domingo, 8 de marzo de 2015

Les habitants du Merryland


Des anciens et nouveaux habitants, de leurs manières, coutumes, etc.
L'on sait que le Merryland fut habité dès la chûte d'Adam, et que sans ce premier père il n'aurait pu s'y former de colonie. Après lui les patriarches en cultivèrent le terrain avec soin. David et Salomon y firent de fréquents voyages, un nombre infini de nos rois ont honoré cette contrée de leur auguste présence et de leur protection spéciale. François Ier chez les Français, Charles II chez les Anglais, furent avec le Merryland dans une étroite alliance; ce qui le mit - de leur temps extrêmement en honneur. Il ne fut pas méprisé de leurs successeurs : quelques-uns d'eux y ont goûté bien des plaisirs, et très-souvent le succès des affaires qui se traitaient à leurs conseils, dépendait de l'état où étaient les choses dans la partie du Merryland qu'ils avaient le plus affectionnée. Nous avons eu des ministres qui s'inquiétaient beaucoup moins de ce qui regardait leur patrie, que de ce qui concernait leur contrée, et qui prenaient plus de soin pour en conserver les dépendances en bon état. Plusieurs évêques aussi préféraient à leur évêché un bénéfice à simple tonsure dans le Merryland.  
A présent ses habitants sont sans nombre, de tout état, de toute religion, de toutes nations, ce qui en doit varier nécessairement ' les mœurs et coutumes. Les uns, sacrifiant tout aux plaisirs, le respirent sur leur visage, l'excitent par leurs manières : ils sont hardis, téméraires, quoiqu'ils deviennent ensuite bas et rampants, abattus, accablés par un exercice au-dessus de leurs forces. D'autres sont autant adonnés au plaisir dans le particulier et raffinent même sur la variété et le choix, qu'ils affectent au dehors une gravité sévère et une imposante retenue. Il en est qui, ne pouvant entrer dans aucune province du Merryland, l'esprit rempli des plaisirs qu'on y goûte, se les procurent en quelque façon eux-mêmes, par un secret qu'ils tiennent d'un dieu. Combien qui, aimant la liberté, vont partout faire l'éloge de l'inconstance. Ceux-ci, qui partout ailleurs, étaient partisans de l'économie et de la frugalité, quand une fois ils sont dans le Merryland, donnent tout ce qu'ils ont, souvent le fruit de longues épargnes, ne réservent rien, et se glorifient même de cette prodigalité. Ceux-là font trophée de leurs forces et de leur port superbe, ils lèvent leurs têtes altières, et se vantent partout que rien ne peut la leur faire baisser; on ne leur saurait adresser de compliment plus flatteur que de les comparer à Béhémoth, dont il est dit au livre de Job : « Sa force est dans ses reins, il a sa queue comme un cèdre ».
Homère nous a donné une belle description de leur hardiesse dans l'entreprise et de leur intrépidité dans l'assaut. On peut le peindre par ces mots :
Il étonne, il menace, il écume de rage,
Et s'il tombe, sa chûte est due à son courage.
C'est une coutume bien remarquable des originaires du pays, du moment qu'ils vienment au monde, ils abandonnent la terre où ils sont nés, ei n'y retournent jamais. Ils errent jusqu'à l'âge de quatorze ou quinze ans, alors ils cherchent un autre centre du Merryland, et s'en emparent à la première occasion; mais rentrer une seconde fois dans l'endroit qui leur a donné le jour, est regardé comme un crime affreux, et la loi le punit sévèrement. On ne connaît qu'un homme qui l'ait osé commettre. Il en devint aveugle. * Lorsqu'on prend possession d'un terrain, l'on observe communément certaines cérémonies singulières : par exemple, on se prosterne la face tournée vers laterre, disant à demi-voix quelque oraison vive, animée, à la louange du sol qu'on a choisi; ensuite on étend les mains en signe de saisine ou possession; on y fait passer la charrue, et l'on enfonce le soc dans son sein aussi profondément que l'on peut. Observons que le laboureur est ordinairement porté sur ses genoux, quelques-uns se tiennent debout, mais l'autre façon est plus généralement reçue. Une autre chose digne d'attention, c'est la coutume observée chez les gens les plus gais, et qui célèbrent souvent des fêtes amoureuses ; lorsqu'ils entament une bouteille, ils commencent par boire à la santé du Merryland, et c'est une maxime invariable que si quelqu'un ne boit pas à tasse pleine, il doit être regardé comme mauvais con
frère. Pour faire ressouvenir de ce devoir, j'ai vu gravés sur des coupes au dessous du nom de cette province :
Hic quicunque legis nomen amabile,
Pleno, læto que cyatho salutem bibes ;
Sic tibi res amatoriœ prosperæ cedant ;
Tua sic coronat vota Cupido.
Vous qui lirez ce nom aimable,
Buvez avec plaisir rasade en son honneur :
Votre amante, à ce prix, vous sera favorable,
L'amour même saura couronner votre ardeur.
Comme il se trouve des habitants dont le génie est cultivé, les arts libéraux y sont en grande réputation. La philosophie, surtout la physique expérimentale y sont en grand honneur. La médecine et la chirurgie y ont aussi beaucoup fleuri. Au sujet du commerce les grandes richesses qu'un honnête négoce attire dans quelques autres provinces, sont une preuve qu'il n'y est point négligé.
Ce pays a souvent inspiré et même formé un grand nombre d'excellents poëtes, qui, en récompense, ont bien marqué dans leurs ouvrages l'estime et l'amour particulier qu'ils lui portaient, et en ont chanté les louanges avec une reconnaissance digne d'éloge. Un d'eux a dit :
Hic aetatis nostræ primordia novit, Annos felices, laetitiœque dies, Hic locus ingenuus pueriles imbuit annos Artibus, et nostrœ laudis origo fuit. Tandis que nous étions dans cette douce enceinte, On préparait nos jours de gloire et de bonheur ; Nos talents ébauchés du grand portaient l'empreinte, Et le double moyen pour les mettre en valeur."

Description topographique, historique, critique et nouvelle du pays et des environs 
de la Forêt Noire 
située dans la province du Merryland

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