viernes, 16 de septiembre de 2011

Le pensionnat de Humming-Bird Garden





Le pensionnat de Humming-Bird Garden



Le jardin ratissé, calme, offrait devant la haute maison ses pelouses vertes et ses allées géométriques aux jeux des petites filles. Quand je dis offrait, il eût fallu spécifier que c’était le jour. Or, il était nuit. La haute bâtisse se dressait trouée par trois fenêtres éclairées sur le fond parfaitement bleu de la nuit. À l’horizon, c’étaient des forêts animées par le frémissement du vent, retentissantes du cri des chouettes et des chats-huants, des plaintes des lapins assassinés (on trouve en tas leurs poils et leurs ossements sur le sol, au-dessous des nids de rapaces nocturnes), du travail sourd et souterrain des taupes, c’était l’océan sillonné de requins et de paquebots, croisé, non loin des côtes, par le va-et-vient des torpilleurs portant le pavillon de l’Union Jack, troublé par les vagues, les coups de queue des marsouins et les chocs d’épaves sur les récifs, égayé par des bals de crevettes et d’hippocampes, brillant de l’émigration des sardines et des anguilles, grouillant dans les rochers ténébreux de crabes et de langoustes, c’étaient des marais receleurs de cadavres, cadavres d’enlisés momifiés dans des poses horribles, cadavres d’assassinés jetés là par des bandits après exploration des poches et des bagages, c’étaient des routes blanches et des voies ferrées luisantes, c’était le rayonnement céleste d’une grande ville : Londres sans doute, visible réellement ou imaginable, de cette contrée d’Angleterre appelée comté de Kent.

Il était onze heures de la nuit. Un homme assez jeune se dirigeait à travers la forêt, péniblement en raison des racines et des fougères, vers cette bâtisse de briques rouges entourée de pelouses unies.

Peu à peu, des nuages montèrent de derrière les marais et remplirent le ciel. Nuages lourds de tonnerres futurs et receleurs d’éclairs. Des cris de haleurs venaient du côté de la mer.

À l’une des fenêtres de la bâtisse un bruit clair retentit. Bruit de claques sonores, bruit de fouet. Un cri s’éleva, puis plusieurs qui se confondirent bientôt en un gémissement monotone.

Dans une salle, une femme de trente-cinq ans, fort belle, brune à reflets roux, fouettait une fille de seize ans étendue en travers de ses genoux. Elle avait d’abord frappé avec la main. On distinguait encore l’empreinte rouge des cinq doigts sur la chair délicate. Le pantalon descendu emprisonnait de dentelles les genoux de la victime dont les cheveux dénoués voilaient le visage. La croupe frémissante se contractait spasmodiquement. Les empreintes de doigts disparaissaient peu à peu, remplacées par les zébrures rouges du martinet de cuir de la correctrice. Parfois, quand le cinglement avait meurtri particulièrement l’enfant, un bond la faisait sursauter davantage, les cuisses s’entrouvraient et c’était un spectacle sensuel qui émouvait une autre jeune fille, attendant dans un coin de la pièce son tour d’être châtiée.

Et voici que maintenant que l’éclair va paraître dans ce ciel évoqué, malgré sa noirceur, sur le papier blanc, je comprends pourquoi le tableau se composa de telle façon. La similitude de l’éclair et du coup de martinet sur la croupe blanche d’une pensionnaire de seize ans suscita seule la montée de la tempête dans l’impassible nuit qui recouvrait le pensionnat.

