martes, 26 de abril de 2016

Le fiacre (chanson cruelle)



"Un fiacre allait trottinant
Cahin-caha,
Hue, dia, hop-là!
Un fiacre allait trottinant
Jaune, avec un cocher blanc.

Derrièr' les stores baissés
Cahin-caha,
Hue, dia, hop-là!
Derrièr' les stores baissés
On entendit des baisers.

Puis une voix disant «Léon!»
Cahin-caha,
Hue, dia, oh-là!
Puis une vois disant «Léon,
Mais tu m' fais mal, ôte ton lorgnon!»

Un vieux monsieur qui passait
Cahin-caha
Hue, dia, hop-là!
Un vieux monsieur qui passait
S'écrie «Mais on dirait qu' c'est...

... Ma femme dont j'entends la voix!»
Cahin-caha,
Hue, dia, hop-là!
Ma femme dont j'entends la voix.
Il s' lanc' sur l' pavé en bois.

Mais il gliss' sur l' sol mouillé
Cahin-caha,
Hue, dia, hop-là!
Mais il gliss' sur l' sol mouillé
Crac ! il est escrabouillé!

Du fiacre un' dame sort et dit...
Cahin-caha,
Hue, dia, hop-là
Du fiacre un' dame sort et dit:
«Oh! chouette, Léon... c'est mon mari!»

«Y a plus besoin d' nous cacher...»
Cahin-caha,
Hue, dia, hop-là
«Y a plus besoin d' nous cacher,

Oh, donne donc cent sous à c' cocher!»

Le Fiacre, paroles et musique de Léon Xanrof 1888

"Un jour, je fouillai dans les cent petites boîtes de livres de toutes sortes, vendus au rabais sur les quais de la Seine, quand ma main tomba sur Les chansons sans gêne. Auteur : Xanrof. J'ouvris le livre et, debout, sur le quai, je lus le volume entier ! Que c'était farce, amusant, jeune ! et d'une satire si quartier latin ! Si, avec cela, je trouvais quelques chansons "naturalistes" relatant cette "misère" que je connaissais si bien, alors ma route était tracée. Ah ! ce petit bouquin de Xanrof... il tremblait dans mes mains. "Combien ?" dis-je au marchand. "Douze sous." J'achetai le volume, la musique des couplets était notée ; j'étais haletante de joie, je savais qu'enfin j'avais découvert les premiers bouts de bois dont je me servirais pour construire l'abri de ma vie !
J'allais apprendre les chansons, pour les chanter à Liège, en août. C'était :
" Le Fiacre"
"La Complainte des 4 z'étudiants"
"Le Bain du Modèle"
" L'Hôtel du n° 3"
"C'est le Printemps"
"Pauvre enfant, c'était pour sa mère"
"De Profundis"
"La Brasserie du Pacha"
.
et tant d'autres couplets joyeux. C'était : Paris vu par un étudiant, un étudiant qui fréquentait le Chat-Noir, ce cabaret où l'esprit pétillait. Xanrof avait vingt-quatre ans et toute sa verve jeune et satirique était dans ce premier livre, inconnu de tous, car personne ne chantait ses œuvres. Lui aussi attendait... Comme moi, il espérait tout et ne voyait rien venir. Et voilà que nous allions nous sauver mutuellement".
(Yvette Guilbert, La chanson de ma vie)

Vous pouvez écouter la version enregistrée par Yvette Guilbert en 1930 sur
https://www.youtube.com/watch?v=T8b3u3KRTxI


Et, pour la petite histoire, la passion qu´enflamma Yvette Guilbert sur nul autre que le Dr. Sigmund Freud...
http://www.oedipe.org/spectacle/musique/allouchjoly

domingo, 10 de abril de 2016

L´arbre hommier




Une fantastique vision fit loucher Mauri.
Dans le mitan de la serre s´élevait un arbre aux branches duquel poussaient des corps humains en formation ou presque parfaitement constitués. Le tronc de cet arbre ressemblait à tous les troncs d´arbres ; en revanche, ses feuilles, carrées, avaient l´épaisseur et le lisse d´une portion de courroie de cuir, et elles étaient pourvues de soupapes microscopiques dont les accélérés mouvements indiquaient l´activité de la respiration des êtres  qui se balançaient, en l´air, comme des pendus. Les branches étaient fortes ; chacune d´elles ne portait qu´un fruit humain. Celui-cci y adhérait, par la tête, au moyen d´un pédoncule qui se brisait lorsque le corps était mûr. Mais le docteur pouvait toujours, à son gré, prévenir la rupture du pédoncule et laisser, pendant un très long temps, le bonhomme suspendu à sa branche. Ainsi, il y avait un fœtus de quatre mois, un enfant de deux ans, un autre de six ans, un troisième de diz ans. Une jeune fille de seize ans, admirablement belle, conversait avec un homme barbu qui avait dépassé la trentaine et qui fumait une pipe. L´arbre avait treize branches, et chaque branche produisait un être de race différente. Français, Anglais, Grec, Russe, Scandinave, Italien, Hongrois, Espagnol, Chinois, Japonais, y étaient représentés. La collection se complétait par un aveugle, un sourd-muet et un décapité.
-Comment diable peut-on faire pousser des gens à un arbre ?
- C´est difficile et délicat à expliquer. Si vous aviez fait de la botanique une étude approfondie, ou même superficielle, vous sauriez que (…) la racine nourrit la branche. Si vous plongez une racine dans un perpétuel bain de merde, par exemple, les fruits de la branche nourrie par cette racine pueront le caca. Et ainsi de suite. Eh bien, substituez à cette merde une couche épaisse d´organes sexuels, le fruit obtenu par cette nourriture sera évidemment de même race que celle des organes sexuels (…) :: Je suis donc parvenu à me procurer –et à quel prix, grand Dieu !- une quantité suffisante d´organes, je les ai enfouis dans le sol, j´y ai enfoncé les racines d´un cyprès et voici le résultat ! Chacun de ces types parle une langue différente, mais tous comprennent le français, sauf le sourd-muet et le décapité
- Comment les nourrissez-vous ?
- En pissant au pied de l´arbre.

Le Tutu, moeurs fin de siècle. 1891