viernes, 1 de noviembre de 2013

Malko Linge bande encore




"À mi-chemin, ils commencèrent à entendre de la musique, puis ils arrivèrent dans une boite de nuit au décor ultramoderne, presque vide. Un orchestre de jazz, installé sur un podium derrière le bar, jouait pour une poignée de consommateurs installés dans un box sombre. Prativa montra en souriant une inscription en népalais.
            Cela signifie : " Ne fumez pas de ganja dans cet établissement ", dit-elle. Mais personne n'y fait attention. Comme pour souligner son propos, elle ouvrit son sac et en tira un magnifique pétard.
            Vous avez du feu? demanda-t-elle avec un sourire dévastateur.
          Malko s'exécuta et la flamme du Zippo armorié enveloppa le pétard gros comme un cigare. Prativa aspira la fumée et la rejeta lentement.
            C'est bon! On continue au champagne?
            Ce n'était pas le moment de la contrarier. Malko était bien décidé à lui extorquer le nom de sa " source ". Cinq minutes plus tard, un maître d'hôtel, figé de respect pour un client aussi munificent, déposait sur la table une bouteille de Taittinger Comtes de Champagne, nettement moins poussiéreuse que celle de Chez Caroline. Il repartit sans sembler voir la fumée noirâtre du pétard.
             
            Prativa se jeta avidement sur les bulles, vidant deux flûtes coup sur coup. Elle commençait à onduler au rythme de la musique, visiblement très loin du massacre royal. Ce qui ne faisait pas l'affaire de Malko. Car, si la jeune femme disait la vérité, les soupçons de Langley se vérifiaient, avec une implication déplaisante et imprévue: le rôle des " Cousins ". Lesquels, volontairement, auraient lancé Malko sur une fausse piste. À moins qu'Andrew Teck soit lui-même manipulé par les Népalais.
            On danse? proposa Prativa, arrachant Malko à ses réflexions.
            Il y avait déjà deux couples sur la piste, les filles en jean. C'était un blues plein de langueur et Prativa s'abandonna très sensuellement dans les bras de Malko. La soie du sari était si fine qu'il pouvait sentir toutes les courbes de son corps. Sa lourde poitrine s'écrasait contre l'alpaga de sa veste. Il posa sa main sur sa peau nue, entre le boléro et la longue jupe et, aussitôt, Prativa se serra encore plus contre lui. Leurs visages se frôlaient et il eut très vite envie d'écraser la grosse bouche rouge et gonflée qui semblait l'appeler silencieusement. Mais il fallait se tenir. Si la ganja était tolérée, le flirt semblait nettement moins admis. A côté d'eux, les couples dansaient sagement à un mètre l'un de l'autre. Une des danseuses lança un regard furibond à Prativa, incrustée sans vergogne contre Malko, qui commençait, même sans ganja, à s'échauffer sérieusement. Réaction que sa cavalière ne pouvait pas ignorer.
             
            Les blues faisant place à une musique plus trépidante, Prativa regagna leur box, avec un balancement des hanches à enflammer un mort. Malko remplit sa flûte de Taittinger. Elle but lentement, savourant chaque bulle, avant de demander, pleine d'innocence :
            Je ne vous choque pas ? demanda-t-elle, avant de reprendre son pétard.
            Ses yeux brillaient dans la pénombre et elle était vraiment très excitante avec cette énorme bouche peinte à la main et cette poitrine lourde qui se soulevait un peu trop vite.
            À cause de la ganja? demanda Malko. Non, bien sûr, mais je voudrais bien que vous me disiez qui vous a assuré que le prince Dipendra ne s'était pas suicidé.
            Elle souffla lentement la fumée.
            Plus tard, peut-être. Ce soir, je veux me détendre. Il regarda les bagues qui brillaient à presque chaque doigt de ses mains.
            Vous aimez les pierres de couleur, remarqua-t-il. Prativa Thapa baissa les yeux sur ses mains.
            Oui. Mais c'est surtout pour me protéger des mauvaises influences astrologiques. Chaque couleur représente une planète. Le vert, c'est Saturne, le rouge Vénus, le jaune Mars. Tout le monde fait cela. Au Népal, nous sommes très superstitieux. Il y a tellement d'influences invisibles. D'ailleurs, tous les gurus avaient prédit une catastrophe pour cette année.
             