Pensionnat d’Humming-Bird Garden, tu te dressais depuis longtemps sans doute dans mon imagination, maison de briques rouges entourée de calmes pelouses, avec les dortoirs où les vierges sentant passer les fils de la vierge de minuit se retournent voluptueusement, sans s’éveiller, dans leurs lits, avec la chambre de la directrice, femme autoritaire et son arsenal de fouets, de verges et de cravaches, avec les salles de classes où les chiffres blancs sympathisent du fond du tableau noir avec les mystérieux graphiques dessinés dans le ciel par les étoiles, mais tandis que tu restais immobile dans un paysage de leçon de choses, l’orage de toute éternité montait derrière ton toit d’ardoise pour éclater, lueur d’éclair, à l’instant précis où le martinet de la correctrice rayerait d’un sillon rouge les fesses d’une pensionnaire de seize ans et éclairerait douloureusement, tel un éclair, les mystérieuses arcanes de mon érotique imagination. N’ai-je écrit cette histoire que pour évoquer votre ressemblance, éclair, coup de fouet ! et dois-je dresser l’apparence de cette nuit d’orage, sombre femme mais belle, avec ses seins évocateurs des rochers pointus du rivage, ses profonds yeux noirs, les boucles noires de ses cheveux et le teint identique aux prunes d’été, qui, brandissant un fouet cruel d’un bras robuste, en dépit du désordre de sa robe sombre, désordre qui révèle ses admirables seins et sa cuisse musclée, poursuit une marche majestueuse et fait naître le respect.

Dans la chambre éclairée du pensionnat, le châtiment tire à sa fin. La fillette congestionnée murmure à peine. La dispensatrice donne encore deux ou trois coups de fouet, quelques claques puis, soigneusement, elle rabat la fine chemise, remonte le pantalon, redresse la victime et lui désigne un coin où elle va s’agenouiller.

Cependant, l’homme marchait toujours à travers la forêt. Les premières gouttes de pluie n’avaient tout d’abord pas transpercé l’épais feuillage. Ç’avait d’abord été l’odeur de la poussière mouillée, puis celle des feuilles, puis celle de l’herbe. Enfin, l’eau était tombée sur le marcheur. Son chemin était devenu plus rude. Glissant sur la terre glaise, s’enfonçant dans les fondrières et le terreau mou dissimulé par l’herbe, le visage inondé au soufflet des basses branches, il allait vers la lisière. Il l’atteignit enfin.

Légèrement en contrebas, la plaine offrait un panorama orageux. Les éclairs frappaient de leur lueur tantôt le ventre flasque des nuages et le sommet moutonnant des forêts, tantôt la façade d’une maison qu’elle blanchissait et rendait terrible comme une maison hantée. Le tonnerre mêlait son grondement discontinu au bruit constant de la mer. Le vent se calma. À la pluie d’orage succéda une pluie fine qui, par sa monotonie, donnait une impression de perpétuité.

L’homme se dirigea vers la seule maison éclairée : le pensionnat d’Humming-Bird Garden.

La maîtresse avait attiré à elle la seconde enfant, blonde et robuste, avec deux fossettes aux joues, fossettes identiques à celles que lorsque à son tour elle se trouva à plat ventre sur les genoux du bourreau, troussée et dénudée, révéla son cul blanc et cambré.

Un instant, l’acharnée correctrice s’attarda à contempler ce spectacle troublant, chair blanche qu’elle allait ensanglanter et qui se perdait étrangement dans la masse des jupes, du jupon et de la chemise relevés. Elle dégrafa les jarretières et rabattit les bas jusqu’aux genoux : une jambe s’était dégagée du pantalon qui pendait au pied de l’autre.

Puis l’adroite tortionnaire commença à claquer partir des jarrets les cuisses rondes en remontant vers la taille. Elle embrasa au passage les deux superbes méplats, d’abord masses blanches, puis roses rougissantes, puis orange presque sanguines. Sous les coups, elles se contractèrent, réduisant la raie médiane en un très court sillon. Bientôt, la masse musclée fut prise de soubresauts, se contractant et se relâchant sans mesure, laissant entrevoir le fossé brun où une bouche charnue s’apercevait, plissée et ombragée par des poils. Parfois même, et comme pour sa compagne, un grand sursaut cambrait davantage les reins, écartait les cuisses et le sexe était dévoilé. Quand le sang courut rapidement sous la chair, l’exécutrice saisit le martinet qui, là aussi, zébra de sang la peau fine. Puis le fouet succéda, puis la cravache.

