viernes, 25 de mayo de 2012

La Baleine en Rut


LA BALEINE EN RUT



Comme elle avait suivi le poulpe et l'espadon.
Dans des mers charriant les herbes des Florides,
La baleine sentit passer par ses fanons
Le terrestre printemps et ses tiédeurs fluides.

Le soleil descendait parmi les archipels...
Elle courut dans l'or et les phosphorescences
Projetant des jets d'eaux de toute sa puissance.
Pour s'ébrouer parmi des chemins d'arc-en-ciel.

Elle voulut d'abord épouser la chaloupe
Que d'un grand élan fou poussaient les pagayeurs.
Elle approcha ses flancs onctueux de sa poupe
Et la cassa du battement de son grand cœur.

Brûlant de la chaleur d'un sexe gigantesque,
Elle voulut de sa nageoire en éventail
Étreindre une île au corps dentelé d'arabesques
De pierre, avec des seins de craie et de corail.

Elle ne put monter sur elle et dans l'eau bleue,
Cherchant éperdument une forme à saillir,
Avec le battement immense de sa queue
Essaya d'épuiser sa force et son désir.

Mais le rut de la mer vibrait au creux des anses.
Les crabes se prenaient dans leurs pinces entre eux
Et les poissons volants, ivres de jouissance,
Faisaient sur les embruns des cercles lumineux.

Des électricités baignaient le fond des criques.
Le poisson-scie aimait la torpille au long corps.
On entendait mugir les squales hystériques,
La coquille uni valve ouvrait un sexe d'or.

Et la baleine alors sentant passer sur elle
La douleur d'être seul familière aux géants,
A travers les bas-fonds aux fleurs surnaturelles
S'élança dans la nuit des abîmes béants.

Mais le peuple des flots fuyait devant sa masse.
Les polypiers fermaient leurs molles cavités.
Les poissons éperdus plongeaient dans les crevasses
Les infusoires verts éteignaient leurs clartés.

Les déserts sous-marins ont des splendeurs si vastes!
C'est là que vous dormez, coques des vaisseaux morts!
Dans cette solitude où l'on ne voit plus d'astres,
La baleine glissa par les courants du nord.

Dans les forêts de madrépores fantastiques,
Broyant avec ses flancs les perles par millions,
Brûlante, elle roula vers les pays arctiques.
Vers la mer froide où les soleils sont sans rayons.

Mais même dans les bleus d'aurore boréale,
Ne projetant que des jets d'eaux cristallisés,
Elle fondait encor les grands icebergs pâles,
Les banquises de neige avec son chaud baiser.


Maurice Magre, La montée aux enfers

viernes, 18 de mayo de 2012

Empédocle, dieu supposé



Personne ne sait quelle fut sa naissance, ni comment il vint sur terre. Il apparut près des rives dorées du fleuve Acragas, dans la belle cité d'Agrigente, un peu après le temps où Xerxès fit frapper la mer de chaînes. La tradition rapporte seulement que son aïeul se nommait Empédocle : aucun ne le connut. Sans doute, il faut entendre par là qu'il était fils de lui-même, ainsi qu'il convient à un Dieu.

Mais ses disciples assurent qu'avant de parcourir dans sa gloire les campagnes de Sicile, il avait déjà passé quatre existences dans notre monde, et qu'il avait été plante, poisson, oiseau et jeune fille. Il portait un manteau de pourpre sur lequel retombaient ses longs cheveux ; il avait autour de la tête une bande d'or, aux pieds des sandales d'airain, et il tenait des guirlandes tressées de laine et de lauriers.

Par l'imposition de ses mains il guérissait les malades et récitait des vers, à la façon homérique, avec des accents pompeux, monté sur un char, et la tête levée vers le ciel. Une grande troupe de peuple le suivait et se prosternait devant lui pour écouter ses poèmes. Sous le ciel pur qui éclaire les blés, les hommes venaient de toutes parts vers Empédocle, leurs bras chargés d'offrandes. Il les tenait béants en leur chantant la voùte divine, faite de cristal, la masse de feu que nous nommons soleil, et l'amour, qui contient tout, semblable à une vaste sphère.

