lunes, 13 de mayo de 2013

Lebensraum Martien

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Enfin, là-bas, tout là-bas, une ligne indécise apparut qui, peu à peu, devint distincte, grandit, s'allongea et finit par barrer l'horizon uniformément bleu, d'une teinte d'ocre légèrement orangée.
C'était le rivage oriental du canal où bientôt le bâtiment ne tarda pas à aborder.
(...) Tout à coup, ils aperçurent un véritable fourmillement d'êtres vivants arrachant du sol des masses formidables de terre qu'ils chargeaient dans des ballons semblables à celui qui avait été chercher les Terriens sur Phobos. D'énormes machines fonctionnaient silencieusement, mises en action par des sortes de piles thermo-électriques, transformant en énergie électrique les rayons solaires.
Aussi loin que la vue pouvait s'étendre, on apercevait le même fourmillement occupé à creuser, dans le continent martien, une tranchée de plusieurs kilomètres de large.
—Singulière idée que de découper ainsi leur planète, grommela Farenheit.
Cependant Fricoulet écoutait avec une stupéfaction grandissant à chaque seconde, les explications que lui donnait Aotahâ, dans son laconique langage.
—Il paraît que c'est en vue d'une guerre prochaine qu'ils accomplissent ces gigantesques travaux, dit l'ingénieur en répondant à l'exclamation de l'Américain.
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—Une guerre? s'écria Ossipoff... Une guerre! avez-vous dit!—Quoi! ce fléau que je considérais comme la conséquence fatale de l'état de barbarie dans lequel nous sommes encore plongés, ce fléau terrible, hideux, abominable, existe dans ces contrées que je croyais arrivées au summum du progrès et de la civilisation!
Et, en proie à un découragement étrange, le vieillard laissa tomber sa tête entre ses mains.
En sa qualité d'ingénieur, Fricoulet était prodigieusement intéressé par les travaux qui s'accomplissaient devant lui, pour ainsi dire à vue d'œil, et soudain, une question qu'il formula aussitôt, se posa devant son esprit.
—Tous ces déblais, demanda-t-il au Martien, qu'en faites-vous?
—Vous voyez ces ballons, répondit Aotahâ; sitôt chargés, ils partent pour Phobos... Phobos faisait autrefois partie d'un de ces astéroïdes qui existaient entre Mars et Jupiter; c'était un rocher ne mesurant pas plus d'une demi-lieue de diamètre. Lorsqu'il eût été saisi par notre attraction, on songea à l'utiliser en y établissant le dépôt des déblais causés par le creusement des canaux.
—Quelque chose comme une «décharge» des boues et immondices d'une grande ville, murmura Gontran, auquel son ami venait de traduire la réponse du Martien.
Puis, aussitôt:
—Mais, si l'on continue longtemps comme cela, la planète finira par être transportée tout entière sur son satellite.
Fricoulet se prit à rire.
—Heureusement, dit-il, que l'apogée de ces grands travaux est passée.

