parece que aquí hay mucho maricón.


Manuel Vázquez Montalbán
Crónica sentimental de España

Si usted, amiga lectora, es una madre de España, en el dudoso caso de que alguna madre de España lea escritos de mi firma, quisiera que al leer estas lineas dedicadas a Raphael no en, que mirarme, yo tambien viera otras intenciones por mi parte. Y es en el espejo desagradable que refleja a toda mi gente pero me devuelve la estampa de un Raphael extrañamente infantil, vestido de primera comunión y cantando:Yo soy aquel que cada noche te persigue. Yo soy aquel que por quererte ya no vive. El que te espera, el que te sueña, el que quisiera ser dueño de tu amor, de tu amor.Los años cincuenta y comienzos del sesenta, trajeron a este mundo deliciosos niños cantores o no,con el sex appeal de su ingenuidad a cuestas. Eran niños prodigios que estaban para comérselos, ylos espectadores se entregaban a un canibalismo erótico-sentimental. Rapliael ha sustituido esanecesidad nutritiva de niño prodigio que tienen las comunidades frustradas. El es el ideal de hijoque crece sin crecer, que en plena adultez conserva la capacidad de mimo de un infante mimoso.Además tiene voz y “tablas”. tiene sentimiento trágico en las cuerdas vocales y un no sé qué de espectador neutral del mundo y los hombres que arrebata. Y cuando mira al público mira con lainsolencia de un torero que ha hecho un faenón, para después volverse histriónP camente humíl¿e ysaludar como un mandarin bajito del ancien régime.Rapliael es el cantante abundante que necesitaba la España de la abundancia, la España que sesacaba los pechos del refajo y los dejaba caer sobre la balanza artistica de la Europa del consumo.El abundante Raphael es una sintesis de zarzuela y teenager que supera en mucho aquella síntesispretérita de zarzuela y Erro] Flynn que fue Luis Mariano. Además Raphael no compromete a nadie, porque nadie acaba de tornarse en serio los problemas que canta. ¿Alguien puede imaginarse a Rapbael enamorado? ¿Enamorado hasta el punto de decir...Nada soy sin Laura, solo estoy sin su amor.Nada soy sin Laura. Sin Laura, sin Laura, sin Laura, sin Laura.

Raphael se enamora por usted y por mi, ycumple con susdeberes de niño navideño por usted y por mi.El camino que lleva a Belén baja hasta el valle que la nieve cubrió. Los pastorcillos quieren ver a su rey, letraen regalos en su humilde zurron al Redentor al Redentor.Es uno de los cantantes-mitos que más convocatoria ha tenido en toda la historia de la subcultura española, yel chico tiene su filosofia de la vida.
¿Qué
nos importa la gente que sólo ve tierra y no ve más que tierra?¿Qué ha de importarle esa gente a ras de suelo a un cantanteque vive tan atormentados amores en la noche de raso del olimpo abrillantinado del hit parade español? Encierta ocasión lepreguntaron por qué no gustaban sus canciones a los intelectuales, y el chico coincidió en el túnel del tiempocon Gocring, al decir: Yo no canto para los intelectuales.208
En el supermarket de la cultura de consumo, Raphael, es indudable, no abastece a determinadossectores de público. Nuestra sociedad ya ha crecido lo suficiente como para tener caprichosasnecesidades sentimentales y sus correspondientes satisfacciones. Manolo Escobar. Raphael... Sí,pero hacía falta “otra cosa"... esa expresión que entre nosotros es imposible decir sin torcer el gestobuscando con los ojos el símbolo aparecido del absoluto o del infinito.Y alli estaba, en ese absoluto más cualitativo, en ese horizonte más selecto, en el postraphaelismo...Joan Manuel Serrat. El chico tenla su protesta bajo el brazo. Protesta contra el sometimiento de lacultura catalana (lo mejor que canta lo canta en catalán) y su protesta biológica de rigor.Ara que tinc vint anys, que no tinc l'a'nima morta i sento bullir la sang...(”Ahora que tengo veinte años, que no tengo el alma muerta y siento cómo me hierve la sangre...”)Y, de hecho, Serrat se convirtió en un abrir y cerrar de ojos en el cantante-autor de consumo másimportante del pais. Sabia dialogar con la cotidianeidad y arrancarle un lenguaje común,, atono con la sentimentalidad de la gente más normal y corriente. Definitivamente abandonaba laprotesta en manos de Raimon y se dedicaba a algo que le pertenecia más propiamente. Marcar lasdistancias en el código moral establecido: acostarse con teenagers en canciones muy sentirnentales,reivindicar para el hitparade un Machado vencedor de su propia muerte... Pero Serrat se mueve más