Tous les êtres, disait-il, ne sont que des morceaux disjoints de cette sphère d'amour où s´insinua la haine. Et ce que nous appelons amour, c'est le désir de nous unir et de nous fondre et de nous confondre, ainsi que nous étions jadis, au sein du dieu globulaire que la discorde a rompu. Il invoquait le jour où la sphère divine se gonflerait, après toutes les transformations des âmes. Car le monde que nous connaissons est l'oeuvre de la haine, et sa dissolution sera l'œuvre de l'amour.

Ainsi il chantait par les villes et par les champs; et ses sandales d'airain venues de Laconie tintaient à ses pieds, et devant lui sonnaient des cymbales. Cependant de la gueule de l'Etna jaillissait une colonne de fumée noire qui jetait son ombre sur la Sicile.

Semblable ù un roi du ciel, Empéclocle était roulé dans la pourpre et ceint d'or,
tandis que les pythagoriciens se traînaient dans leurs minces tuniques de lin, avec des chaussures faites de papyros. On disait qu'il savait faire disparaître la chassie, dissoudre les tumeurs, et tirer les douleurs des membres ; on le suppliait de faire cesser les pluies et les ouragans ; il conjura les tempêtes sur un cercle de collines ; à Sèlinonte, il chassa la fièvre en faisant déverser deux fleuves dans le lit d'un troisième ; et les habitants de Sèlinonte l'adorèrent et lui élevèrent un temple, et frappèrent des médailles où son image était placée face à face de
l'image d'Apollon.

D'autres prétendent qu'il fut divinateur et instruit par les magiciens de Perse, qu'il possédait la nécromancie et la science des herbes qui rendent fou. Un jour où il dînait chez Anchitos, un homme furieux se rua dans la salle, le glaive levé. Empédocle se dressa, tendit le bras, et chanta les vers d'Homère sur le népenthès qui donne l'insensibilité. Et aussitôt la force du népenthès saisit le furieux, et il demeura fixe, le glaive en l'air, ayant tout oublié, comme s'il eût bu le doux poison mêlé dans le vin mousseux d'un cratère.

Les malades venaient à lui hors des cités et il était entouré d'une foule de misérables. Des femmes se mêlèrent à sa suite. Elles baisaient les pans de son manteau précieux. Une se nommait Pantlhea, fille d'un noble d'Agrigente. Elle devait être consacrée à Artemis, mais elle s'enfuit loin de la froide statue de la déesse et voua sa virginité à Empédocle. On ne vit point leurs marques d'amour, car Empédocle préservait une insensibilité divine. Il ne proférait de paroles que dans le mètre épirjue, et en dialecte d'Ionie, quoique le peuple et ses fidèles ne se servissent que du dorien. Tous ses gestes étaient sacrés. Quand il s'appro-
chait des hommes, c'était pour les bénir ou les guérir. La plupart du temps, il demeurait silencieux. Aucun de ceux qui le suivaient ne put jamais le surprendre pendant son sommeil. On ne l'aperçut que majestueux.

Panthea était vêtue de fine laine et d'or. Ses cheveux étaient disposés à la riche mode d'Agrigente, où la vie coulait mollement. Elle avait lés seins soutenus par un strophe rouge, et la semelle de ses sandales était parfumée. Pour le reste, elle était belle et longue de corps, et de couleur très désirable. Il est impossible d'assurer qu'Empèdocle l'aimât mais il eut pitié d'elle. En effet, le souffle asiatique engendra la peste dans les champs siciliens. Beaucoup d'hommes furent touchés par les doigts noirs du fléau. Môme les cadavres des bêtes jonchaient le bord des prairies et on voyait çà et là des brebis pelées, mortes la gueule ouverte
vers le ciel, avec leurs côtes saillantes. Et Panthea devint languissante de cette maladie. Elle tomba aux pieds d'EmpédocIe et elle ne respirait plus. Ceux qui l'entouraient soulevèrent ses membres raidis et les baignèrent de vin et d'aromates. Ils délièrent le strophe rouge qui serrait ses jeunes seins, et la roulèrent dans des bandelettes. Et sa bouche entr'ouverte était retenue par un lien et ses yeux creux ne miraient plus la lumière.

Empédocle la regarda, détacha le cercle d'or qui lui ceignait le front, et le lui imposa. Il plaça sur ses seins la guirlande de laurier prophétique, chanta des vers inconnus sur la migration des âmes, et lui ordonna par trois fois de se lever et de marcher. La foule était pleine de terreur. Au troisième appel, Panthea sortit du royaume des ombres, et son corps s'anima et se dressa sur ses pieds, tout emmailloté dans les bandes funéraires. Et le peuple vit qu'Empédocle était évocateur dos morts.

