domingo, 3 de marzo de 2013

La Singesse

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La Singesse


Donc voici! Moi, Poète, en ma haute sagesse

respuant l’Eve à qui le Père succomba

j’ai choisi pour l’aimer une jeune singesse

au pays noir dans la forêt de Mayummba

Fille des mandrills verts, ô guenuche d’Afrique,

je te proclame ici la reine et la Vénus

quadrumane, et je bous d’une hardeur hystérique

pour les callosités qui bordent ton anus.

C’était dans la forêt vierge, sous les tropiques

où s’ouvre en évantail le palmier chamœrops ;

dans le soir alangui d’effluves priapiques

stridait, rauque, le cri des nyctalomerops ;

l’heure glissait, nocturne, où gazelles, girafes,

couaggas, éléphants, zèbres, zébus, springbocks,

vont boire aux zihouas sans verre ni carafes

laissant l’homme pervers s’intoxiquer de bocks ;

sous les cactus en feu tout droits comme des cierges

des lianes rampaient (nullement de Pougy) ;

autant que la forêt ma singesse était vierge ;

de son sang virginal l’humus était rougi.

Le premier j’écartai ses lèvres de pucelle

en un rut triomphal, oublieux de Malthus,

et des parfums salés montaient de son aisselle

et des parfums pleuvaient des larysacanthus.

Elle se redressa, fière de sa blessure,

à demi souriante et confuse à demi ;

le rugisssement fou de notre jouissure

arrachait au repos le chacal endormi.

Sept fois je la repris, lascive ; son oeil jaune

clignotait langoureux, tour à tour, et mutin ;

la Dryade, amoureuse, au bras du jeune Faune

a moins d’amour en fleurs et d’esprit libertin !

Toi, fille des humains, triste poupée humaine

au ventre plein de son, tondeuse de Samson,

Dalila, Bovary, Marneffe ou Célimène,

contemple mon épouse et retiens sa leçon :

mon épouse est loyale et très chaste et soumise,

et j’adore la voir aux matins ingénus,

le cœur sans artifice et le corps sans chemise,

au soleil tropical montrer ses charmes nus ;

elle sait me choisir ignames et goyaves ;

lorsque nous cheminons par les sentiers étroits,

ses mains aux doigts velus écartent les agaves,

tel un page attentif marchant devant les rois,

puis dans ma chevelure oublieuse du peigne

avec précaution elle cherche les poux,

satisfaite pourvu que d’un sourire daigne

la payer, une fois, le Seigneur et l’Epoux.

Si quelque souvenir de douleur morte amasse

des rides sur mon front que l’ennui foudroya,

pour divertir son maître elle fait la grimace

grotesque et fantastique à délecter Goya !

Un étrange rictus tord sa narine bleue,

elle se gratte d’un geste obscène et joli

la fesse puis s’accroche aux branches par la queue

en bondissant, Footitt, Littl-Tich, Hanlon-Lee !

Mais soudain la voilà très grave ! Sa mimique

me dicte et je sais lire en ses regards profonds

des vocables muets au sens métaphysique

je comprends son langage et nous philosophons :

elle croit en un Dieu par qui le soleil brille,

qui créa l’univers pour le bon chimpanzé

puis dont le Fils-Unique, un jour, s’est fait gorille

pour ravir le pécheur à l’enfer embrasé !

Simiesque Iaveh de la forêt immense,

ô Zeus omnipotent de l’Animalité,

fais germer en ses flancs et croître ma semence,

ouvre son utérus à la maternité

car je veux voir issus de sa vulve féconde

nos enfants libérés d’atavismes humains,

aux obroontchoas que la serpe n’émonde

jamais, en grimaçant grimper à quatre mains !…

Et dans l’espoir sacré d’une progéniture

sans lois, sans préjugés, sans rêves décevants,

nous offrons notre amour à la grande Nature,

fiers comme les palmiers, libres comme les vents !!!

Georges Fourest

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