
Pour ceux et celles qui ne veulent ou ne peuvent, pour des raisons d`emploi du temps, lire les 13 095 pages (soit  environ 2 100 000 mots) de l`
Artamène ou le Grand Cyrus de Madeleine et Georges de Scudéry nous présentons directement la fin du roman, où tous les conflits et contradictions sont enfin résolus. Pour le reste on peut se demander s`il y a jamais eu quelqu`un qui aie eu le courage et l`oisiveté de lire jusqu`à là...
"Mais enfin le jour destiné à l'entiere felicité de Cyrus estant arrivé, le 
Temple où la Ceremonie de son Mariage se devoit faire fut esclairé de mille 
Lampes magnifiques ; toutes les Rues d'Ecbatane furent tendues de riches Tapis 
de Sidon ; on esleva encore de Arcs et des Obelisques à la gloire de Cyrus et de 
Mandane, depuis le Palais jusques à ce Temple : dont les Inscriptions meslant 
l'Amour à la Guerre, ne parloient pas moins de la grandeur de la passion de 
Cyrus, que de celle de ses Conquestes. Une harmonie admirable fit retentir 
toutes les Voutes du Temples, pendant toute la Ceremonie : qui eut toute la 
magnificence que meritoient ceux pour qui elle estoit faite. Jamais on n'avoit 
tant veû de Rois, et de Princes en mesme lieu, qu'il s'en trouva en celuy-là : 
et jamais le Bandeau Royal n'avoit esté porté de meilleure grace que Cyrus le 
portoit. Pour Mandane elle avoit sur le visage toute la Majesté qu'il falloit 
pour occuper dignement le premier Thrône du Monde : et sa beauté parut si 
esclattante le jour de cette celebre Feste, qu'elle surpassa d'autant toute 
celle de autres Dames, que la bonne mine, l'esprit, la valeur, et la vertu de 
Cyrus, surpassoient le merite de tous les autres hommes. Aussi furent ils l'un 
et l'autre l'objet de l'admiration de tous ceux qui les virent sur un superbe 
Throsne qu'on avoit eslevé au milieu du Temple : et ils le surent encore 
davantage, lors qu'estant retournez au Palais apres la Ceremonie de leur 
Mariage, ils y reçeurent les Complimens de tout ce qu'il y avoit de plus Grand 
et de plus illustre au Monde. Cette Feste ne fut pourtant pas honnorée de la 
presence du Prince Mazare : car ne se tentant pas l'ame assez ferme, pour voir 
avec tranquilité la felicité de son Rival, tout son amy qu'il estoit devenu, il 
partit pour s'en retourner en son Pais, la nuit qui preceda le Mariage de Cyrus 
: et ne se trouva point ny au magnifique Festin que Ciaxare fit dans son Palais, 
ny au Bal qui le suivit. Mais en partant, il laissa une Lettre pour Cyrus, et 
une pour Mandane : et il leur escrivit d'une maniere qui redoubla si fort 
l'estime et l'amitié qu'ils avoient pour ce Prince, que s'il eust pû deviner 
leurs sentimens, il en eust eu beaucoup de consolation. Aussi meritoit il qu'ils 
les eussent : car il leur demandoit pardon de sa foiblesse ; il assuroit à 
Mandane qu'il ne se marieroit jamais ; et il disoit à Cyrus que comme il n'avoit 
point d'Heritiers, il pretendoit que ceux qui devoient estre ses Sujets fussent 
un jour les tiens : afin que Mandane peust regner sur les Saces, comme elle 
regnoit dans son coeur. La douleur qu'ils eurent du départ de Mazare, ne les 
empescha pourtant pas de s'estimer infiniment heureux, de voir que les Dieux 
avoient rendu leurs fortunes inseparables : et de voir qu'ils estoient unis d'un 
lien si indissoluble, qu'il n'y avoit plus que la mort qui les pûst separer. Les 
trois jours qui suivirent cette grande Ceremonie, furent encore des jouis de 
Feste, et de réjouissance : les quatre qui suivirent furent destinez au Mariage 
de Myrsile, d'Intapherne, d'Atergaris, et d'Hidaspe : et durant un Mois ce ne 
furent que divertissemens publics dans cette grande Cour, où tous les plaisirs 
se trouvoient alors. Cyrus sçeut en ce temps là, que Thomiris estoit retournée 
aux Tentes Royales : et qu'Agathyrse s'estant jetté dans Issedon, s'en estoit 
fait declarer Roy, sans que la Reine des Massagettes se preparast à le renverser 
du Thrône, tant elle estoit accablée par la douleur qui la possedoit : et 
qu'ainsi Elybesis estoit devenuë Sujete de celuy à qui elle avoit fait une 
infidellité, dans l'esperance d'estre Reine. Apres cela il reçeut des 
Deputations de tous les Royaumes qu'il avoit conquis ; de toutes les Villes 
principales, qui estoient sous son obeïssance, et de tous les Princes qui 
estoient ses Tributaires. Ainsi il en eut de Babilone, de Suse, de Sardis, 
d'Ephese, de Cumes, de Sinope, de Themiscire, d'Artaxate, d'Apamée, de Gnide, et 