Pysianacte, père de Panthea, vint adorer le nouveau dieu. Des tables furent étendues
so us les arbres de sa campagne, afin de lui offrir des libations. Aux côtés d'Empédocle, des esclaves soutenaient de grandes torches. Les hérauts proclamèrent, ainsi qu'aux mystères, le silence solennel. Soudain, à la troisième veille, les torches s'éteignirent et la nuit enveloppa les adorateurs. Il y eut une voix forte qui appela : « Empèdocle ! » Quand la lumière se fit, Empèdocle avait disparu. Les hommes ne le revirent plus.

Un esclave épouvanté raconta qu'il avait vu un trait rouge qui sillonnait les ténèbres vers le sommet de l'Etna. Les fidèles gravirent les pentes stériles de la montagne à la lueur morne de l'aube. Le cratère du volcan vomissait une gerbe de flammes. On trouva, sur la margelle poreuse de lave qui encercle l'abîme ardent, une sandale d'airain travaillée par le feu.


Marcel Schwob Vies Imaginaires

domingo, 13 de mayo de 2012

La séduction du désastre




Une vague de chaleur inhabituelle frappe en plein hiver la ville de Bruxelles alors qu'un astéroïde se rapproche de la Terre. Les habitants, épouvantés, descendent dans la rue dont l'asphalte fond, scrutent la météorite qui grandit à vue d'oeil. C'est alors qu'un étrange vieillard, le professeur Philippulus, vêtu d'un drap blanc et muni d'une longue barbe, harangue la foule en frappant sur un gong et s'écrie : "C'est le châtiment, faites pénitence, la fin des Temps est venue."

Nous sourions à la vue de ce personnage de pacotille d'autant que la scène se passe dans une bande dessinée, L'Etoile mystérieuse, d'Hergé (Casterman, 1947). Il semble pourtant que Philippulus, caricature du maréchal Pétain qui appelait à la repentance, ait pris le pouvoir aujourd'hui, qu'il siège peu ou prou dans tous les médias, les gouvernements, les instances officielles. Ce qu'il diffuse en continu, c'est l'effroi : du progrès, de la science, de la démographie, du climat, de la technique, de la nourriture, que sais-je ?

Dans cinq ans, dans dix ans, la Terre sera devenue inhabitable, les températures auront monté, séismes, inondations, sécheresses se multiplieront, les guerres opposeront les peuples, toutes les centrales nucléaires auront explosé. L'homme a péché par orgueil, il a détruit son habitat, ravagé la planète, il doit expier. "La fête industrielle est finie", avertissait déjà en 1979 le philosophe allemand Hans Jonas qui plaidait pour un usage éclairé de la peur et une nouvelle responsabilité envers la nature. Le pathos dominant dans notre vieille Europe est celui de la fin des temps. L'Apocalypse est inéluctable. La peur est comme une enzyme, elle s'empare de tous les sujets, s'en nourrit, les abandonne pour de nouveaux qui seront bientôt délaissés.

Voyez Fukushima : le drame n'a fait que confirmer une inquiétude qui la précédait et cherchait un aliment pour se justifier. Dans six mois, un nouveau thème, pandémie, grippe aviaire, craintes alimentaires, fonte de la banquise, ondes maléfiques, antennes paraboliques, nous mobilisera. Double étonnement à cet égard : le catastrophisme règne surtout dans les pays occidentaux, comme s'il était la résidence secondaire des peuples privilégiés, le soupir de gros chats ronronnant dans le confort.

Chez nous, l'aversion au risque a pris une telle ampleur que nous vivons l'entrelacement de nos drames privés et de l'épopée mondiale comme une menace permanente. Le drame qui frappe les lointains a ceci de singulier qu'il transforme la platitude en aventure à haut risque : cela pourrait nous arriver. Etrange paradoxe : en dépit de la crise, nous vivons mieux en Europe que partout ailleurs, au point que les migrants du monde entier veulent y prendre pied ; jamais pourtant nous n'avons autant vilipendé nos sociétés.

Les discours alarmistes, qu'ils portent sur l'atome, le climat, l'avenir de la planète, souffrent d'une contradiction. Si la situation est aussi grave qu'ils le prétendent, à quoi bon s'insurger. Pourquoi ne pas se prélasser en attendant le déluge ? Quant aux solutions suggérées, elles semblent inférieures à la gravité du mal. On sait ce que proposent la plupart des courants de cette mouvance : abandonner la voiture, les voyages en avion, consommer local, délaisser la viande, recycler ses déchets, planter des arbres, modérer ses désirs, s'appauvrir volontairement.