            D'autres couples étaient arrivés. C'était un peu moins mort. Ils se resservirent du champagne. A cause du bruit, il devenait difficile de se parler. Au bout d'un moment, Prativa écrasa dans le cendrier ce qui restait de son joint et proposa :
            On rentre?
            Elle était déjà debout. Malko abandonna une très grosse poignée de roupies et la suivit. Elle montait l'escalier en colimaçon avec un déhanchement volontairement provocant. Le chauffeur de la Toyota dormait à son volant. Prativa lui jeta quelques mots et il partit à toute allure dans les rues désertes. Après dix heures du soir, Katmandou ressemblait à une " ghost town ". À part quelques " check points " de police, il n'y avait pas un chat. Soudain, le chauffeur s'engagea dans un boyau sombre et Malko reconnut la rue où demeurait la jeune femme. Ils s'arrêtèrent devant sa maison et, d'une voix naturelle, Prativa suggéra :
            Renvoyez le chauffeur. Vous prendrez un taxi pour rentrer à l'hôtel.
             
            Prativa Thapa occupait un appartement au premier étage d'une villa sans grâce entourée d'un jardin en friche. Lorsqu'elle alluma, Malko découvrit un petit living-room avec deux canapés, des murs couverts de peintures et un sol recouvert de tapis tibétains.
            Asseyez-vous, proposa-t-elle, désignant un grand canapé recouvert de coussins.
            Elle se mit à allumer des bâtonnets d'encens plantés dans de petits vases, et enclencha une cassette de musique étrange, inconnue de Malko. Puis elle disparut et revint avec un flacon de cristal.
            Je vais vous faire goûter le " poison " népalais, dit elle avec un sourire.
             
            Cela ressemblait à du saké japonais. Prativa en avala deux grandes rasades et s'assit en tailleur face à Malko. Pendant un moment, ils se laissèrent bercer par la musique. Puis, peu à peu, la jeune femme s'anima. D'abord sa tête se mit à dodeliner, puis son torse commença à onduler lentement. Elle avait fermé les yeux. Lorsque ses paupières se soulevèrent, Malko reçut le choc de deux prunelles noires comme éclairées de l'intérieur. Prativa le fixait d'un regard hypnotique, absent. Soudain, elle fit glisser le sari de ses épaules, découvrant le boléro assorti qui semblait prêt à éclater sous la pression de ses seins. Les longues pointes moulées par la soie ressemblaient à des doigts. Le torse droit, Prativa se mit à faire onduler ses épaules, en une danse immobile d'une sensualité incroyable. Malko en avait la bouche sèche. Tout doucement, la jeune femme commença à effleurer de ses mains couvertes de bagues la soie du boléro, comme pour faire gonfler encore plus ses seins. Son regard était vrillé dans celui de Malko et il n'avait qu'à allonger le bras pour la toucher.
            La tentation était trop forte. Il tendit la main et effleura les pointes dressées sous la soie. Prativa eut un sursaut.
            Doucement, dit-elle, très doucement.
             
            Il obéit. Ses doigts tournèrent autour des longues pointes, puis plus bas. Prativa respirait profondément, son regard toujours fiché dans le sien. Soudain, elle lui prit les deux mains et les posa au centre du boléro. Il sentit sous ses doigts des crochets et comprit ce qu'elle désirait. Un par un, il les défit et le boléro s'ouvrit sous la pression des seins, les découvrant presque entièrement. Lourds, fermes, la peau cuivrée, tombant très légèrement. D'un geste gracieux des épaules, Prativa se débarrassa alors du boléro. Elle laissa Malko jouer avec ses seins quelques instants puis recula imperceptiblement. Docile, il n'insista pas. Autant se plier de bonne grâce à cette leçon pratique de Kamasoutra. Le regard de Prativa s'abaissa sur son ventre.
            Déshabillez-vous, dit-elle d'une voix égale. Puis remettez-vous dans la même position.
            Intrigué, Malko obéit, ne gardant que son érection.
            Repliez vos jambes sous votre corps, intima de sa voix douce la jeune femme, posez vos mains à plat sur vos genoux.
             