Sitôt chargés, ces ballons partent port Phobos.
—Qu'en sais-tu? demanda M. de Flammermont d'un ton narquois.
—Schiaparelli le sait pour moi, répliqua l'ingénieur,... ses études, pendant la dernière apparition de Mars, lui ont révélé que le nombre des canaux demeurait stationnaire et que...
Sa phrase fut coupée en deux par une exclamation d'Ossipoff.
—Je regrette vivement, dit le vieillard en se frottant les mains, que Fédor Sharp ne soit pas ici!—Quand je pense qu'un jour, à l'Institut des Sciences, il nous a embêtés pendant plusieurs heures, pour nous prouver que ces canaux martiens n'étaient autre chose qu'une sorte de cadastre de cultures collectives sur un globe «arrivé à la période d'harmonie!»
Il se tut, se frotta les mains avec énergie et ajouta:
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—Quel nez il ferait s'il connaissait la destination belliqueuse de ces travaux de nature si pacifique—selon lui!
Puis, après un moment, ressaisi par ses pensées humanitaires:
—Ainsi, murmura-t-il avec amertume, on se bat encore sur Mars!
Fricoulet, auquel Aotahâ venait de fournir une longue explication, se tourna vers le vieillard.
—Ce n'est point, lui dit-il, un reste de barbarie, comme vous pourriez le croire, mais un produit fatal, inévitable, de la civilisation exagérée à laquelle est parvenu le monde sur lequel nous vivons.
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—C'est du paradoxe, ou je ne m'y connais pas! s'écria Gontran.
—Je suis assez de l'avis de M. de Flammermont, dit à son tour Farenheit.
—Avant de se prononcer, fit Ossipoff d'une voix sentencieuse, il faut connaître les faits.
Alors, répétant ce qu'avait dit leur guide, l'ingénieur raconta que la guerre, sur le monde de Mars, était une guerre nécessaire, indispensable, se faisant d'un commun accord, entre les peuples de la planète.
Plusieurs siècles auparavant, dans un congrès tenu par des délégués de toutes les nations martiennes, la suppression de la guerre avait été décidée; un tribunal international avait été nommé, chargé de juger en dernier ressort, tous les différends qui pourraient s'élever, à l'avenir, entre les peuples frères.
Pendant une longue suite de siècles, les décisions de ce tribunal eurent force de lois, le monde de Mars vécut dans un état de paix inaltérable et porta tous ses efforts vers le perfectionnement des arts et des sciences, des sciences surtout, les seules capables de permettre à l'humanité de surprendre les secrets de la nature.
Malheureusement, grâce au progrès accompli en toutes choses, la médecine devint tellement puissante, que toutes les maladies, tous les fléaux qui exerçaient autrefois, à la surface de la planète, des ravages terribles, mais nécessaires, devinrent impuissants; on n'avait même plus besoin de les combattre, on les prévenait: de là, un excès terrible de population.
Les continents qui avaient commencé par devenir trop petits, pour nourrir tous les habitants, finirent par avoir une surface insuffisante à les contenir même.
On créa des villes maritimes, des agglomérations aériennes; on inventa des aliments factices en extrayant de l'air, de l'eau, des minéraux eux-mêmes, les principes nutritifs et indispensables au renouvellement des forces martiennes.
Bientôt, tous ces expédients devinrent insuffisants, et les désastres que produisait autrefois la guerre ne furent rien auprès de ceux que la famine engendra.
Alors, comme cela avait eu lieu plusieurs siècles auparavant, toutes les nations du globe martien envoyèrent à la Ville-Lumière des délégués qui, réunis en congrès, décidèrent, à l'unanimité, le rétablissement de la guerre.
Mais comme, depuis longtemps, les peuples étaient habitués à se considérer comme frères et que, d'un autre côté, la civilisation avait chassé de l'âme des souverains tous les sentiments qui les faisaient jadis s'armer les uns contre les autres, le congrès décida de réglementer la guerre.
Il fut en conséquence établi que, quatre fois par siècle, deux nations, désignées à l'avance par un aréopage international, se mesureraient l'une contre l'autre, de manière à ramener la population martienne à un chiffre en rapport avec la superficie des continents.
—Voilà pourquoi, dit Fricoulet en terminant son récit, tous les cinquante ans, après avoir, par un dénombrement, fixé le chiffre des victimes, on met, dans un champ clos destiné à cet usage, les deux nations que le sort a désignées et qui s'égorgent pour le bien de l'Humanité.
—C'est horrible! fit Séléna.
—Je ne suis pas de votre avis, répliqua l'ingénieur; dans ces luttes humanitaires, il n'y a ni vainqueurs, ni vaincus... l'appât de la gloire n'y entre pour rien, mais seulement le désir de vivre, et le chiffre des victimes une fois atteint, on vit en paix, cultivant les arts et les sciences jusqu'à ce que la décision du congrès vous remette de nouveau en présence.
—Au moins, de cette façon, dit à son tour Gontran, ceux qui luttent meurent sans arrière-pensée, sans redouter de laisser leur famille et leur foyer à la merci d'un vainqueur impitoyable.
—Fort juste, grommela Farenheit... seulement, dans toute cette histoire, je n'ai point vu qu'il fût question de canal.
—Ce canal est tout simplement destiné à transporter sur le lieu de la lutte les combattants désignés par le tribunal suprême.
Un éclair brilla dans la prunelle de M. de Flammermont.
—Va-t-il donc y avoir prochainement une guerre? demanda-t-il.
—Le mois qui vient; à ce que m'a dit notre guide.
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—Nous en serons, hein! sir Jonathan! s'écria le jeune comte.
By God! grommela l'Américain en serrant les poings, cela me rappellera la guerre de Sécession!..."


G. Le Faure et H. de Graffigny
Aventures extraordinaires d'un savant russe

jueves, 18 de abril de 2013

Ouha, Roi des Singes

http://www.heberger-mes-photos.com/is.php?i=235086&img=1090DSCN0418.JPG
« Le silence s´est fait, tandis que Ouha, majestueux, lentement, s´assied, un pied posé à la même hauteur que son ventre, l´autre pendant sur le tronc décapité d´un arbre double, dont le deuxième fût forme le dossier d´une étrange cathèdre : c´est le trône du roi, au centre presque de la clairière, juste au-dessous de la lune, dont le disque rit, comme de regarder la bizarre assemblée, du haut du firmament de lapis sombre, lazuli pailleté d´or.

Les femmes, sur un signe de Ouha –orang-outang polygame qui prend ses épouses parmi les compagnes et les égales de l´homme –se sont assisses devant lui, et c´est comme un vivant trophée de sa gloire simiesque que caressent ses yeux de braises (…).

En des attitudes diverses, les orangs écoutaient, ou mieux suivaient la mimique de la harangue royale. Il en était de pareils à des viaillards chenus, dont blanchissait le poil, le collier de barbe en brosses rudes de chaque côté des bajoues (…) D´autres, accoudés, affectaient des poses graves et lasses, laissaient choir leurs crânes presque entre leurs genoux écartés, comme pliés sous le faix de graves pensées : certains girouettaient de la face, semblaient inattentifs et railleurs, babouinaient inlassablement, en plissant leurs mufles noirs, bruns, roux, fauves, gris, sur de terribles mâchoires cliquetantes. Quelques-uns semblaient perdus en des abrutissements loitains, puis, sortant de leur apathie, approuvaient avec des gestes de salut, de leurs mains applaudisseuses, vers Ouha tendues.

Plusieurs, bouffons, se grattaient le derrière et les plus sérieux, soudaint obscènes, se caressèrent mutuellement ou eux-mêmes, sans se départir de leur mine soucieuse. Et l´exemple, manuel et contagieux de quelques-uns, se propagea de groupe à groupe. Par esprit d´imitation, la luxure grandissait, s´épanouissait. Des spasmes subits, des grimaces joyueuses ou des soupirs béats rompaeint un instant une immobilité vite reprise.