L’homme atteignit la maison. Un instant son imagination fut pareille aux bâtisses surnaturellement blanchies à l’approche de l’orage, et le calme spectacle de la pelouse rasséréna ses pensées. Cependant, le son des coups sur la chair attira son attention. Il gagna le pied même du bâtiment et, par un tuyau d’écoulement des eaux de gouttière, se hissa jusqu’à la fenêtre ouverte d’où venait le bruit.

L’exécution était presque terminée. Maintenant, les mains parachevaient l’œuvre. Elles meurtrissaient d’une tape sèche les rares endroits qu’avait épargnés le cuir.

Puis, l’enfant habillée et redressée, la maîtresse se leva et commanda :

— Dolly et vous, Nancy, déshabillez-moi, que je me couche.

Dolly et Nancy se mirent à genoux. Elles délacèrent les souliers de cuir jaune et, glissant leurs petites mains sous les jupes, elles détachèrent les jarretelles et amenèrent les bas. Debout, elles dégrafèrent minutieusement le corsage et la jupe. La femme apparut en pantalon de dentelle et soutien-gorge. Ces deux vêtements tombèrent à leur tour. Nue, les seins durs, la croupe cambrée, la femme dominait les deux fillettes qui, obéissant à un rite convenu, baisèrent la bouche méchante, le ventre rond, le cul robuste, avant de la revêtir d’une chemise fine et courte et de natter ses cheveux ardents.

Alors, l’homme cramponné au balcon leva la fenêtre à guillotine et pénétra dans la pièce. Il sortit de sa poche un revolver noir et le posa sur la cheminée. Ramassant les bas de la femme qui le considérait sans bouger, il emprisonna dans l’un la tête de Dolly et dans l’autre celle de Nancy, enfin se retournant :

— Conduis-moi.

Elle précéda dans un couloir sombre, poussa une porte grinçante, pénétra dans un dortoir.

Dans trente lits blancs dormaient ou, plutôt, feignaient de dormir, trente jeunes filles. Sous la clarté tremblante des veilleuses, leur chevelure, le plus souvent blonde et parfois rousse, semblait frémir. La maîtresse réveilla le dortoir. Sous trente couvertures blanches, trente corps palpitants s’agitèrent. Les yeux grands ouverts, les enfants contemplaient leur redoutable tyran et le Corsaire Sanglot, puisque c’était lui, personnage nouveau, terrible et délicieux comme leurs rêves.

Elles se levèrent et leur théorie descendit l’escalier de sapin verni. La pluie avait cessé. Le jardin sentait comme tous les romanciers l’ont dit. Imaginez maintenant sur la pelouse verte trente jeunes filles à la chemise retroussée au-dessus de la croupe, à genoux. Et que fit le héros d’une si troublante aventure ? Les échos retentirent longtemps des corrections infligées à ces corps en émoi. Le petit jour levait son doigt au dessus de la forêt quand le Corsaire cessa de meurtrir ces cuisses tendres et ces hanches musclées.

Après quoi, il y eut une étreinte entre lui et la terrible maîtresse qui avait assisté, sans mot dire, aux actions de son amant.

Encore une fois, Louise Lame et le Corsaire Sanglot se sont rencontrés. À l’Angelus (sonne-t-on l’Angelus en Angleterre), ils se séparent. Lui, regagne son chemin de la forêt épaisse. Elle, fait rentrer au dortoir les élèves amoureuses et humiliées. Elle délivre Nancy et Dolly endormies avec un bas sur leur tête.

Jusqu’à midi les trente-deux filles dormiront, étonnées au réveil de cette liberté accordée. Regardant le grand soleil de midi frapper leur lit étroit, elles se souviendront des événements de la nuit. L’amour et la jalousie ensemble tortureront leurs âmes. Il leur faudra se lever et reprendre le travail écolier. Quand il leur faudra subir le fouet de la maîtresse, elles seront prises d’un étrange émoi. Souvenir du séducteur cruel et charmant, haine de celle qui le posséda. Et tout se passe comme j’ai dit. Bientôt même et pour mieux évoquer ce matin tendre où elles rencontrèrent l’amour, elles entreprennent de se meurtrir elles-mêmes. Les récréations se passent maintenant derrière les buissons de prunelliers. Et, deux à deux, elles se fouettent mutuellement, bienheureuses quand le sang entoure leurs cuisses d’un mince et chaud reptile. Corsaire Sanglot poursuit sa marche solitaire, tandis qu’en souvenir de lui, dans une calme plaine environnée de bois du comté de Kent, trente jeunes filles se flagellent de jour et de nuit et comptent au matin, en faisant leur toilette, avec une indicible fierté, les cicatrices dont elles sont marquées.