            La position du lotus. Où voulait-elle en venir? S'il s'était écouté, il se serait rué sur elle et l'aurait violée là, à même le tapis tibétain. La musique continuait, avec un rythme de tambourins très doux. Prativa commença à se balancer légèrement d'avant en arrière, ses mains en coupe soutenant ses seins. Malko attendait, le sexe douloureux à force de tension. Torse nu, enveloppé à partir de la taille dans son sari, Prativa combinait érotisme et pudeur.
             
            Malko avait des crampes à force de rester immobile, mais il avait l'impression que le seul regard de la jeune femme posé sur lui renforçait son érection. Comme elle était assise à même le sol, plus bas que lui, il réalisa que sa bouche était à peu près à la hauteur de son sexe dressé, ce qui aiguisait encore son désir. Désormais, il suivait avidement les balancements de son buste car, peu à peu, la grosse bouche rouge se rapprochait de lui. Enfin, elle l'effleura, si légèrement qu'il se demanda s'il n'avait pas rêvé. Mais, quelques instants plus tard, il sentit, comme une brûlure, l'extrémité d'une langue raidie effleurer son gland gonflé de sang. La sensation fut si forte qu'il faillit éjaculer sur-le-champ. Cela devenait une torture raffinée.
             
            Prativa se balançait d'avant en arrière de plus en plus vite. Brusquement, Malko se souvint d'un film en noir et blanc où une très jeune Indienne en sari se livrait au même manège, mais face à un cobra royal et sacré. Lequel se balançait également. Finalement, la bouche de la jeune femme effleurait la gueule du serpent en un immonde baiser...
             
            Il bloqua sa respiration, se concentrant sur le visage hiératique de Prativa dont le regard hypnotique ne le lâchait pas. Maintenant, les effleurements étaient de plus en plus rapprochés. Si fugitifs cependant qu'il n'avait pas le temps d'en profiter... Les grosses lèvres rouges se refermèrent une fraction de seconde sur lui et il poussa un cri rauque. Mais déjà le balancier humain s'était éloigné. La fois suivante, ce fut une langue qui l'enveloppa le temps d'un éclair. Il sentait la sève monter de ses reins, était au bord de l'explosion, mais n'osait pas bouger pour ne pas rompre le charme.
            Prativa le picorait à la façon d'un oiseau.
            Encore un frôlement. Cette fois, c'en fut trop. Il se sentit partir. Au même moment, la bouche s'abattit à nouveau sur lui, mais cette fois, au lieu de l'effleurer, les lèvres épaisses l'engloutirent jusqu'à la racine.
             
            Malko poussa un cri sauvage et se vida d'un coup dans la bouche qui, enfin, restait serrée autour de son sexe. Impossible de savoir s'il aurait joui de toute façon à cet instant précis ou si cette caresse avait enfin déclenché son plaisir. 'Penchée en avant, Prativa avalait sa semence, impassible, sans même que ses mains l'aient touché.
             
            Il avait la sensation de ne plus être qu'un énorme court-circuit... Enfin, la bouche se retira avec lenteur. Il bandait toujours autant, mais se sentait pourtant totalement apaisé. Son fantasme de posséder Prativa sur le tapis s'était évanoui avec son orgasme. Il se détendit d'un coup. La jeune femme le regardait gravement.
            C'est bien, approuva-t-elle, vous avez été courageux. Beaucoup d'hommes ne tiennent pas jusqu'au bout. Ceux-là, je ne les revois jamais..."


In Memoriam Gérard de Villiers (8 décembre 1929- 31 octobre 2013)
SAS Le roi fou du Népal




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