Mabel Smith pensait assister à un sabbat inattendu, troublée quand même par ces gestes, effarée surtout par la ressemblance des faces simiesques avec les figures humaines, la parité des signes qu´on aurait dit d´homme saffolés. Elle doutait d´être, ou non, hallucinée bizarrement d´assister, avec la sensation de l´éveil, à un cauchemar à la fois grotesque et terrible en sa bouffonnerie : un sénat d´hommes déguisés en singe, et qui, par excentricité, se livreraient à des parodies de sérieuses discussions, coupées de gageures lubriques, de folies, de gestes et d´exclamations patriotiques furibondes, brisées, zigzaguées, comme un nuage d´éclairs, de menaces, de colères, de cris exrpimant, à l´exagération, toutes les émotions humaines… »

F. Champsaur
Ouha, Roi des Singes

martes, 16 de abril de 2013

Pahouains et bakalais

 http://www.cabinetmagazine.org/issues/39/smith_avramescu_1.jpg

"On s'était battu, au commencement de l'hivernage, avec les bakalais habitant, à l'ouest, le cours inférieur de la rivière, à propos de mauvaises défriches dont on se disputait la possession, quand plus haut, plus bas, à droite, à gauche, se trouvait la savane illimitée, plus fertile, mieux cultivable, complétement libre. La raison vraie, cette réclamation de terre n'étant qu'un prétexte, c'est que chaque tribu désirait enrichir, aux dépens de
sa voisine, son garde-manger de chair humaine.

Vainqueurs, les guerriers pahouins ramenaient une douzaine de prisonniers au clos d'équarrissage, tandis que leurs épouses, qui les avaient de loin encouragés au combat, se précipitaient sur le champ de victoire où, de mœurs simples et n'ayant pas encore acquis le goût raffiné des viandes faisandées, elles dédaignaient les morts pour achever, débiter et emporter ceux des blessés dont les morceaux restaient présentables. Les cuisines fumaient, les potages bouillaient, les étuvés gazouillaient, les rôtis rissolaient, et c'était surtout, les
enfants toute la journée pelant les légumes pour l'assaisonnement, une orgie de bakalais aux carottes. De pauvres vieux anémiés retrouvaient leur vigueur d'adultes; des rachitiques guérissaient de tristes petites filles, non encore mariées à cause de la hideur de leur ventre ballonné, récupéraient assez d'énergie pour expulser, d'un coup, les paquets d'helminthes dont elles étaient farcies.

Jusqu'au moment où on les servait comme pièces de résistance, dans des repas publics intelligemment espacés afin que les convives évitassent de trop rapprocher leurs indigestions, les prisonniers étaient soumis à un engraissement progressif, bien soignés, maintenus en stabulation permanente.

Enchaînés par le cou au fond de la halle du conseil des grands dignitaires, on les détachait pour qu'ils se dégourdissent les membres sous l'œil de nombreux surveillants on les forçait à s'amuser, à .gambader, à rire, sous peine des verges; on les lavait, épilait, oignait d'huile de palme, par tout le corps, ainsi que des petites maîtresses, et on ne les brutalisait que dans leur intérêt. L'un d'eux, manquant à sa dignité de bétail royal, refusant toute nourriture, exprès pour maigrir et faire niche aux cuisiniers, on l'empêchait de dépérir davantage en le faisant cuire tout vif à petit feu. Et ses compagnons même applaudissaient à son sort.

Joueurs loyaux, ils eussent, vainqueurs, savouré du pahouin; vaincus, le pahouin les savourerait. Résignés donc à la volonté d'Amara-Widdah-Boulou, le grand serpent qui a pondu le monde et dont les anneaux dans leurs nœuds font rouler le soleil et la lune, les bakalais chantaient, se gavaient toute la journée, luttant d'orgueil à qui s'offrirait le mieux entrelardé sur la table du banquet.

Jan avait souvent déjà maudit l'anthropophagie, en particulier durant son premier séjour, lorsque, sur le point d'être mangé, il avait plaidé avec toute la chaleur qu'un tempérament même moins ardent que le sien eût mis à une cause aussi personnelle, instituant des conférences dans lesquelles, son maigre dictionnaire des langues africaines l'obligeant à suppléer par des gestes aux trois quarts des paroles, il s'était élevé àl'éloquence des plus illustres pantomimes. Il avait cessé en voyant un jour Akérawiro, son plus fidèle auditeur, l'écouter et
l'applaudir tout en décrottant, avec ses dents, un os de gigot humain. Très calme, le roi avait pondu à ses reproches:

- Soit, mon cher féticheur blanc, c'est une mauvaise habitude, mais elle est si ancienne que l'abandonner serait manquer de respect aux innombrables générations qui nous l'ont transmise. La tradition, mon cher, la tradition Et dans le respect de la tradition, voyez-vous, tout se soude, se relie. J'accorde la vie à mes ennemis c'est un détail qui a l'air insignifiant, n'est-ce pas? Eh bien, qui sait si demain mes propres sujets, c'est-à-dire
mon bien, mon héritage, ma marchandise, ne me blâmeront pas d'user d'eux à ma guise, ne regretteront pas que je les donne en pâture à Irro, mon lion favori, qui pourtant ne veut goûter à rien autre chose? Continuez donc vos discours, ils m'intéressent. A moins que vous ne préfériez partager mon modeste déjeuner. Comment! Que je perde mon trône, si je comprends votre effroi. Du moment que je tue un bakalais, n'est-ce pas lui prouver que je lui pardonne son crime d'être bakalais, que de le manger moi-même, au lieu de
le laisser à Hou-Tou-Vah, l'éternel, l'indépendant, l'immuable,'l'infini ?