a sus anchas contando cosas, como podria hacerlo la canción francesa menos dramática. Serrat, sutemática, su lenguaje, sorprende en un ambiente de superestructura eminentemente regresiva, represiva. Si de las canciones de Serrat se desprende que el chico se acuesta consus amantes, se tambalea, aunque sólo sea un poco, el pasodoble filosófico nacional.Y a pesar de todo se le consiente, se le integra (¡qué cruel palabra!), porque ha adquirido un carismaespecial que quita dureza a sus inconfesables prácticas vitales. En el seno de una convivencia mástranquila, nadie le reprocharla a Serrat ser Guy Beart y gustar por un igual a Aragon y a Pompídou.Pero aquí esto es imposible. Serrat ha dado un prematuro rostro a una normalidad convivencial queno existe. De hecho es un heredero del cansancio por una convivencia en tensión, que de unamanera u otra ha afectado a toda la inteligencia del país.Pero no. No existe el postrapliaelismo, y por los siglos de los siglos necesitaremos salvoconductospara vivir y morir, y vivire. mos y morirenos en plena urgencia, en plena huida, sin acabar decreernos el sorbo de agua fresca, la sonrisa o el temple de la cordialidad como mecánica delcomportamiento. Como decía un epigrama anónimo, cuando a un ajusticiado español, después decortarle la cabeza, se le pregunta: ¿Qué opina usted de lo sucedido? Con toda la razón el ajusticiadoy usted y yo contestaremos: No sé. Pero me parece que aquí hay mucho maricón.ELOGIO SENTIMENTAL DE LA “GO-GO GIRL”No es extraño que, a punto de inaugurarse la era del American Way, etc., los adultos de entoncesintrodujeran por primeravez en España un asomo de la cultura de la nostalgia. La cumbre
210
de
aquel síntoma fue El último cuplé; su rostro y su voz: Sara Montiel. La comercialización del recuerdotuvo entonces tanta importancia como ahora empieza a tener la íntelectualización del recuerdo. Pero eranotras las voces dirigentes, y recordar la juventud era recordar los años veinte, treinta. Un poeta excelente ycivil de la España actual, Angel González, describió los sintomas en su poema Penúltima nostalgia:Mas la moda es versátil y ligera, y sobre las cenizas del charlestán y el banío edificó nuevas algarabías. Yvolvieron los “blues”, y las síncopas llenaron la inquietud y carcajadas el azaroso amanecer., mientras losbarrenderos del alba, los enterradores de sombras, arrastraban con sus escobas húmedas hacía las gríetas pordonde huyó la noche, serpentinas, tarjetas ilegibles, vidrio, papel de estaño, fragmentos de diariosvespertinos, algodón sucio y ligas de mujer.Zambullirse en la nostalgia del cuplé del Colón, 37, donde tiene usted su dirección, y un chica muy decente,sin ninguna pretensión, o en la pervertida sentimentalidad del gitanillo, gitanillo, no me mates gitanillo, quémala entraña ties pa mi, cómo pues ser así... zambullirse en ese lago umbrio traducía un poco la angustia poraquella hora presente. Como ahora recordar, poner en orden las voces y los ecos de nuestra educaciónsentimental pueda ser la búsqueda de un punto de referencia para poder empezar a comprender el por qué nocomprendemos nada o casi nada de la espléndida confusión que nos envuelve.

a sus anchas contando cosas, como podria hacerlo la canción francesa menos dramática. Serrat, sutemática, su lenguaje, sorprende en un ambiente de superestructura eminente-209

mente regresiva, represiva. Si de las canciones de Serrat se desprende que el chico se acuesta consus amantes, se tambalea, aunque sólo sea un poco, el pasodoble filosófico nacional.Y a pesar de todo se le consiente, se le integra (¡qué cruel palabra!), porque ha adquirido un carismaespecial que quita dureza a sus inconfesables prácticas vitales. En el seno de una convivencia mástranquila, nadie le reprocharla a Serrat ser Guy Beart y gustar por un igual a Aragon y a Pompídou.Pero aquí esto es imposible. Serrat ha dado un prematuro rostro a una normalidad convivencial queno existe. De hecho es un heredero del cansancio por una convivencia en tensión, que de unamanera u otra ha afectado a toda la inteligencia del país.Pero no. No existe el postrapliaelismo, y por los siglos de los siglos necesitaremos salvoconductospara vivir y morir, y vivire. mos y morirenos en plena urgencia, en plena huida, sin acabar decreernos el sorbo de agua fresca, la sonrisa o el temple de la cordialidad como mecánica delcomportamiento. Como decía un epigrama anónimo, cuando a un ajusticiado español, después decortarle la cabeza, se le pregunta: ¿Qué opina usted de lo sucedido? Con toda la razón el ajusticiadoy usted y yo contestaremos: No sé. Pero me parece que aquí hay mucho maricón.

Manuel Vázquez Montalbán
Crónica sentimental de España