Tout ça pour ça ! Enormité du diagnostic, dérision des remèdes. En gentils boy-scouts, on nous prodigue des conseils d'économie ménagère dignes de nos grands-mères. Puisque nous sommes dépossédés de tout pouvoir face à la planète, nous allons monnayer cette impuissance en petits gestes propitiatoires, monter les escaliers à pied, devenir végétariens, faire du vélo, qui nous donneront l'illusion d'agir pour la Terre.

Quant aux Chinois, aux Indiens, aux Brésiliens, ils doivent retourner à leur misère, illico, pas question qu'ils se développent sous peine de nous faire sombrer. L'humour involontaire du discours apocalyptique, c'est de mettre tout au neutre ; en voulant nous persuader du chaos planétaire, il intègre notre disparition éventuelle à la tiédeur quotidienne. Il voudrait nous réveiller, il nous engourdit. Les énergies sales, la pollution, les multinationales qui conspirent à nous empoisonner enfièvrent notre calme existence d'un frisson inédit. L'ennemi est parmi nous et en nous, il guette nos moindres défaillances, d'autant plus insidieux qu'il est invisible.

Si les rites anciens avaient pour fonction d'évacuer la violence d'une communauté sur une victime expiatoire, les rites contemporains ont pour fonction de dramatiser le statu quo et de nous faire vivre dans l'exaltante proximité du cataclysme.

Pour échapper à l'incertitude de l'histoire, on décrète donc la certitude du désastre : cela permet de se reposer, peinards, dans les douceurs de l'abomination. Qu'importe la date de l'effondrement, il nous frappera quoi qu'il arrive. Le discours de la crainte ne dit pas peut-être, il dit : l'horreur est sûre. Imperméable au doute, il sait de toute éternité et se contente d'enregistrer les étapes de la dégradation. Le prophète est un réducteur de hasard, il offre la même réponse à toutes les interrogations. Le soupçon nous vient alors que les Cassandre innombrables qui vaticinent sous nos climats veulent moins nous mettre en garde que nous fustiger.

Quand l'intellectuel européen endosse le costume de la Pythie et d'une Pythie bardée de science et de statistiques, il cumule les fonctions du rebelle qui s'insurge et du voyant qui s'élève. Dans le judaïsme classique, le prophète cherchait à revivifier la cause de Dieu contre les rois et les puissants. Dans le christianisme, les mouvements millénaristes portaient en eux une espérance de justice contre l'Eglise et ses prélats qui vivaient dans le luxe, trahissaient le message des Evangiles. Dans une société laïque, le prophète n'a d'autre viatique que son indignation. Il arrive alors qu'enivré par sa propre parole, il s'arroge une légitimité indue et appelle de ses voeux la destruction qu'il prétend récuser. Tel est le renversement : l'Apocalypse devient pour ses partisans notre seule chance de salut.

Comme ces réactionnaires qui, dans les années 1960-1970, souhaitaient aux jeunesses européennes une bonne guerre pour les calmer, nos atrabilaires espèrent que nous allons toucher le fond pour nous éveiller enfin. Vous méritez une bonne leçon, vous n'avez pas assez souffert, vous devez en baver ! C'est un véritable voeu de mort qu'ils adressent alors aux populations. Ce ne sont pas de grandes âmes qui nous mettent en garde, mais de tout petits esprits qui nous souhaitent beaucoup de malheurs si nous avons l'outrecuidance de ne pas les écouter. La catastrophe n'est pas leur hantise, mais leur jouissance la plus profonde. Fukushima fut pour eux comme l'affaire Dreyfus pour l'extrême droite française, non un épouvantable drame mais une divine surprise. Enfin, ils tenaient leur tragédie ! La distance est courte entre la lucidité et l'aigreur, la prédiction et l'anathème.