Jan se renseignant sur ce formidable Hou-Tou-Vah, le roi avait achevé

-Hou-Tou-Vah, Celui qui est. Au ciel, sur la terre, en tous lieux. Celui dont même la Bible, ce livre des blancs que vous me lisiez, exalte la grandeur souveraine le roi des rois, l'incréé, c'est-a dire de rien.

Hou-Tou-Vah Jéhovah s'écria Jan ému.
 
Non, Hou-Tou-Vah, Celui qui sans nombril, sans pieds, sans yeux, sans oreilles et sans bouche,
naît de tout, toujours pareil à Lui-même, va partout, voit, entend et dévore tout.

Eh bien oui, Jéhovah!

Non, Hou-Tou-Vah, le dieu des asticots.

Se rappelant une vieille phrase clichée sur la  morale ou plutôt les morales qui changent selon  les latitudes, ne sachant en outre que répondre au nègre insistant pour savoir quelle différence un  blanc peut trouver entre manger son ennemi mort ou le laisser manger par les vers, Jan s'était tu, moins encore pour éviter toute nouvelle discussion que les incessantes obsessions du premier ministre, lequel le suppliait de lui faire l´honneur d'épouser sa femme, pour le temps de son séjour parmi eux. Tout ce qu'il avait obtenu, c'est que lui présent, son ami Akérawiro ne se livrât plus, ni ne  laissât aucun des siens se livrer à de telles gourmandises.  Aussi réclame-t.il, en surprenant aujourd'hui les apprêts pour la manducation du dernier
prisonnier le village en émoi, les casseroles et les jarres de terre alignées devant chaque porte, le
bûcher dressé au milieu de la grande rue. 
 
Aké-rawiro s'excuse la visite de l'ami blanc étant inopinée, comment lui cacher la fête? Le pire, c'est  qu'il ne peut la retarder, ses femmes ayant invité de nombreuses amies. Mais Jan n'écoute plus;  indigné d'une sainte fureur en apercevant le bakalais qui contemple d'un ceil stupide les préparatifs  de sa cuisson, il s'élance, le délie, lui dit qu'il est libre. L'autre, qui n'a jamais vu de blanc, demeure  un instant idiot, puis suppose celui-ci convié au banquet, s'affole à l'idée de passer dans l'estomac  d'un monstre pâle, lui saute dessus, le mord terriblement à la main, à l'épaule, le mordait à la gorge  si Jan, perdant la tête, ne lui fendait pas la sienne
d'un coup de hache. C'est sa première difficulté avec un sauvage; elle lui semble d'un fâcheux présage pour la suite de ses travaux; il pleure en entendant les hurlements affamés dont la foule accompagne les marmitons emportant le cadavre, et pleure plus fort en recevant les félicitations des  sacrificateurs sur son adresse ils lui conseillent seulement de ne plus frapper au crâne en semblable occurrence ça abîme la cervelle, morceau
de choix.





Emile Dodillon, Hémo

viernes, 5 de abril de 2013

Les Comprachicos



I
Qui connait à cette heure le mot comprachicos ? et qui en sait le sens ?
Les comprachicos, ou comprapequeños, étaient une hideuse et étrange affiliation nomade, fameuse au dix-septième siècle, oubliée au dix-huitième, ignorée aujourd'hui. Les comprachicos sont, comme «la poudre de succession», un ancien détail social caractéristique. Ils font partie de la vieille laideur humaine.
Pour le grand regard de l'histoire, qui voit les ensembles, les comprachicos se rattachent à l'immense fait Esclavage. Joseph vendu par ses frères est un chapitre de leur légende. Les comprachicos ont laissé trace dans les législations pénales d'Espagne et d'Angleterre. On trouve ça et là dans la confusion obscure des lois anglaises la pression de ce fait monstrueux, comme on trouve l'empreinte du pied d'un sauvage dans une forêt.
Comprachicos, de même que comprapequenos, est un mot espagnol composé qui signifie «les achète-petits».
Les comprachicos faisaient le commerce des enfants.
Ils en achetaient et ils en vendaient.
Ils n'en dérobaient point. Le vol des enfants est une autre industrie.
Et que faisaient-ils de ces enfants ?
Des monstres.
Pourquoi des monstres ?
Pour rire.
Le peuple a besoin de rire ; les rois aussi. Il faut aux carrefours le baladin ; il faut aux louvres le bouffon. L'un s'appelle Turlupin, l'autre Triboulet.
Les efforts de l'homme pour se procurer de la joie sont parfois dignes de l'attention du philosophe,
Qu'ébauchons-nous dans ces quelques pages préliminaires ? un chapitre du plus terrible des livres, du livre qu'on pourrait intituler : l'Exploitation des malheureux par les heureux.