Le soir, la maîtresse, comme à l’ordinaire, choisit deux victimes et les emmène dans sa chambre. Et elle frappe ces cuisses qui ont souffert par lui, avec rage. Elle aurait aussi voulu souffrir comme elles et la haine amoureuse la dresse. Car elle n’a pas suffi au contentement du Corsaire.

Il lui a fallu d’abord la possession barbare de ses élèves, et rien ne pourra désormais consoler ces âmes en peine.

En dépit des années passant sur la pelouse unie et les allées et les arbres de la forêt proche.

En dépit des années passant sur ces fronts soucieux, sur ces yeux amoureux des ténèbres, sur ces corps énervés.

Et, quelque nuit, l’orage roulant sur la plaine et le marécage éclairera de nouveau la façade sévère et le marais aux feux follets.


Mais plus jamais le Corsaire Sanglot ne reparaîtra dans le pensionnat où des cœurs sans défaillance l’attendirent, cœurs aujourd’hui séniles dans d’immondes anatomies de vieilles femmes.


Robert Desnos, La liberté ou l´amour

viernes, 9 de septiembre de 2011

Tapez Messieurs!


TAPEZ, MESSIEURS!

CHANSONNETTE

Paroles de P.-L. FLERS. Musique de S. BOIJSSAGOL-RAITER.

I

Les hommes qui sont amoureux,

Prétendent, qu'ils sont malheureux,

Que la femme est un être affreux,

Quell' plaisant'rie ;

Je leur dirai, sans les fâcher,

Qu'ils ne savent pas l'attacher

II faut quelquefois la moucher,

Pour qu'ell' sourie !

C'est une crème assurément,

Mais pour qu'elle prenn' solid'ment

II faut la fouetter simplement ;

La pauv'chérie.

REFRAIN


II

Tapez, tapez,

Messieurs, faut taper sur ces dames

Voulez-vous être aimés des femmes

Tapez, tapez,

Qu'elle soit volcan ou statue

La femme adore être battue.

Ça vous renverse et vous abat,

Pourtant n'en soyez pas baba,

Car la femme, lorsqu'on la bat,

Est très heureuse.

C'est un être adorant les coups.

Quand elle en a reçu beaucoup,

En vous passant les bras au cou,

Très langoureuse,

Elle vous aime et vous dit tu,

Et, que ce soit vice ou vertu,

Vous revient comme un chien battu,

Très amoureuse.

Au refrain.


III

II faut doser selon le cas,

Flanquer la pile sans fracas

Avec, un jonc, un en-tout-cas,

Même une chaise ;

Mais frapper délicatement,

Le coup doit paraître charmant,

Presqu'une caresse vraiment,

Non un malaise.

Il faut battre sans éreinter.

C'est une affaire de doigté,

C'est comme pour ne pas rater

La mayonnaise.

Au refrain.


VI

Pour les Durand, ou les Dubois,

Dont les épous's sont comm' du bois,

Et qu'cett’ froideur met aux abois,

C'est une aubaine

Quand leurs femm's les appell'ront daim.

Sans discuter, d'un air badin,

Ils n'auront qu'à prendr' leur gourdin

Et sans mitaine

Puis après cett' conversation,

Quand vient la réconciliation,

Ils auront d'la satisfaction,

J'en suis certaine.

Au refrain.


c. 1900

miércoles, 20 de julio de 2011

Folies d´Amour



Folie par amour.

