lunes, 27 de febrero de 2012

Le Bréviaire Guyot


LE BRÉVIAIRE GUYOT

Ce Bréviaire de l'amour expérimental devrait être le livre de chevet de tous les nouveaux époux. (SARDOU)

Ce Bréviaire renferme surtout un chapitre qui m'a beaucoup ému et qu'on pourrait intituler: l'art de faire des enfants à sa femme en lui....... Ce Bréviaire m'a mis tout en joie. (LABICHE)

Je cueille ces deux épigraphes dans des lettres que Sardou et Labiche, — deux académiciens— ont adressées à l'éditeur du Bréviaire de l'amour expérimental, par le docteur Jules Guyot. Ce singulier Bréviaire, — pour la messe conjugale, Sardou l'a pris au sérieux, presque au dramatique ; Labiche, lui s'en est égayé tout simplement en songeant peut-être aux jolis effets qu'il en aurait tires jadis, quand il faisait au théâtre des mariages si extraordinaires et désopilants.

Il y a en effet dans ce bouquin minuscule de quoi s'arrêter un instant et de quoi sourire. On s'arrête lorsqu'on sait qu'il a eu parmi ses patrons et marraines Claude Bernard, Sainte-Beuve, Bixio, George Sand; mais on sourit vite, lorsque la liste se complète du cardinal Gousset, de l'abbé Montera, de l'abbé Hugon, l'exécuteur testamentaire d'Orsini, — et de... Virginie Déjazet.

Puis le sourire s'accentue, involontairement, quand on lit, — et quand on se rappelle que ce Manuel du mari modèle selon la Physiologie et la Religion, a été écrit à l'occasion solennelle du mariage du prince Napoléon avec la princesse Clotilde de Savoie!...

Balzac, dans sa Physiologie du mariage, s'est préoccupé presque exclusivement de Monsieur, de ses moyens de défense contre les minotaurisations :c'est de la politique d'intérieur.

PourBalzac, dans le ménage,toutes choses doivent revenir à Monsieur, les petits bonheurs comme les satisfactions complètes : le docteur Guyot a voulu réagir, et il a revendiqué pour Madame l'égalité des droits, — d'un droit surtout, d'un droit qui... que... oui enfin, celui-là, juste!

Celui qui précède le droit au travail— de la maternité.

J'accorde qu'il est bien des drames qui sont partis de l'alcôve. Certains jours, nous autres nous sommes d'un splendide égoïsme, nous avons l'air de donner et nous ne donnons rien, et dans la lune de miel même, souvent tout le miel est pour nous. En frelonnant dela sorte, il se peut que nous révoltions les roses....

Mais le Bréviaire Guyot me semble outré dans son accusation et imprudent dans son exclusivisme. A chacun son dû, notre femme est un créancier, l'amour une fonction naturelle et sociale: telle apparaît la théorie du docteur.

Jusqu'ici vous et moi, nous croyions volontiers qu'entre mari et femme la communion de l'esprit et du cœur était déjà de quelque haute importance. Non pas! Ce qui est nécessaire, urgent, c'est qu'il y ait symphonie conjugale parfaite, égalité de poids et mesures, — c'est qu'aucune valeur ne reste en compte.

S'il arrivetrop souvent qu'on se tourne le dos pour se montrer ensuite les griffes en pleinejustice, c'est que le mari est un naïf ou un brutal. La chasteté, la confiance, la sécurité du foyer, — tiennent tout entières dans sa générosité ou dans sa délicatesse...

Et là-dessus le docteur Guyot aligne cet axiome — qui a bien ce qu'il faut pour être du théâtre de Dumas fils:

Toute épouse incomprise qui sert passivement d'instrument à son époux est à la fois sainteet martyre; mais son époux demeure un égoïste et un sot....

Balzac avait écrit : le mariage c'est le lit. Avec le système du docteur, on en arrive à compléter ainsi cette définition déjà tout expérimentale : la vertu, la fidélité, l'honneur dsla femme, c'est le lit.

Je doute que les femmes, pour qui plaide le Bréviaire, consentent, même en secret, à tenir de la sorte d'un meuble acajou, palissandre ou thuya toute leur auréole!