II
Un enfant destiné à être un joujou pour les hommes, cela a existé. (Cela existe encore aujourd'hui.) Aux époques naïves et féroces, cela constitue une industrie spéciale. Le dix-septième siècle, dit grand siècle, fut une de ces époques. C'est un siècle très byzantin ; il eut la naïveté corrompue et la férocit délicate, variété curieuse de civilisation. Un tigre faisant la petite bouche, Mme de Sévigné minaude à propos du bûcher et de la roue. Ce siècle exploita beaucoup les enfants ; les historiens, flatteurs de ce siècle, ont caché la plaie, mais ils ont laiss voir le remède, Vincent de Paul.
Pour que l'homme-hochet réussisse, il faut le prendre de bonne heure. Le nain doit être commencé petit. On jouait de l'enfance. Mais un enfant droit, ce n'est pas bien amusant. Un bossu, c'est plus gai.
De là un art. Il y avait des éleveurs. On prenait un homme et l'on faisait un avorton ; on prenait un visage et l'on faisait un mufle. On tassait la croissance ; on pétrissait la physionomie.
Cette production artificielle de cas tératologiques avait ses règles. C'était toute une science. Qu'on s'imagine une orthopédie en sens inverse. Là où Dieu a mis le regard, cet art mettait le strabisme. Là où Dieu a mis l'harmonie, on mettait la difformité. Là où Dieu a mis la perfection, on rétablissait l'ébauche. Et, aux yeux des connaisseurs, c'était l'ébauche qui était parfaite. Il y avait également des reprises en sous-oeuvre pour les animaux ; on inventait les chevaux pies ; Turenne montait un cheval pie.
De nos jours, ne peint-on pas les chiens en bleu et en vert ? La nature est notre canevas. L'homme a toujours voulu ajouter quelque chose à Dieu, L'homme retouche la création, parfois en bien, parfois en mal. Le bouffon de cour n'était pas autre chose qu'un essai de ramener l'homme au singe. Progrès en arrière. Chef-d'oeuvre à reculons. En même temps, on tâchait de faire le singe homme. Barbe, duchesse de Cleveland et comtesse de Southampton, avait pour page un sapajou. Chez Françoise Sutton, baronne Dudley, huitième pairesse du banc des barons, le thé était servi par un babouin vêtu de brocart d'or que lady Dudley appelait «mon nègre». Catherine Sidley, comtesse de Dorchester, allait prendre séance au parlement dans un carrosse armorié derrière lequel se tenaient debout, museaux au vent, trois papions en grande livrée. Une duchesse de Medina-Coeli, dont le cardinal Polus vit le lever, se faisait mettre ses bas par un orang-outang. Ces singes montés en grade faisaient contrepoids aux hommes brutalisés et bestialisés. Cette promiscuité, voulue par les grands, de l'homme et de la bête, était particulièrement soulignée par le nain et le chien. Le nain ne quittait jamais le chien, toujours plus grand que lui.
Le chien était le bini du nain. C'était comme deux colliers accouplés. Cette juxtaposition est constatée par une foule de monuments domestiques, notamment par le portrait de Jeffrey Hudson, nain de Henriette de France, fille de Henri IV, femme de Charles Ier.
Dégrader l'homme mène à le déformer. On complétait la suppression d'état par la défiguration. Certains vivisecteurs de ces temps-là réussissaient très bien à effacer de la face humaine l'effigie divine. Le docteur Conquest, membre du collège d'Amen-Street et visiteur juré des boutiques de chimistes de Londres, a écrit un livre en latin sur cette chirurgie à rebours dont il donne les procédés.
A en croire Justus de Carrick-Fergus, l'inventeur de cette chirurgie est un moine nomm Aven-More, mot irlandais qui signifie Grande Rivière.
Le nain de l'électeur palatin, Perkeo, dont la poupée-ou le spectre-sort d'une boîte à surprises dans la cave de Heidelberg, était un remarquable spécimen de cette science très variée dans ses applications.
Cela faisait des êtres dont la loi d'existence était monstrueusement simple : permission de souffrir, ordre d'amuser.

