viernes, 4 de febrero de 2011

Morceaux de Femme




Ton insupportable portable
A sonné quand je te mettais
Tu ne t'es même pas décrochée
Pour répondre c'est incontestable

J'avais ton cul à marée haute
Et ta chevelure qui tressaute
J'avais tes seins en ligne de mire
On ne pouvait pas rêver pire

C'était Marcelin qui appelait
Car il préparait le dîner
Dans l'appareil il te criait
De surtout ne pas oublier

Tout ce que tu devais acheter
Lorsque tu serais rhabillée
Par cette belle soirée d'été
En nocturne au supermarché

Ton abominable portable
A sonné en pleine mélopée
Tu ne t'es même pas déplantée
Pour répondre c'est déraisonnable

J'avais ta bouche à bout portant
Tu n'étais pas au bout de tes peines
Moi j'étais à bout d'arguments
Tu étais belle en femme de peine

C'était Donata qui disait
Qu'elle ne pourrait t'accompagner
À votre cours de tai chi
Car elle avait physique-chimie

Elle était désolée bien sûr
Elle se sentait presque parjure
Ce n'était que partie remise
Pour l'instant tu étais bien mise

Ton intolérable portable
A sonné comme un incongru
Quand j'avais mon doigt dans ton cul
Tu n'étais pas très présentable

J'avais tes yeux en face des trous
Et j'avais tes trous plein la vue
Qu'est-ce qu'on pouvait souhaiter de plus
Que tes soupirs et tes remous

C'était Géraldine qui voulait
T'emmener voir Dérive passionnelle
Dans une ancienne usine à lait
Reconvertie en lieu rebelle

Une travailleuse théâtrale
Y faisait de la balançoire
Dans une grande violence musicale
Jusque vers minuit tous les soirs

Elle y dynamitait les codes
De la dramaturgie hors mode
Qu'elle repensait avec talent
C'était un spectacle dérangeant

Ton interminable portable
A resonné sous toi et moi
Tu répondis encore une fois
Sans dételer c'est très condamnable

J'avais tous tes tours dans mon sac
J'avais un nœud à l'estomac
J'avais ton cœur au bord des lèvres
En ces matières tu es orfèvre

C'était Pervenche qui appelait
Elle ne se souvenait plus pourquoi
Personne on le sait n'est parfait
Elle était en plein désarroi

Elle prévoyait de te rappeler
Sitôt qu'elle aurait retrouvé
Des raisons d'être et d'espérer
Et surtout de téléphoner

Ton impardonnable portable
A sonné quand tu m'enfourchais
Et que tu commençais à jouer

J'avais tes sphères dans mon saint suaire
Tu étais belle en écuyère
En convulsionnaire bayadère
Au dernier degré du calvaire

C'était à nouveau Marcelin
Qui de nouveau trouvait malin
De t'avertir qu'il mitonnait
Des petits plats pour le dîner

D'abord des hors-d’œuvre substantiels
Puis une viande ou un poisson
Un turbot ou un miroton
Ou un filet mignon au miel

Il exultait de fricasser
Rissoler bouillir écumer
Blanchir éplucher gratiner
Et toi tu étais bien braisée

Ton indéfendable portable
A sonné quand tu te tournais
Et qu'en silence tu présentais
Ton derrière impérissable

J'avais ton ciel et ton ressac
J'avais tes jardins en terrasses
Je me trouvais en état de grâce
J'avais tous tes tours dans mon sac

C'était Angeline l'obèse
Que jamais personne ne baise
Et qui d'ailleurs la trouve mauvaise
Ceci dit entre parenthèses

Elle voulait par ce soir dolent
T'emmener écouter à Beaubourg
Des nihilistes de Nemours
Qui parlent du ressentiment

Ils veulent disait-elle faire la nique
Aux pensées apocalyptiques
Des contempteurs philosophiques
De l'art nouveau et artistique

