viernes, 3 de septiembre de 2010

Poétique du coït




Le tissu érectile , ce tissu qui forme en totalité le gland, les corps caverneux , le clitoris , et compose en grande partie les petites et les grandes lèvres , le vagin , etc. , appelle à lui et retient le sang, se gonfle de tout ce qu'il peut en contenir, se durcit et s'étend au plus qu'il puisse le faire. En môme temps , le sens génital franchit avec rapidité tous les degrés de l'exaltation , déborde les organes qui lui servent ordinairement de limites, s'épanche sur les autres, et
se grossit de toute la sensibilité qu'il y trouve.

Bientôt il arrive à des proportions qu'il ne peut plus ni dépasser, ni conserver : alors la convulsion s'empare de tout ce qui est muscle, fibre motrice dans l'appareil générateur : les vésicules séminales, les muscles qui entourent l'urètre, ceux qui s'attachent à l'anus, se contractent avec violence , et le sperme , cette liqueur dont la perte épuise même quand elle se fait sans émotion , est convulsivement expulsé.

Après ce dénouement , la scène change , et l'état que l'appareil générateur présente vient témoigner, comme un champ de bataille après une action meurtrière, de la grandeur du sacrifice. Ces organes , tout à l'heure si vivans , sont maintenant froids et flétris. Ces bourses, qui s'étaient presque effacées, sont devenues flasques et pendantes. Plus d'érection : un gonflement mollasse , et comme pourrait le présenter un membre malade , est tout ce qu'il en reste. A l'exaltation du sens vénérien a succédé un sentiment de torpeur, de fatigue , de cuisson, qui fait redouter ces mêmes attouchemens dont on était si prodigue. Une sorte de paralysie a remplacé les secousses convulsives ; enfin , ce serait vainement que de l'imagination et du geste on solliciterait de nouvelles ardeurs : le foyer s'est aussi vite refroidi qu'éteint ; on ne pourrait plus y agiter que des cendres.

Pendant ce tumulte, et après cette crise, l'état général du sujet est en tout conforme à celui de l'appareil générateur. Il est évident que l'un est le produit de l'autre. Ainsi le visage rougit,le cou se gonfle, les veines se remplissent, la
peau devient brûlante et se mouille de sueur, la respiration est haletante , le cœur bondit dans la poitrine ; c'est enfin un état de fièvre qui autoriserait presque à placer Pacte vénérien parmi les maladies. En même temps, les centres nerveux, le cerveau, le cervelet, la moelle épinière , éprouvent une impression telle , que je ne sache pas qu'ils puissent en ressentir de plus forte.

Le sujet, j'allais dire le malade, cesse d'être obsédé de l'idée fixe que lui suscitait l'éveil du sens vénérien : il ne songe plus aux moyens de le satisfaire, il y travaille. A mesure que l'œuvre avance , l'intelligence s'efface. Un moment arrive où elle n'est plus assez forte, même pour délirer . Alors sentir, recueillir les mille et une sensations qui s'élancent du foyer commun et pétillent de toutes parts, est la seule occupation de l'ame, la seule dont elle soit capable. La volonté est suspendue. Ce n'est plus à elle , mais à des centres nerveux fortement irrités, que les muscles appartiennent. Aussi le tronc, les membres sont-ils agités de mou vemens et de secousses involontaires. Ce désordre s'accroît encore, parvient au comble quand la crise finale arrive , quand la convulsion Libératrice s'empare des organes générateurs. En ce moment, c'est une épilepsie , un tétanos. Les yeux disparaissent, la bouche écume, les membres se tordent, le tronc se raidit , le cou se renverse : il y a enfin ce qu'on regarderait comme un. accès violent de maladie , si le principe et la fin de cet état n'étaient connus.

Mais le voici venu ce moment où l'appareil génital, ayant atteint son but, quitte la partie, abandonnant le reste du corps aux blessures qu'il lui a faites. Considérez l'individu qui vient de se mutiler ainsi : sa face est décolorée; il a les paupières entr'ouvertes et les regards incertains. S'il veut soulever ses membres , il les trouve lourds, engourdis, sans force et comme paralysés. Son corps ne lui rapporte que des sensations de malaise, de douleur.

Sa tête lui fait mal ; il souffre partout et se dit brisé, meurtri. S'il cherche à recueillir quelques idées , s'il essaie son intelligence , il la trouve embarrassée, paresseuse et, comme ses membres, incapable du moindre effort.

L'ouïe est obscure, la vue est trouble, les sens extérieurs, enfin, n'apportent à son cerveau que des impressions incomplètes. Ce sexe , cet individu, ces formes, dont le souvenir, dont l'aspect occupaient son esprit et embrasaient son cœur, n'ont plus d'attraits ; même il s'étonne de leur en avoir trouvé , et serait presque disposé à voir en eux des qualités contraires. L'âme dominée par le sentiment intérieur de fatigue , d'épuisement, que tous les points de l'économie lui envoient , se laisse aller à une sorte de langueur, de tristesse , de découragement , et même de dégoût, que des gens industrieux a se donner le change appellent une douce mélancolie. Ajoutez la faiblesse des battemens du cœur, la petitesse du pouls, l`affaissement des veines, la coloration livide des paupières, et vous aurez une idée assez exacte de l'état qu'on observe après l'acte vénérien.

Mais ce tableau, comme celui que j'ai tracé de l'état d'éveil , est loin d'être complet, bien que j'aie présenté les choses dans leur plus grande intensité , afin qu'on en saisît mieux toutes les circonstances. Il faudrait, pour que rien n'y manquât, qu'il comprît en même temps que tout ce qu'on voit,tout ce qui est et qu'on ne voit pas..."


Deslandes

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