Nous désignons par ces mots l’influence totale exercée par un amour contrarié sur les facultés intellectuelles. Il n’est pas rare d’observer dans cette exaltation maladive des sentiments religieux poussés jusqu’aux pratiques les plus austères. Comme l’a très-justement fait remarquer M. Morel, la folie par amour est rare dans les classes inférieures de la société : les habitudes immorales, en effet, les unions précoces et illicites des deux sexes, ne font plus guère rechercher dans l’amour qu’une satisfaction des sens qui amène l’abrutissement de l’esprit, une triste et dégradante indifférence à propos d’une position perdue sans retour, et qui, dans un trop grand nombre des circonstances, ne laisse en perspective aux jeunes filles que la misère, la prostitution et les maladies honteuses.

Afin de bien préciser les faits, citons quelques observations concluantes :

Une demoiselle de Lyon devint amoureuse d’un de ses parents à qui elle était promise en mariage. Les circonstances s’opposèrent à l’accomplissement des promesses données aux deux amants ; le père exigeait l’éloignement du jeune homme. Or, à peine fut-il parti que cette jeune fille tomba dans une profonde tristesse, ne parla plus, resta couchée, refusa toute nourriture. Les sécrétions se supprimèrent ; mademoiselle X… repoussa tous les conseils, toutes les prières, toutes les consolations de ses parents, de ses amis. Après cinq jours employés à vaincre sa résolution, on se décida à rappeler son amant ; il n’était plus temps, elle succombe et mourut dans ses bras le sixième jour : « J’ai été frappé, dit Esquirol, de la rapidité de la marche de la maladie chez une femme qui mourut si promptement, après avoir acquis la conviction de l’indifférence de son amant. »

Une jeune fille de haute naissance, dit Pescuret, fit à son père le sacrifice de son amour pour un roturier, mais ce sacrifice était au-dessus de ses forces, une fièvre lente la mine et la consume et elle meurt avec tous les symptômes de la consomption pulmonaire.

Une jeune fille de dix-sept ans, rapporte M. Morel, devint aliénée après avoir vu manquer un mariage qu’elle ambitionnait avec ardeur. Elle guérit de ce premier accès de folie, mais depuis elle est restée singulièrement impressionnable, et il a suffi qu’elle ait appris le mariage d’une de ses amies de pension pour être en proie à une jalousie qui amena une rechute.

Un officier de cavalerie du caractère le plus doux, devint fou à la suite d’un amour contrarié : il croyait avoir reçu du ciel la mission de convertir les hommes, voulait les tuer pour l’expiation de leurs crimes, promettant de les ressusciter aussitôt et d’assurer ainsi leur bonheur. Ce malheureux avait le sentiment de son état ; il est mort après quelques mois de maladie.

Marc a connu, dans une maison de santé, un pauvre employé aux appointements de 900 francs, appelé L… Il était devenu éperdument amoureux d’une actrice de Paris connue par son talent, sa beauté et la sévérité de ses moeurs ; cette dame était d’ailleurs épouse d’un artiste des plus distingués. L… partageait la soupente d’un portier, ne se nourrissait, le plus souvent, que de pain et d’eau, s’imposait, en un mot, les privations les plus dures, afin de pouvoir acheter un billet d’avant-scène toutes les fois que madame X… remplissait un rôle. Un jour ses manifestations d’amour, pendant que madame X… paraissait devant le public, devinrent si vives, qu’on fut obligé de le mettre à la porte. Peu de temps après, il suivit madame X… dans toutes les promenades qu’elle faisait avec son mari, qu’il ne voulut jamais reconnaître pour tel, disant que madame X… n’était pas mariée, qu’elle n’épouserait que lui, et continuant de la nommer par son nom de demoiselle. Enfin, malgré une vigoureuse correction qu’il avait déjà reçue du mari, il se permit un jour, dans un lieu public, envers madame X…, des actes tellement répréhensibles, qu’on fût obligé de le renfermer. La passion qui le dominait a duré jusqu’à sa mort.