III
Cette fabrication de monstres se pratiquait sur une grande échelle et comprenait divers genres.
Il en fallait au sultan ; il en fallait au pape. A l'un pour garder ses femmes ; à l'autre pour faire ses prières. C'était un genre à part ne pouvant se reproduire lui-même. Ces à peu près humains étaient utiles à la volupté et à la religion. Le sérail et la chapelle Sixtine consommaient la même espèce de monstres, ici féroces, là suaves.
On savait produire dans ces temps-là des choses qu'on ne produit plus maintenant, on avait des talents qui nous manquent, et ce n'est pas sans raison que les bons esprits crient à la décadence.
On ne sait plus sculpter en pleine chair humaine ; cela tient à ce que l'art des supplices se perd ; on était virtuose en ce genre, on ne l'est plus ; on a simplifié cet art au point qu'il va bientôt peut-être disparaître tout à fait. En coupant les membres à des hommes vivants, en leur ouvrant le ventre, en leur arrachant les viscères, on prenait sur le fait les phénomènes, on avait des trouvailles ; il faut y renoncer, et nous sommes privés des progrès que le bourreau faisait faire à la chirurgie.
Cette vivisection d'autrefois ne se bornait pas à confectionner pour la place publique des phénomènes, pour les palais des bouffons, espèces d'augmentatifs du courtisan, et pour les sultans et papes des eunuques, Elle abondait en variantes. Un de ces triomphes, c'était de faire un coq pour le roi d'Angleterre.
Il était d'usage que, dans le palais du roi d'Angleterre, il y eût une sorte d'homme nocturne, chantant comme le coq. Ce veilleur, debout pendant qu'on dormait, rôdait dans le palais, et poussait d'heure en heure ce cri de basse-cour, répété autant de fois qu'il le fallait pour suppléer à une cloche. Cet homme, promu coq, avait subi pour cela en son enfance une opération dans le pharynx, laquelle fait partie de l'art décrit par le docteur Conquest. Sous Charles II, une salivation inhérente l'opération ayant dégoûté la duchesse de Portsmouth, on conserva la fonction, afin de ne point amoindrir l'éclat de la couronne, mais on fit pousser le cri du coq par un homme non mutilé. On choisissait d'ordinaire pour cet emploi honorable un ancien officier. Sous Jacques II, ce fonctionnaire se nommait William Sampson Coq, et recevait annuellement pour son chant neuf livres deux schellings six sous.
Il y a cent ans à peine, à Pétersbourg, les mémoires de Catherine II le racontent, quand le czar ou la czarine étaient mécontents d'un prince russe, on faisait accroupir le prince dans la grande antichambre du palais, et il restait dans cette posture un nombre de jours déterminé, miaulant, par ordre, comme un chat, ou gloussant comme une poule qui couve, et becquetant à terre sa nourriture..
(...)
IV
Le commerce des enfants au dix-septième siècle se complétait, nous venons de l'expliquer, par une industrie. Les comprachicos faisaient ce commerce et exerçaient cette industrie, Ils achetaient des enfants, travaillaient un peu cette matière première, et la revendaient ensuite. (...)
Vous masquer à jamais avec votre propre visage, rien n'est plus ingénieux. Les comprachicos travaillaient l'homme comme les chinois travaillent l'arbre. Ils avaient des secrets, nous l'avons dit. Ils avaient des trucs. Art perdu. Un certain rabougrissement bizarre sortait de leurs mains. C'était ridicule et profond. Ils touchaient à un petit être avec tant d'esprit que le père ne l'eût pas reconnu. Quelquefois ils laissaient la colonne dorsale droite, mais ils refaisaient la face. Ils démarquaient un enfant comme on démarque un mouchoir.
Les produits destinés aux bateleurs avaient les articulations disloquées d'une façon savante. On les eût dit désossés. Cela faisait des gymnastes.
Non seulement les comprachicos ôtaient à l'enfant son visage, mais ils lui ôtaient sa mémoire. Du moins ils lui en ôtaient ce qu'ils pouvaient. L'enfant n'avait point conscience de la mutilation qu'il avait subie. Cette épouvantable chirurgie laissait trace sur sa face, non dans son esprit. Il pouvait se souvenir tout au plus qu'un jour il avait été saisi par des hommes, puis qu'il s'était endormi, et qu'ensuite on l'avait guéri.
Guéri de quoi ? il l'ignorait. Des brûlures par le soufre et des incisions par le fer, il ne se rappelait rien. Les comprachicos, pendant l'opération, assoupissaient le petit patient au moyen d'une poudre stupéfiante qui passait pour magique et qui supprimait la douleur. Cette poudre a été de tout temps connue en Chine, et y est encore employée à l'heure qu'il est, La Chine a eu avant nous toutes nos inventions, l'imprimerie, l'artillerie, l'aérostation, le chloroforme.
Seulement la découverte qui en Europe prend tout de suite vie et croissance, et devient prodige et merveille, reste embryon en Chine et s'y conserve morte. La Chine est un bocal de foetus.
Puisque nous sommes en Chine, restons-y un moment encore pour un détail. En Chine, de tout temps, on a vu la recherche d'art et d'industrie que voici : c'est le moulage de l'homme vivant. On prend un enfant de deux ou trois ans, on le met dans un vase de porcelaine plus ou moins bizarre, sans couvercle et sans fond, pour que la tête et les pieds passent. Le jour on tient ce vase debout, la nuit on le couche pour que l'enfant puisse dormir.
L'enfant grossit ainsi sans grandir, emplissant de sa chair comprimée et de ses os tordus les bossages du vase. Cette croissance en bouteille dure plusieurs années. A un moment donné, elle est irrémédiable. Quand on juge que cela a pris et que le monstre est fait, on casse le vase, l'enfant en sort, et l'on a un homme ayant la forme d'un pot.
C'est commode ; on peut d'avance se commander son nain de la forme qu'on veut."
Victor Hugo,
L´Homme Qui Rit

miércoles, 3 de abril de 2013

Physiologie des bienheureux

 

"La lecture des traités médiévaux sur l´intégrité et sur les propriétés du corps des ressuscités est (…) particulièrement instructive. Le problème que les pères de l´Église devaient aborder était celui de l´identité entre le corps ressuscité et celui qui était échu à l´homme de son vivant. Une telle identité semblait en effet impliquer que toute la matière qui avait appartenu au corps du mort dût ressusciter et reprendre sa place dans l´organisme bienheureux. Mais c´est justement là que commençaient les difficultés. Si, par exemple, un voleur –ultérieurement repenti et racheté- avait été amputé d´une main, celle-ci devait-elle se recoller au corps au moment de la résurrection ? Et –se demande Thomas d´Aquin- la côte d´Adam dont le corps d´Ève a été formé ressuscitera-telle en celui-ci ou chez Adam ? D´autre part, selon la science médiévale, les aliments se transforment en chair vivante grâce à la digestion ; dans le cas d´un athropophage, qui s´est nourri d´autres corps humains, cela devrait impliquer que dans la résurreciton une même matière doive être réintégrée en plusieurs individus. Que dire également des cheveux et des ongles ? Et du sperme, de la sueur, du lait, des urines et autres sécrétions ? Si les intestins ressuscitent –argumente un théologien-, ils devront ressusciter soit vides, soit pleins. S´ils sont pleins, cela signifie que même les excréments ressusciteront ; s´ils sont vides, on aura alors un organe dépourvu de toute foncion naturelle.