La théorie du docteur fait un métier du mariage qui était déjà une loterie, comme on sait. Et ce métier a besoin d'être enseigné! Méthodiquement enseigné, non pas au point de vue dela philosophie, de la patience ou du courage, — pourtant indispensables,— mais au point de vue pratique : malheur au merle blanc!

Le docteur demande s'il n'est pas étrange que nous ayons des chefs de cuisine, des parfumeurs émérites, des professeurs d'optique, des maîtres de musique, que nous étudiions suivant des lois mathématiques ou sur des principes scientifiques tout ce qui concerne les muscles, le goût, Fodorat, la vue et l'ouïe et que nous abandonnions l'exercice du sens dominateur de l'existence humaine dans sa création, dans son cours et dans sa dernière fin, aux seuls instincts égarés par les lazzis, les chansons, les comédies, les romans, les images obscènes et la tradition des débauchés!

Assurément, il y a une éducation à faire. Le mariage de Daphnis et de Chloé, par le temps expérimental qui court, sentirait désagréablement l'idylle.

Il est convenu, accepté, que l'homme doit avoir rôti passablement le balai avant de le présenter au conjungo.

Mais que diable, cette éducation-là se commence et s'achève en dehors des bréviaires. Le docteur Guyot aura beau enregistrer conseils sur. conseils, développer sa théorie archi-sciemifîque, il n'empêchera pas que, — suivant d'ailleurs la mode pédagogique nouvelle, une bonne leçon de choses ne profite mieux!

Je ne conçois pas encore l'école professionnelle, où on apprendra au candidat le métier de mari. S'il faut tant de choses extra-superliriques, si l'amour a besoin de cette érudition bénédictine, on sera condamné sans doute à l'examen, et c'est Philémon et Baucis qui seront juges. M. et madame Denis seraient naturellement récusés — et pour cause.

Je ne vois pas davantage les belles-mères ayant à s'enquérir de la virtuosité du gendre!

C'est pourtant ce qu'elles seraient obligées de faire, les belles-mères consciencieuses, si la théorie du docteur Guyot l'emportait.

Mais non ! L'amour n'a pas besoin de ces démonstrations. Nous avons eu des amours et des mariages heureux avant le Bréviaire Guyot ; nous en aurons peut-être bien encore, sans que les amants ou les nouveaux époux cachent sous leur oreiller ce guide Contyde l'alcôve I

Sardou lui-même ne se serait pas attardé à piocher ce fameux Bréviaire qu'il préconise aujourd'hui, le jour où il a épousé la grande jeune fille aux yeux bleus, aux cheveux châtains qui lui est apparue un matin chez M. Eudore Soulié.

Quant à Labiche, du fond de son coin de Souvigny, il trouve ce Bréviaire charmant. C'est une opinion qui est de son âge, comme il l'avoue....

Mais je soupçonne bien un peu qu'il regrette le temps où, pour apprendre l'amour, il ne demandait de leçons qu'à l'amour!


Paris-Patraque
Alexandre Hepp


ps Le Breviaire de l´amour expérimental vient d´être réedité par Payot&Rivages
"Publié en 1882, ce Bréviaire est le premier manuel conjugal de sexologie. Son auteur, le docteur Jules Guyot, est sans doute le premier homme à proclamer que tout mari a le devoir de faire jouir sa femme. Il dévoile concrètement l'art de provoquer "à coup sûr" la volupté chez la femme, enseigne les préliminaires indispensables, les caresses à effectuer, les zones sensibles, les signes féminins de l'excitation et le rôle du clitoris. Claude Bernard, le prince Napoléon, l'actrice Virginie Déjazet, George Sand ou encore l'archevêque de Reims eurent entre les mains ce livre qui touchait juste".

lunes, 20 de febrero de 2012

The Twillight World of the Heterosexual



"Confession" by John Braine, in "That Was The Week That Was", edtied by David Frost and Ned Sherin, W.H. Allen, 1963

Heterosexuality is an ugly word. Until recently it skulked in the obscurity of medical text books. Now, one hears it everywhere. Let us be explicit and fearless about its meaning, then. Hetero, as one might expect, is derived from a foreign language, and means 'op­posite'. Therefore, a heterosexual man is sexually attracted only to women and vice-versa.