En inoculant le poison de la terreur dans les esprits, ce prosélytisme sombre provoque la pétrification. Le tremblement qu'il provoque retombe comme un mauvais soufflé. C'est à l'inquiétude que revient la dernière réplique ou plutôt à la volonté de conjurer l'aléa par tous les moyens. Nous expliquer que nous marchons au bord du précipice et que nous allons y tomber ressemble à la philosophie de Gribouille : comme si l'on refusait de venir au monde au motif que l'on va mourir un jour. On voulait nous alarmer, on nous désarme. C'est peut-être l'objectif de ce bruyant tambour de la panique qu'on joue à nos oreilles depuis si longtemps : nous infantiliser, nous rendre plus dociles.

Au lieu d'encourager la résistance - les sociétés humaines survivent aux pires calamités et développent une intelligence des périls -, il propage découragement et désespoir. Le catastrophisme ? Le meilleur instrument de résignation politique et philosophique. Nulle question de nier la gravité des problèmes qui se posent à nous. S'il est au moins une leçon à tirer du Japon, c'est de ne jamais construire de centrales nucléaires dans une zone sismique. Mais l'affolement, la paranoïa ont toujours été les outils favoris des dictatures avides de déposséder les citoyens de tout moyen d'action. Une démocratie ne peut en user durablement sans se saborder.

L'Apocalypse chrétienne se voulait une révélation, le passage dans un autre ordre du temps, une espérance eschatologique tendue vers l'avènement du royaume de Dieu. Celle d'aujourd'hui est sans dévoilement, elle énonce juste la sentence finale. Elle ne propose rien, elle tétanise : apocalypse sèche. Nulle promesse de rachat, le seul idéal est celui des survivants, l'agrégation de centaines de millions d'hommes qui se repentent de leurs erreurs et veulent échapper au chaos, comme dans La Route, le beau roman de Cormac McCarthy.

Comment s'étonner, quand tant d'esprits brillants délirent, que fleurissent les prévisions les plus aberrantes, telle celle du calendrier maya, prévoyant la fin de la planète en 2012. Toute la surface de la Terre devrait disparaître sauf un petit village de l'Aude, en France, Bugarach, pris d'assaut par tous les illuminés du globe au grand dam de ses habitants, effrayés par cette publicité. L'Armageddon est imminent. On se rêve en Job ou en Jérémie, on finit en Paco Rabanne !


Pascal Bruckner, LE MONDE | 30.04.2011

lunes, 7 de mayo de 2012

Romance de los Papanatas


ROMANCE DE LOS PAPANATAS
A la graciosa memoria de Fernando Perdiguero, maestro de Humoristas

Con un bostezo de arenque
hecho suspiro en sus branquias;
con palurdas metafísicas
y teoremas de alpargata;
con el paso gasterópodo
que deja un rastro de baba,
por la ciudad -humo y frenos
pasean los papanatas.

Tienen en sus entretelas
hambre de cal y argamasa,
por eso miran las obras
de la Babilonia urbana,
donde -férreo cocodrilola
excavadora se explaya,
e indecente, a los solares
va y les pellizca las nalgas.

Inspectores de vehículos
los han nombrado en España,
porque rodean el coche
nuevo, de exótica marca,
y lo contemplan y admiran
– nadie sabe en qué trabajan
y hasta se les ve la hache
del ¡oh! de asombro que lanzan.

Como Robinsones tontos
sin Viernes, isla ni nada,
por la ciudad -guardia y multapasean
los papanatas.
En los bancos de los parques
tienen poltrona y butaca;
por eso con desparpajo
hablan de tú a las estatuas
y no sienten humedades
ni fríos dentro del alma,
porque sus lentos espíritus
están vestidos de pana.

Se despepítan perláticos
si pasa una chica guapa
algo ligera de ropa;
y ellos, se vuelven, se paran,
y hacen mil gestos ambiguos
de horror, de pasmo y de alarma
– lluvia sodogomorrítica
en una sola mirada-.

¡Trágica mirada ardiente
que aquello que mira empaña:
vodevil a la española,
sin risa, biombo y cama,
pero con honor y sangre
como debe ser, ¡caramba!
Por la ciudad -sol y sombrapasean
los papanatas.

En sus huesos hay un híelo
crítico, que se dispara
– ipim, pam!- pero se les quema
toda la pólvora en salvas,
aunque se sientan clarines
– Clarines: Leopoldos Alas,
dándole palos al mundo
con mala sidra asturiana-.

Espantando gorriones
con sus sombras alargadas,
aborregados, pazguatos,
gilipuertas, soplagaitas;
declinando el vocativo
de su atónita gramática,
por la ciudad -daca y toma
pasean los papanatas


Jorge Llopis