Simulation de la folie par amour. — L’exagération est l’écueil naturel que ne savent point éviter les simulateurs ; aussi, les reconnaît-on assez facilement, grâce à leurs extravagances et à leurs vaines menaces de suicide. En présence de circonstances analogues, il y a d’abord lieu de rechercher si le trouble de la raison résulte d’un calcul ou d’un amour vraiment capable de produire de semblables effets. Le véritable érotomane est timide, réservé, et il ne fait qu’à un ami bien intime l’aveu de sa tristesse, de sa passion. Le faux érotomane parle à tout le monde de l’objet de sa tendresse, et, par ses exubérantes confidences, il cherche à exciter l’intérêt et la compassion.

L’un garde malgré lui l’empreinte de la rêverie mélancolique ; l’autre, par un facile oubli, laisse s’enfuir son chagrin au milieu des plaisirs. Le premier a très-fréquemment les traits pâles, amaigris, altérés, et il perd insensiblement l’appétit et le sommeil ; touche-t-on son pouls, sa circulation s’accélère dès qu’on lui parle de l’objet aimé. Le second jouit de sa physionomie ordinaire et conserve, quoi qu’il fasse ou dise, les apparences normales de la santé.

Henri Legrand du Saulle,
La Folie devant les tribunaux, (Chapitre XIII : « L’Érotisme »), 1884

miércoles, 13 de julio de 2011

The Adventure and Romance Agency



Mr P. G. Northover advanced in the centre of the room, thoughtfully, and with a great deal of unconscious dignity. On closer consideration, there were apparent about him other things beside a screwed moustache, especially a lean, sallow face, hawk-like, and not without a careworn intelligence. Then he looked up abruptly.

"Do you know where you are, Major?" he said.

"God knows I don't," said the warrior, with fervour.

"You are standing," replied Northover, "in the office of the Adventure and Romance Agency, Limited."

"And what's that?" blankly inquired Brown.

The man of business leaned over the back of the chair, and fixed his dark eyes on the other's face.

"Major," said he, "did you ever, as you walked along the empty street upon some idle afternoon, feel the utter hunger for something to happen—something, in the splendid words of Walt Whitman: 'Something pernicious and dread; something far removed from a puny and pious life; something unproved; something in a trance; something loosed from its anchorage, and driving free.' Did you ever feel that?"

"Certainly not," said the Major shortly.

"Then I must explain with more elaboration," said Mr Northover, with a sigh. "The Adventure and Romance Agency has been started to meet a great modern desire. On every side, in conversation and in literature, we hear of the desire for a larger theatre of events for something to waylay us and lead us splendidly astray. Now the man who feels this desire for a varied life pays a yearly or a quarterly sum to the Adventure and Romance Agency; in return, the Adventure and Romance Agency undertakes to surround him with startling and weird events. As a man is leaving his front door, an excited sweep approaches him and assures him of a plot against his life; he gets into a cab, and is driven to an opium den; he receives a mysterious telegram or a dramatic visit, and is immediately in a vortex of incidents. A very picturesque and moving story is first written by one of the staff of distinguished novelists who are at present hard at work in the adjoining room. Yours, Major Brown (designed by our Mr Grigsby), I consider peculiarly forcible and pointed; it is almost a pity you did not see the end of it. I need scarcely explain further the monstrous mistake. Your predecessor in your present house, Mr Gurney-Brown, was a subscriber to our agency, and our foolish clerks, ignoring alike the dignity of the hyphen and the glory of military rank, positively imagined that Major Brown and Mr Gurney-Brown were the same person. Thus you were suddenly hurled into the middle of another man's story."

"How on earth does the thing work?" asked Rupert Grant, with bright and fascinated eyes.

"We believe that we are doing a noble work," said Northover warmly. "It has continually struck us that there is no element in modern life that is more lamentable than the fact that the modern man has to seek all artistic existence in a sedentary state. If he wishes to float into fairyland, he reads a book; if he wishes to dash into the thick of battle, he reads a book; if he wishes to soar into heaven, he reads a book; if he wishes to slide down the banisters, he reads a book. We give him these visions, but we give him exercise at the same time, the necessity of leaping from wall to wall, of fighting strange gentlemen, of running down long streets from pursuers—all healthy and pleasant exercises. We give him a glimpse of that great morning world of Robin Hood or the Knights Errant, when one great game was played under the splendid sky. We give him back his childhood, that godlike time when we can act stories, be our own heroes, and at the same instant dance and dream."