There are few outward signs by which a heterosexual reveals himself, though authorities on the subject claim that a heterosexual will sooner or later give himself away-if only by his clumsiness and coldness, and crashing insensitivity. A heterosexual walks-or rather clumps in hobnailed boots and belted mac-alone. Not for him the joys of true comrade­ship; his energies are all spent in the pursuit of women. There is nothing he longs for more, than a night out with the boys, but a night out with the boys-in the truest, deepest sense ­is precisely :what he can never enjoy. He is too busy making passes at the barmaid.

What is being done about this problem? Very little. The prevalent official attitude is simply to make heterosexuality as difficult as possible, to scoop it under the carpet.

How do I know all this?

I am a heterosexual.

It began early with me, at my public school. I won't say which one. . . I have dis­honoured it enough already. I was fourteen years old, apparently a happy, wholesome normal lad, making friendships which would stand me in good stead for the rest of my life, when suddenly I realised that I didn't feel as I should towards the Captain of the Eleven. I couldn't disguise my growing conviction that he was a big, fat, boring slob. The padre, the housemaster, the housemaster's wife, did their level best to help, but I left school under a cloud.

I became an up-and-coming young executive. My field was corsets. I was good at my job, then one afternoon, I found it necessary to take a client to a strip club. I was watching a young lady in a G-string wrestling with a stuffed snake, when, to my horror, I discovered that I violently desired her. I tried to believe that it was something I had eaten. I tried to behave normally, and only looked at the audience. But it was no use. I enjoyed looking at naked women. .

Of course, my work began to suffer. I lost my job. Now, I am a doorman at the strip club which was the cause of my downfall. I am not actively unhappy, and sometimes the young ladies let me take them home, but it's a strange twilight world I live in. I have fallen farther than most, because I had farther to fall.

Mine is a sad story, but heterosexuals do not cry. I am not a criminal. Before you con­demn me out of hand, try and see me as I am, a lost and lonely soul, with perhaps, a more than passing resemblance to-dare I say it-yourselves.

viernes, 17 de febrero de 2012

L´idiot du village à la télévision



Comment retrouver l’idiot du village à la télé

« Quid du théâtre comique dans une civilisation qui a décidé de se fonder sur le respect de la différence ? Par tradition, le comique a toujours spéculé sur l’estropié, l’aveugle, le bègue, le nain, l’idiot, le déviant, la profession jugée infamante ou l’ethnie tenue pour inférieure.Eh bien tout cela est devenu tabou.

Aujourd’hui, ne vous risquez plus à imiter un inoffensif paria, c’est une vexation ; quant à Molière « himself », il ne pourrait plus ironiser sur les médecins sans provoquer aussitôt le tollé de la corporation entière, liguée contre ces allégations diffamatoires. Plus question de déguster un « nègre en chemise » ni de parler « petit nègre » à une « tête de turc » qui serait « saoul comme un polonais ».Aussi, la satire télévisée risquait-elle de n’avoir plus pour objet que les autres émissions télé : par une sorte d’accord tacite entre chaînes, chaque programme semblait n’être conçu que pour inspirer la satire de l’autre et le seul comique autorisé devenait celui du « zapping ». Ou alors (puisque ce sont traditionnellement les groupes se sentant forts qui osent se moquer d’eux mêmes) l’auto flagellation était en passe d’être la manifestation du pouvoir. Résultat, la pratique du comique dressait une nouvelle barrière de classe : si jadis on reconnaissait les maîtres à ce qu’ils se permettaient de brocarder les esclaves, aujourd’hui ce serait les esclaves que l’on reconnaîtrait comme ayant seuls le droit de railler les maîtres.

Mais on a beau ridiculiser le nez de De Gaulle, les rides d’Agnelli ou les canines de Mitterrand, on pressent que ces derniers resteront toujours plus puissants que ceux qui les moquent ; or, le comique est cruel, impitoyable par vocation, il veut un idiot du village qui soit vraiment débile, afin que, en riant de lui, nous puissions affirmer notre supériorité sur son incurable déficience.