Le problème de l´identité et de l´intégrité du corps ressuscité se change ainsi bien vite en celui de la physiuologie de la vie bienheureuse. Comment devront être conçues les fonctions vitales du corps paradisiaque ? Pour s´orienter sr un terrain si accidenté, les pères disposaient d´un paradigme précieux : le corps édénique d´Adam et d´Ève avant la chute. « Ce que Dieu a palnté dans les délices de la béatitude et de la félicité éternelles », écrit Scot Érigène, « est la nature humaine même créée à l´image de Dieu ». La physiologie du corps bienheureux pouvait se présenter, dans cette perspective, comme une restauration du corps édénique, archétype de la nature humaine interrompue. Cela impliquait, cependant, des conséquences que les pères n´étaient psa en mesure d´accepter intégralement Certes, comme l´avait expliqué Augustin, la sexualité d´Adam avant la chute ne ressemblait pas à la nôtre, vu que ses parties génitales pouvaient être mues volontairement comme les mains ou les pieds, de sorte que l´union sexuelle pouvait avoir lieu sans qu´elle eût aucunement besoin d´être aiguillonée par la concupiscence. Quant à la nouttirure adamique, elle était infiniment plus noble que la nôtre, parce qu´elle consistait seulement en fruits cuiellis sur les arbres du paradis. Mais même ainsi, comment concevoir le rôle des parties génitales –ou même sexuellement des aliments- chez les bienheureux ?

Si l´on admettait, en effet, que les resssuscités utilisent la sexualité pour se reproduire et des aliments pour se nourrir, cela impliquait que le nombre et la forme corporelle des hommes s´accroîtraient ou varieraient à l´infini et qu´il existerait alors d´innombrables bienheureux qui n´auraient pas vécu avant la résurreciton et dont l´humanité serait par conséquent impossible à définir. Les deux principales foncions de la vie animale –la nutrition et la génération- sont affectées à la conservation de l´individu et de l´espèce ; mais, après la résurrection, le genre humain atteindrait un nombre préétabli et, en absence de la mort, ces deux fonctions deviendraient complètement inutiles. En outre, si les ressuscités continuaient à manger et à se reproduire, le paradis ne serait jamais assez grand non seulement pour les contenir tous, mais aussi pour recueillir leurs excréments, au point de justifier l´invective ironique de Guillaume de Paris : Maledicta Paradisus in qua tantum cacatur ! »

G. Agamben
L´Ouvert. De l´homme et de l´animal

King Kong´s Penis Redux

 http://thefilmist.files.wordpress.com/2009/09/kingkong1.jpg?w=580

"Fay´s attitude toward Kong´s penis is a ticklish problem. On the one hand there is the purely bestial part of it (the lesser part, we might say). On the other, there are several metaphorical tensions. Let us take them in order. Fay, the rather ordinary virgin of the masses, is terrified of Kong´s penis, which is huge. No normal girl wants to make love with a giant gorilla (yet, how often will a woman describe her lover affectionately as a “big gorilla” or a "hairy ape”?). But Fay, the woman of wisdom through nightmare, is aware that the loss of Kong´s penis, although it would probably have killed her as it thrilled her, is tragic. It is a loss that will haunt her all her life. She grows from one woman into the other as she sees Kong change from monster supreme to victim supreme. Kong beings as horror and ends as martyr, and in the process his penis is humanized (tenderized). The impossible union between Fay and Kong is symbolic of mankind´s fatal impasse, the dream of paradise lost irrevocably. However, this particular symbolic inference is complicated by several other factors, notably the idea that Kong is the black man violating American womanhood and the idea that Kong is the emerging (and rampant) Third World nations. With the first we suffer from colossal penis envy and ego collapse, for we sense Fay´s attraction in spite of herself. In the latter, we have violated Kong´s sanctuary and brought him back for profit and display, and now he threatens (literally) to screw us. Kong is the classic myth of racist and imperialist repression and anxiety. Carl Denham is the white entrepreneur par excellence. Like Rappaccini in his noxious garden, he fosters evil into being.
(…)
King´s sex organ (seen, dreamed, inferred, or guessed at) is indicative of our fear of his creative energy. Our destruction of him is confession of our limited imagination. His death will weigh on us more heavily than his life and it is part of his power that he will be continuously resurrected (by us, in fact) (…) In this respect, we can say that Kong leaps sexually erect into New York city´s streets directly from our nightmares of guilt. We have created him and can no longer awaken from him. (…) We are ambivalent about her and Kong. Hence a frequently suicidal madness that engulfs us. Given time, Fay in her understanding might well have come to love Kong physically, might well have accommodated herself (as the sex books tell us) to Kong´s penis. But there is no time. Kong is killed and split into millions of Kongs. And they are coming at us without quarter.

What is needed to free Kong is for Fay Wray to give herself sexually to Kong out of love and trust. That alone would allow Kong to break through. That she does not do it is part of the tragedy of the story. Although Fay Wray does arrive at a deepness of womanhood at the end, it is a deepness with nowhere to go (…) She is the living memorial of the tragedy of loss. But just what would Kong have been freed into? (…) I don´t think that Kong would turn into a handsome prince as a result of union with Fay. Nor do I think that he would turn into, say, a dwarf or a pumpkin, though the ramifications are increasing. Perhaps he would just expire beautifully, or disappear, and it would all be with the seed (so large) he would leave in Fay. Jesus, son of Kong! Or something like. Fay, then would become the bearer of mankind´s redemption. A chance to regain Paradise. For sure Adam in the Garden is not so remote from Kong. Would not he, too, have been inarticulate with confusion and rage in the New World? Would not he, too, have been cornered atop the Empire State Building for daring to walk the streets with his penis erect? His affront to civilization would never have been tolerated (...) Kong is godlike in in his unprogenitured existence. We cannot say Kong, son of. We can only say Kong is and Kong was. And therein lie much history and sorrow”.

K. Bernard, "King Kong: A Meditation"

viernes, 22 de marzo de 2013

How big is King Kong´s Penis?