Basil gazed at him curiously. The most singular psychological discovery had been reserved to the end, for as the little business man ceased speaking he had the blazing eyes of a fanatic.

Major Brown received the explanation with complete simplicity and good humour.

"Of course; awfully dense, sir," he said. "No doubt at all, the scheme excellent. But I don't think—" He paused a moment, and looked dreamily out of the window. "I don't think you will find me in it. Somehow, when one's seen—seen the thing itself, you know—blood and men screaming, one feels about having a little house and a little hobby; in the Bible, you know, 'There remaineth a rest'."

Northover bowed. Then after a pause he said:

"Gentlemen, may I offer you my card. If any of the rest of you desire, at any time, to communicate with me, despite Major Brown's view of the matter—"

"I should be obliged for your card, sir," said the Major, in his abrupt but courteous voice. "Pay for chair."

The agent of Romance and Adventure handed his card, laughing.

It ran, "P. G. Northover, B.A., C.Q.T., Adventure and Romance Agency, 14 Tanner's Court, Fleet Street."

"What on earth is 'C.QT.'?" asked Rupert Grant, looking over the Major's shoulder.

"Don't you know?" returned Northover. "Haven't you ever heard of the Club of Queer Trades?"

"There seems to be a confounded lot of funny things we haven't heard of," said the little Major reflectively. "What's this one?"

"The Club of Queer Trades is a society consisting exclusively of people who have invented some new and curious way of making money. I was one of the earliest members."

"You deserve to be," said Basil, taking up his great white hat, with a smile, and speaking for the last time that evening.

When they had passed out the Adventure and Romance agent wore a queer smile, as he trod down the fire and locked up his desk. "A fine chap, that Major; when one hasn't a touch of the poet one stands some chance of being a poem. But to think of such a clockwork little creature of all people getting into the nets of one of Grigsby's tales," and he laughed out aloud in the silence.

Just as the laugh echoed away, there came a sharp knock at the door. An owlish head, with dark moustaches, was thrust in, with deprecating and somewhat absurd inquiry.

"What! back again, Major?" cried Northover in surprise. "What can I do for you?"

The Major shuffled feverishly into the room.

"It's horribly absurd," he said. "Something must have got started in me that I never knew before. But upon my soul I feel the most desperate desire to know the end of it all."

"The end of it all?"

"Yes," said the Major. "'Jackals', and the title-deeds, and 'Death to Major Brown'."

The agent's face grew grave, but his eyes were amused.

"I am terribly sorry, Major," said he, "but what you ask is impossible. I don't know any one I would sooner oblige than you; but the rules of the agency are strict. The Adventures are confidential; you are an outsider; I am not allowed to let you know an inch more than I can help. I do hope you understand—"

"There is no one," said Brown, "who understands discipline better than I do. Thank you very much. Good night."

And the little man withdrew for the last time.

He married Miss Jameson, the lady with the red hair and the green garments. She was an actress, employed (with many others) by the Romance Agency; and her marriage with the prim old veteran caused some stir in her languid and intellectualized set. She always replied very quietly that she had met scores of men who acted splendidly in the charades provided for them by Northover, but that she had only met one man who went down into a coal-cellar when he really thought it contained a murderer.

The Major and she are living as happily as birds, in an absurd villa, and the former has taken to smoking. Otherwise he is unchanged—except, perhaps, there are moments when, alert and full of feminine unselfishness as the Major is by nature, he falls into a trance of abstraction. Then his wife recognizes with a concealed smile, by the blind look in his blue eyes, that he is wondering what were the title-deeds, and why he was not allowed to mention jackals. But, like so many old soldiers, Brown is religious, and believes that he will realize the rest of those purple adventures in a better world.



Chesterton
The Club of Queer Trades