Il fallait une solution, on la trouva. Impossible de caricaturer l’idiot du village, ce serait antidémocratique. Soit. En revanche, il est tout à fait démocratique de lui donner la parole, de l’inviter à se présenter lui-même, en direct (ou à la première personne , ainsi que disent justement les idiots du village). Comme dans les vrais villages, on saute la médiation de la représentation artistique. On ne rit pas de l’auteur qui imite l’ivrogne, on paie directement à boire à l’alcoolo, et on rit de sa dépravation.Le tour est joué. Il suffisait de se rappeler que, entre autres éminentes qualités, l’idiot du village est exhibitionniste, mais surtout que nombreux sont ceux qui, pour satisfaire leur propre exhibitionnisme, sont prêts à endosser le rôle d’idiot du village.

Jadis, si, en pleine crise conjugale, un étranger avait étalé au grand jour leur lamentables querelles, les époux auraient intenté un procès en diffamation, au nom du bon vieux dicton qui veut qu’on lave son linge sale en famille. Mais lorsque le couple en vient à accepter voire à solliciter la faveur de représenter en public sa sordide histoire, qui a encore le droit de parler de morale ?Et voici l’admirable inversion de paradigme à laquelle nous assistons : exit le personnage du comique brocardant le débile inoffensif, starisation du débile en personne, tout heureux d’exhiber sa propre débilité. Tout le monde est content : le gogol qui s’affiche, la chaîne qui fait du spectacle sans avoir à rétribuer un acteur, et nous qui pouvons à nouveau rire de la stupidité d’autrui, en satisfaisant notre sadisme.

Nos écrans pullulent désormais d’analphabètes fiers de leur baragouin, d’homosexuels se plaisant à traiter de « vieille pédale » leurs homologues, d’ensorceleuses sur le retour arborant leurs charmes décatis, de chanteurs experts en couacs, de bas-bleus affirmant « l’oblitération palingénésique du subconscient humain », de cocus contents, de savants fous, de génies incompris, d’écrivains publiants à compte d’auteur, de journalistes donnant des baffes et de présentateurs les recevant, heureux de penser que l’épicier du coin en parlera le lendemain.Si l’idiot du village s’exhibe en jubilant, nous pouvons rire sans remords. Rire du débile est redevenu « politically correct ». »

Umberto Eco,
Comment voyager avec un saumon

sábado, 4 de febrero de 2012

Comparatisme 3D



Désormais disponible dans les librairies hexagonales ou par commande via mail sur info@limproviste.com



LE COMPARATISME, UN UNIVERS EN 3D ?
Antonio DOMÍNGUEZ LEIVA, Sébastien HUBIER et Frédérique TOUDOIRE-SURLAPIERRE

Prôner un nouveau comparatisme en 3D, ce n’est pas sacrifier à la dernière prouesse de la technique à la mode, c’est réclamer plus de profondeur pour le regard et plus de relief pour l’objet contemplé. L’ambition de ce livre est double et s’inscrit dans le contexte historique immédiatement contemporain.
D’une part, en plaçant l’avenir de la Littérature Comparée dans la continuité historique d’une réflexion sur la culture et sur les modalités de son interprétation ; d’autre part, en montrant que la notion de littérature (et les formes d’expression artistiques qui l’accompagnent) est inséparable d’une réflexion sur les instruments de compréhension d’une culture contemporaine, sans doute en crise, mais toujours mouvante.


Si l´ouvrage s´intéresse à quantité d´aspects inhérents aux nouveaux regards sur les pratiques et les théories de la Littérature Comparée, la question des interactions entre cultures populaires et cultures savantes y est particulièrement importante, ainsi que celle des rapports entre le littéraire et le transmédiatique contemporain au sens large





Antonio Domínguez Leiva est professeur à l’UQAM (Montréal) et l’auteur de travaux sur l’histoire culturelle de la cruauté et de l’érotisme.

Sébastien Hubier enseigne à l’université de Reims et au campus transatlantique de l’Institut d’Études Politiques de Paris. Il est l’auteur d’ouvrages portant sur les représentations culturelles de l’intimité, notamment dans le champ érotique.

Frédérique Toudoire-Surlapierre est professeur en Littérature Comparée à l’université de Haute-Alsace. Elle a publié plusieurs livres consacrés à la critique, aux littératures nordiques, au théâtre et aux rapports entre littérature et arts