Ton inexcusable portable
A tinté quand tu te glissais
Souriante et nue dessous la table
Et tu as quand même décroché

Tu avais la langue bien pendue
En ce matin caniculaire
Et tes deux lèvres bien fendues
Etaient toutes à leur affaire

C'était Garance qui faisait chier
Je n'ai jamais pu l'encadrer
Elle est assistante marketing
Et son mari gardien de parking

Elle revenait de Papouasie
Qui se trouve en Mélanésie
Elle s'en proclamait extasiée
Elle voulait tout te raconter

Elle avait observé là-bas
Des mœurs sexuelles et culturelles
Du plus haut intérêt visuel
Elle en était encore baba

Elle pensait qu'il était urgent
De changer nos yeux de regard
Et de prendre le train en gare
Du moderne le plus modernant

Ton injustifiable portable
A crié quand tu roucoulais
Et sur le lit tout dévasté
Tu ne t'es pas déconnectée

Tu t'es si joliment tordue
Pour atteindre la source du
Dérangement très saugrenu
Que je t'en ai à peine voulu

C'était Élodie cette fois-ci
Elle venait de se mettre au lit
Il n'était pourtant que midi
Mais elle avait passé la nuit

Et puis la matinée aussi
À se faire en catimini
Mettre et remettre sans merci
Elle en était toute ébaubie

Si rarement ça lui arrive
Qu'elle en restait un peu pensive
Sa joie pour n'être que fictive
Se voulait communicative

J'ai dû subir son monologue
Elle est sociologue pédagogue
Et cherche par des apologues
À terrasser les démagogues

Ton inépuisable portable
A sonné entre deux giclées
Tu es restée imperturbable
Tu ne t'es même pas épongée

Tu étincelais en plein vent
Comme une montagne amoureuse
Et d'entre tes cuisses langoureuses
Tu accouchais le jour levant

C'était Manon qui te parlait
Je la connaissais bien celle-là
Et je savais qu'elle terminait
Un grand travail de doctorat

Sur toutes les figures du bonheur
Que de plus en plus de gens
Mettent dans leurs ordinateurs
Pour en orner le fond d'écran

Ton inénarrable portable
A dégueulé sa mélodie
Quand tu tendais vers ma folie
Tes bras potelés et délectables

C'était un message d'Edmonde
Ah tu en connais du beau monde
Elle revenait de Bragamance
Qui n'est pas loin de Casamance

Elle est féministe prosexe
C'est un dispositif complexe
Mais cette harpie convaincue
S'occupe aussi de Tranches de rue

Qui développe en milieu rural
Avec le conseil régional
Des développements créatifs
Dans un but participatif

De participation locale
Avec l'appui du collectif
Des collectivités spéciales
Pour le développement attractif

C'était le Nouvel An chinois
Elle aurait souhaité avec toi
Voir le défilé du Dragon
Et bien d'autres animations

Ton inexorable portable
A sonné quand je te mettais
C'était Reine qui téléphonait
De chez Clientèle innombrable

C'était Arlette c'était Paulette
C'étaient Georgette et Bernadette
C'étaient Étiennette et Laurette
C'était Juliette à bicyclette

C'étaient Mona et Raïssa
C'était cette conne d'Henrietta
C'étaient Sandrine et Apolline
C'étaient Anne-Dauphine et Martine

C'étaient les sœurs de ta voisine
C'étaient les filles de ma cousine
C'étaient Capucine et Glycine
C'étaient Vermine et Scarlatine

C'étaient Rustine et Cochinchine
C'était Rosine ou Bécassine
Dont je trouve les prunelles câlines
Bien qu'elle ait les yeux en trous de pine

C'étaient Canine et Turlupine
C'étaient Origine et Angine
Et puis Oursine et Androgyne
Et Figurine et Glycérine

Ton très haïssable portable
S'est brusquement interrompu
Il s'est tu c'est irrécusable
Je te l'avais fourré dans le cul


Philippe Muray

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