de beaucoup d'autres. Ceux qui s'estoient soûlevez contre Arsamone, luy 
envoyerent aussi des Deputez, pour luy offrir la Couronne de Pont et de Bithinie 
: et il en eut en particulier d'Heraclée, et de Chrysopolis. Le Roy de Phrigie 
luy envoya des Ambassadeurs, avec des presens magnifiques : la Reine Tarine, 
Mere du Prince Mazare, fit la mesme chose : le Prince de Cilicie en fit autant : 
le Roy d'Armenie de mesme : le Prince Phyloxipe envoya aussi se réjouir avec 
Cyrus de ce que l'Oracle que la Princesse de Salamis avoit reçeu, avoit esté 
heureusement accomply en sa personne. Amasis Roy d'Egypte, le Prince Sesostris 
son Fils, et la belle Thimarete y envoyerent aussi. Le Prince Thrasibule renvoya 
encore vers Cyrus : le Roy d'Hicanie, et le Prince Meliante firent la mesme 
chose : Pittacus enfit autant : et tous les autres Sages qu'il avoit presque 
tous connus en Grece luy escrivirent : pour luy tesmoigner la joye qu'ils 
avoient de voir que la Fortune avoit rendu justice a sa vertu. Apres quoy 
Cambise et la Reine sa Femme retournerent à Persepolis, où ils ne firent plus 
que prier les Dieux : quoy que Cyrus ordonnait à Adusius qu'il envoya pour 
commander en Pense, de prendre leurs conseils en toutes choses. Tigrane Se 
Onesile s'en retournerent à Artaxate, charmez de la vertu de Cyrus, et de celle 
de Mandane : où Silamis leur Parent les suivit. Intapherne avec la Princesse de 
Bithinie, s'en alla à Chrysopolis, avec la qualité de Roy Tributaire que Cyrus 
luy donna. Atergatis, et Istrine, suivirent Gadate : Hidaspe, et Arpasie, s'en 
allerent avec Gobrias : le Prince Artamas, retourna vers sa chere Palmis : 
Cresus, Myrsile et Doralise, demeurerent à la Cour de Cyrus, le Prince de 
Paphlagonie espousa Telagene, et s'en retourna en son Païs : Chrysante eut le 
Gouvernement de la Lydie : Aglatidas eut celuy de Babilone : Ligdamis eut celuy 
d'Ephese, et s'en retourna trouver sa chere Cleonice : Araspe eut celuy de 
Capadoce, quand il fut revenu de Persepolis : Thrasimede eut celuy de Carie, car 
les Cariens se soûmirent volontairement à Cyrus : Feraulas demeura attaché a la 
Personne de ce Prince, et espousa mesme Martesie quelque temps apres : Megabise 
fut envoyé en une partie de l'Arabie, qui se donna a Cyrus : et ce Grand Prince 
eut enfin tant de recompenses a donner par la grandeur de ses Conquestes, qu'il 
n'y eut aucun de tous ceux qui l'avoient servy, qui ne fust satisfait de sa 
liberalité. Ciaxare le fut mesme tousjours de s'estre démis de la Souveraine 
puissance : quoy que ce ne soit pas la coustume de faire une semblable action 
sans s'en repentir. Ainsi le plus Grand Prince du Monde, apres avoir esté le 
plus malheureux de tous les Amans, se vit le plus heureux de tous les hommes : 
car il se vit possesseur de la plus grande Beauté de l'Asie, de la plus 
vertueuse Personne de la Terre ; et d'une Personne encore de qui le grand esprit 
sur passoit la grande beauté : et qui respondit si tendrement à sa passion, dés 
que la vertu le luy permit, qu'il eut lieu de croire qu'il estoit autant aimé 
qu'il aimoit. De plus, comme Cyrus fit encore d'autres Conquestes, il vit son 
Estat borné du costé de l'Orient, parla Mer Rouge : de celuy de l'Occident par 
l'Isle de Chypre et par l'Egypte : du Septentrion, par le Pont Euxin : et du 
Midy par l'Ethiopie. Il eut encore l'avantage de se voir Maistre de tous les 
Thresors de David, de Salomon, et de Cresus : et il se vit plus couvert de 
gloire, que jamais nul autre Prince n'en avoit esté couvert. Il sçeut mesme si 
bien l'art de jouïr de tous les plaisirs innocens, qu'en demeurant durant 
l'Automne, et durant l'Hiver à Babilone ; durant le Printemps à Suse : et durant 
l'Esté à Ecbatane ; il estoit presques dans un Printemps eternel, sans sentir 
jamais ny la grande incommodité du froid, ny celle du chaud. De plus, ce Grand 
Prince eut encore la gloire d'avoir mis un si bel ordre dans son Estat, et 
d'avoir estably de si belles Loix, et pour la Guerre, et pour la Paix ; qu'il a 
merité d'estre proposé pour Modelle à tous les Princes qui l'ont suivy : et pour 
achever sa felicité, le Ciel voulut qu'elle ne fust plus troublée d'aucune sorte 
de malheur, pendant le reste de sa vie. Ainsi on peut assurer, que depuis que la 
Fortune et l'Amour ont fait des hommes heureux, ils n'en ont jamais fait de plus 
heureux que Cyrus le fut, depuis le jour qu'il monta sur un Thrône si eslevé, 
qu'il n'y en avoit point d'autre en toute la Terre qui ne fust beaucoup au 
dessous..."