"In a recent meditation on King Kong and Tarzan of the Apes, I wrote the following: “We want Kong to grow big and approach the blonde maiden with blood-shot, lustful eyes”. There are several interesting problems here. For example, Fay Wray, the blonde maiden, who is to say she is a maiden? (Actually, she is not even blonde). When found by the impresario Carl Denham and taken to a waterfront café, she is alone and starving. She is down on her luck. She has come upon bad times. Denham clearly wants someone with nothing more to lose, and when he sees her there is a flash, or burst, of recognition. The cards, we can say, are pretty heavily stacked against maidenhood. Yet, surprisingly, Fay Way is a maiden, which gives this adventure much of its fairy-tale quality. 
We know this from a scene that is not (and could not be) in the movie but which obviously had to take place. For years the island savages have been giving maidens to Kong. They are not going to break with tradition simply because Fay Wray is white. The whiteness is merely an added spice, or sauce. She must be maiden and white. The scene not included in the movie is that wherein the chief, the elders, and the midwives of the tribe examine a naked Fay Wray gynecologically. As all those black fingers probe and poke Fay Wray, she must be thinking that nothing can be worse than this, just as in the waterfront café she had thought she could sink no lower. How rong she was and is. This limit to her imagination makes Kong´s initial appearance all the more devastating. Kong is literally beyond her wildest imaginings. It is worth noting that Fay´s first vision of Kong is an (arch) typical bride´s first night fantasy of her husband. When Kong appears, Fay Wray is severed forever from the civilization that bred her. The unspeakable has become life.
(…)
A second interesting point in the quotation is the oblique reference to Kong´s penis in the phrase “to grow big”. Exactly how big is Kong´s penis? It is a matter of monumental cultural and psychological interest. And a great mystery: for Kong´s penis is never shown; he is no common monkey in the zoo (Its abscence, of course, is the reason why it is dreamed about so much). It is quite possible that Denham, before he leaves the island with Kong, emasculates him (in another unfilmed episode) to assure his docility later on (An interesting question here is, if this is so, what did the savages do with it or them? There is quite possibly an interesting totemic myth buried here). That might well explain Kong´s interest in the Empire State building later on. 
Realizing that he is without his penis or its generative power (…), and that there is something he cannot do with Fay Wray without it, he seeks to attach another penis to himself. Here his ape brain reveals itself (Question: Does Fay Wray have any inkling og what Kong intends? Probably, though only an inkling. Kong constantly shatters the limits of her nightmares. He plunges her from one insanity into another –but who is to say that heaven itself is not awaiting her within that final, absolute, insanity?) It this is so, we might well accuse Kong of certain immodesty. A penis (even erect) the size of the Empire State Building? But we cannot be sure, for we have never seen it. There is, however, some slight indirect evidence of size. When Kong storms the walls that separate him from the savages, seeking his stolen maiden, with what does he batter them? It is definitely a possibility. But still, not Empire State dimension, not even the upper dome. We can only put that gesture down to a rage beyond all reason.
Which still leaves us with the problem of Kong´s penis. There is, of course, the peculiar behavior of Kong from the beginning. He obviously does not ravish Fay Wray immediately. He is not even sexually curious about her. How are we to explain his earl playfulness with her and his later libidinous determination? (he has not chosen the Empire State idly). The answer, I think, is to be found in his age (…) During his voyage to America he arrives at puberty (…). But now there is no penis or penis power witht which to effect his end (assuming Denham´s butchery, which we need not) is that he very likely has little recollection of his penis and what its varying aspects were (question: Did Kong ever masturbate?).
(…) 
But we need not be equally at sea. A simple scientific approach will give us at least a reasonable working hypothesis. (…) Kong must be about 24 feet tall. Further, we can usually count on a six-foot man having a three-inch inert and six-inch erect penis. Assuming the validity of comparative anatomy, we can say therefore that Kong´s penis would be twelve inches inert and twenty-four inches, or two feet, erect. And this is a startling fact. Because it really doesn´t seem so very big. (…) Possibly it is some horrendous blue or purple, or pointed, or wickedly curved –but even these would have limited shock value. A more experienced woman than Fay might even, momentarily and in spite of herself, entertain the thought of what it would be like. So we are left with this fact: that the penis Kong ought to have is insufficient to cause the terror and anxiety he inspires. Therefore the penis Kong has is the one he ought not to have.
(…)
The entire drama of Kong is not built around his general size or destructiveness but around his relationship with Fay Wray. And the entire point of this relationship is that it is male and female, and that it aspires to the condition of consummation! The only question –and it harbors an anxiety that reaches into the very depth of our civilization- is When? When will Kong´s twenty-four-inch erect penis penetrate the white and virgin (and quivering) body of Fay Wray? And there, of course, we have the solution. It is easily conceivable that in these circumstances some people, perhaps many, would say, “Who cares?” Precisely. Twenty-four inches is not that awe-inspiring. But people say no such thing. It is obvious that Kong must exceed the estimates of comparative anatomy to inspire the universal dread that he does.

Kong´s penis, therefore, is at least six feet inert and twelve feet erect. In a state of sexual excitement it very likely rises over his head. That would certainly explain the battering at the savages´wall and it certainly explains the terror in New York City´s streets (…). And so, in the end, when Kong, haf-crazed by the bullets and frustration s he has experienced, identifies sexually with the Empire State Building, he is not, after all, being inmodest. He has sought only what all true lovers seek, in the only way that he could. He has brought his love to the threshold of his love and valiantly persevered to his last desperate breath. Dazed beyond recall, so near and yet so far, he loosens his grip, his fingers slip. No longer can he guide his newfound power into her. Kong cannot live erect in the New World.”

Kenneth Bernard
"King Kong: A Meditation"